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cesse. Quelques débris de villas et de temples romains ont encore survécu au naufrage du temps.

Le lac Lucrin et le lac Agnano sont voisins de la grotte de la Sibylle de Cumes: on ne voit presque plus de trace de l'ancienne ville de Cumes; c'est un désert inculte semé de quelques pierres; l'Arco Felice est près de la mer; on voit encore les fragments d'un temple de la Sibylle; quelques habitations semblent être elles-mêmes des ruines, et leurs possesseurs sont souvent dévorés par la misère et la maladie. La voûte souterraine est très longue; des faquins vous portent sur les épaules comme un précieux fardeau; d'autres vous éclairent avec des torches: les torches produisaient les images les plus fantastiques sur ces murailles noires et condamnées à l'ombre éternelle. Les faquins vont même dans l'eau, pour vous conduire dans l'endroit où la Sibylle se baignait, le lieu où elle allait s'asseoir, celui où Néron la regardait. L'air manque un peu dans ces réduits obscurs, encore empreints de fresques; enfin, nous revoyons la lumière; il est bon d'être plusieurs pour imposer aux portantini qui vous dévaliseraient facilement dans une semblable exploration.

Au milieu du Cap Misène, il y a une source d'eau douce qui surgit du fond de la mer.

C'est ici la grotte du Chien, au pied de la montagne Spina, dans laquelle il y a un fort dégagement d'acide carbonique à odeur de champagne, et qui éteint la lumière; les animaux ne peuvent respirer dans cette grotte, le pistolet même ne part pas.

Notre cocher alimentait ses chevaux avec le caroube, les lupins, les fèves et le chiendent; les autres fourrages sont très-rares; on nourrit un cheval pour quatre carlins ou deux francs par jour tout compris. Le grain est si abondant, qu'il y a de quoi fournir l'Italie; on en exporte en quantité, ainsi que de l'huile et de la soie. Le beurre vaut trois francs la livre.

À Naples comme à Rome, des sermonaires prêchent parfois dans les Carrefours et sur les places publiques, malgré le roulement des voitures, le cliquetis des armes des soldats, le luth harmonieux des bardes et des troubadours, les scènes burlesques de Polichinelle.

Il y avait hier grand spectacle: nous avons vu jouer le Siège de Calais et une pantomime équestre. Le théâtre de Saint-Charles est magnifique, bien décoré; le roi et le grand duc Michel y assistaient; en l'honneur de ces princes, il y avait grande illumination. Les diamants ruisselaient et étincelaient sur le front et les épaules de ces belles Napolitaines, et la loge royale était parée avec une magnificence inaccoutumée. Les danses ne sont pas si gracieuses qu'à l'Académie Royale de Paris; on croirait voir danser les Sauvages Américains; d'un autre côté, la musique est divine.

Que d'émotions nous eussions éprouvées en terminant la soirée, si nous y eussions entendu M. et Mme Duprez réunir tous les suffrages avec la ravissante Mme Malibran, dans la Somnambula et les Cavatines de Don Juan. Le souvenir de ces artistes est encore présent à Naples; chacun nous en entretenait; nous étions flattés de leurs victoires, et l'on conserve aussi toujours dans ces lieux la mémoire de la liaison intime de ces célébrités; on nous faisait comme assister à ces charmants soupers qui les réunissaient chaque jour tous les trois à la même table.

La gloire de Duprez a quelquefois éprouvé des éclipses, des vicissitudes et l'ingratitude ordinaire du public; il joua le rôle de Polione, dans La Norma, par déférence pour Mme Malibran, son amie, il était, ce qui lui arrivait rarement, fort enrhumé, et cette indisposition ayant pris un caractère sérieux dès la seconde représentation, il s'efforça de chanter, sans en avoir préalablement fait prévenir le public. Duprez fut sifflé à outrance à sa sortie, et le Ministre de la Police lui dit même que: «Quand on était premier ténor, on ne devait jamais être enrhumé, parce que cela pouvait compromettre l'ordre public.» Duprez supporta la tempête avec courage, mais Mme Duprez, qui remplissait dans la même pièce le rôle d'Adalgisa de la Norma, fut applaudie à trois reprises différentes. Ce petit échec maladif n'a pas empêché de rendre par suite à notre illustre chanteur, l'enthousiasme et le délire napolitain, dans la Lucia di Lamermoor, de Donizetti. Duprez, jouant le rôle de Ravenswood, a fait vibrer une voix magique qui a été saluée par des tonnerres d'applaudissements.

Après avoir récolté une ample moisson de gloire et mûri son talent à la chaleur vivifiante du soleil italien, notre virtuose, embrasé du feu sacré, retourna avec sa dame dans sa patrie, ranimer le génie musical, briser les entraves qui arrêtaient son essor, et cueillir, de nouvelles palmes et de nouveaux triomphes.

La façade du théâtre Saint-Charles, un peu sévère, est composée d'un portique sous lequel circulent les voitures. Le vestibule est grandiose, les corridors sont spacieux, la salle est plus grande que celle de l'Opéra à Paris; il y a six étages de loge, trente-deux à chaque rang: ces loges peuvent contenir environ douze personnes. Toutes les places du parterre sont numérotées et séparées; c'est un usage général en Italie; on peut retenir son billet huit jours à l'avance, sans augmentation de prix; la salle est toute entière dorée de haut en bas; les loges sont drapées en bleu; celle du roi est en face du théâtre, au-dessus de la porte d'entrée du parterre; elle est soutenue par deux palmiers dorés, décorée par deux rideaux que soulèvent des génies; les peintures du plafond de la salle, représentent le Parnasse; au-dessus de la scène est une horloge composée d'un cadran sur lequel des amours indiquent les heures; entre chaque loge est un candélabre d'or et d'argent, à cinq branches; derrière chaque loge est un petit salon pour l'agrément des spectateurs.

Il y a encore le théâtre Comique des Florentins; les Napolitains aiment beaucoup les petits spectacles; ils sont surtout amateurs de marionnettes; il y avait un acteur de cette espèce âgé de quatre-vingts ans, qui faisait rire les Napolitains depuis soixante ans, dans son rôle de Polichinelle. Ces polichinelles et saltimbanques, toujours gais et fantasques, faisaient tressaillir la multitude ébahie.

Les cafés, les boutiques, les promenades, les lieux publics sont pleins dès le matin jusqu'à midi de toutes sortes de gens; à midi, on se couche; une heure avant la nuit on se lève, on se rhabille, on entre au café ou bien l'on monte en voiture pour se promener à Chiaia; ou le long du Pausilippe; le soir on va à l'Opéra.

On ne voit pas sur les lèvres des Italiens, la raillerie piquante, le rire sardonique.

Le mouvement de la rue Saint-Honoré n'est pas comparable à celui de la Strada de Tolède, les places, les rues, pleines de population, sont continuellement sillonnées par une multitude de voitures et de petites calèches qui voilent tant elles vont vite, et l'on craint d'écraser les enfants. Enfin les boutiques et les maisons semblent inondées d'habitants.

C'est sur la terrasse ou loggia, qu'au déclin du jour on vient chercher le repos et le souffle de la brise du soir.

La ville de Portici a le beau palais que Murat avait occupé; il y a des salles en porcelaine de Chine; le palais du prince de Salerne, la Bella Favorita, est au commencement de la ville; on voit, peu loin de là, Torre del Greco, brûlé neuf fois par le Vésuve: dans ces lieux, toutes les constructions sont sur la lave.

À Naples et sur les routes, on a sous les yeux un continuel tableau des misères humaines: des hommes ne pouvant mouvoir qu'une seule jambe suivent une voiture au grand trot des chevaux, et cela pendant un long trajet, demandant toujours la carita: des aveugles, des estropiés courent après vous; il y en a qui ont la forme de spectres hideux, de cadavres difformes; des cancers leur ont rongé le nez et les yeux; leur aspect fait reculer d'horreur. Les moines, si multipliés dans ces lieux, s'opposent à la formation de dépôts de mendicité, disant que nous devons toujours voir le spectacle fidèle des misères humaines pour être plus humains.

Nous entrons enfin dans cette merveilleuse Pompéïa, dérobée et conservée pendant dix-huit siècles; notre domestique de place n'a pas permission d'entrer; c'est un militaire invalide qui doit nous promener dans cette ville antique que la cendre a préservée du temps dévastateur. Il n'y a point de monuments qui inspirent plus d'intérêt que ceux de Pompéïa: tout se trouve tel qu'il était le jour de la terrible catastrophe qui la fit disparaître sous les couches volcaniques. L'épaisseur de la fumée obscurcit, du temps de Pline et de Titus, l'an 79, le soleil en plein midi; la mer se recula plusieurs fois et laissa les ruisseaux à sec; une grande pluie étant survenue dans le temps que l'air était le plus rempli de cendres, cela fit un mortier qui tombait par moment sur la terre; des fleuves de feu coulaient jusque dans la mer; des villages furent renversés; les dernières secousses ébranlèrent la ville: on entendit un bruit souterrain plus épouvantable que le tonnerre, qui retentit jusqu'à Rome et jusqu'en Égypte; en ce moment, les villes de Pompéïa et d'Herculanum furent ensevelies avec la plupart des habitants qui étaient au spectacle public, suivant le narrateur Dion: nous ne partageons pas cette opinion.

La première maison qui s'offre à nos regards est celle d'Arius Diomède; dix-sept personnes de sa famille sont trouvées victimes de l'éruption: Diomède lui-même meurt dans son jardin: nous avons examiné les amphores qui servaient à conserver son vin, pour faire des libations à Bacchus; dans la distribution de son appartement rien n'est oublié; depuis son boudoir jusqu'à la salle de ses femmes; les fresques sont encore parfaitement conservées; mais des figures obscènes ont été transférées au Musée de Naples; les appartements ne sont pas de grande dimension; tous construits avec la lave et la pierre ponce. On voit le tombeau de Diomède et la salle à manger après les funérailles.

Nous avons visité le cimetière, où se trouve le tombeau du commandant des anciens, de Luc Libelle, etc.; l'ossuaire est adjacent, ainsi que le four pour brûler les corps. Pompéïa avait environ trente mille âmes de population.

Les rues sont pavées de larges pierres et ornées de beaux trottoirs paralelles. Il y a des maisons à l'enseigne de Priape: les lits comme chez les Turcs touchaient presqu'à terre: on voit sur les pavés ou dalles la trace des roues de voiture. Les fontaines sont à l'embranchement de deux rues. Les fours avec des pains dedans et des moulins pour les grains sont encore très-bien conservés et de même forme qu'aujourd'hui; dans les maisons de cabaret on aperçoit la tache faite par les verres à liqueur sur le marbre; les marques de l'ancienne douane existent encore.

Nous nous sommes promenés dans la maison de Salluste; nous avons vu sa table à manger: son jardin est petit; mais tout est symétrique; son lit en fer ressemble à ceux d'aujourd'hui. Dans les temples de Faune et de la Fortune, on trouve seulement la pierre purpurine.

Le tribunal, immense et imposant, est entouré de belles colonnes; la prison est sous la salle où siégeaient les juges.

On fouille depuis cent vingt ans, et on transporte au loin les cendres, de manière à donner une libre circulation dans la ville: un tiers seulement de cette cité, entourée de murailles, est découvert.

Nous avons parcouru la rue des douze vérités qui sont Minerve, Junon, Apollon, Diane, etc.; elle conduit au temple d'Isis, puis à un magnifique amphithéâtre.

Il y a un théâtre comique, une fontaine en mosaïque de la plus grande beauté; les salles de bains n'ont point été oubliées.

Épuisés d'explorations longues et curieuses, nous nous sommes restaurés d'excellent vin de Pompéïa et du fameux champagne d'Ischia. On a trouvé des statues, des médailles d'or et d'argent, des vases, de toute espèce, des chaînes pour les criminels, des bracelets pour les filles, des candélabres, une balance avec un poids ayant la forme d'un Mercure, une bague avec le mot Ave; la bibliothèque de Salluste; les parchemins du consul Pansa.

Tout existe à Pompéïa. L'homme seul a disparu. On a trouvé dans l'atelier d'un statuaire les ciseaux que la mort fit tomber des mains de l'artiste.

Dans la maison de Faono, à cause du beau Faune en bronze qu'on y a trouvé, on a découvert la plus belle mosaïque: c'est un grand tableau historique qui représente la bataille d'Alexandre et de Darius. Vingt-six guerriers et quinze chevaux de dimensions presque naturelles forment ce groupe admirable; les plus beaux édifices publics sont: le Grand Portique, le Forum, le Panthéon ou Temple d'Auguste.

On a retiré des oeufs bien conservés, du blé, de l'huile, du vin, des réchauds avec leurs charbons et leurs cendres, des provisions dans des magasins, qui consistaient en dattes, châtaignes, figues sèches, amandes, prunes, aulx, pois, lentilles, petites fèves, de la pâte et des jambons. On a découvert des tableaux du meilleur goût, puis la maison entière d'un barbier. La boutique de cet artisan, les ustensiles, les bancs où les

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