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Read book online «Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 2 by Jules Verne (best books for 8th graders txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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tempêtes tournantes de l'hémisphère austral.

Ah ! ce Gulf-Stream ! Il justifiait bien son nom de roi des tempĂŞtes ! C'est lui qui crĂ©e ces formidables cyclones par la diffĂ©rence de tempĂ©rature des couches d'air superposĂ©es a ses courants.

A la pluie avait succédé une averse de feu. Les gouttelettes d'eau se changeaient en aigrettes fulminantes. On eût dit que le capitaine Nemo, voulant une mort digne de lui, cherchait à se faire foudroyer. Dans un effroyable mouvement de tangage, le Nautilus dressa en l'air son éperon d'acier, comme la tige d'un paratonnerre, et j'en vis jaillir de longues étincelles.

Brisé, à bout de forces, je me coulai à plat ventre vers le panneau. Je l'ouvris et je redescendis au salon. L'orage atteignait alors son maximum d'intensité. Il était impossible de se tenir debout à l'intérieur du Nautilus.

Le capitaine Nemo rentra vers minuit. J'entendis les réservoirs se remplir peu à peu, et le Nautilus s'enfonça doucement au-dessous de la surface des flots.

Par les vitres ouvertes du salon, je vis de grands poissons effarĂ©s qui passaient comme des fantĂ´mes dans les eaux en feu. Quelques-uns furent foudroyĂ©s sous mes yeux !

Le Nautilus descendait toujours. Je pensais qu'il retrouverait le calme à une profondeur de quinze mètres. Non. Les couches supérieures étaient trop violemment agitées. Il fallut aller chercher le repos jusqu'à cinquante mètres dans les entrailles de la mer.

Mais lĂ , quelle tranquillitĂ©, quel silence, quel milieu paisible ! Qui eĂ»t dit qu'un ouragan terrible se dĂ©chaĂ®nait alors Ă  la surface de cet OcĂ©an ?

XX PAR 47°24' DE LATITUDE ET DE 17°28' DE LONGITUDE

A la suite de cette tempête, nous avions été rejetés dans l'est. Tout espoir de s'évader sur les atterrages de New York ou du Saint-Laurent s'évanouissait. Le pauvre Ned, désespéré, s'isola comme le capitaine Nemo. Conseil et moi, nous ne nous quittions plus.

J'ai dit que le Nautilus s'Ă©tait Ă©cartĂ© dans l'est. J'aurais dĂ» dire, plus exactement, dans le nord-est. Pendant quelques jours, il erra tantĂ´t Ă  la surface des flots, tantĂ´t au-dessous, au milieu de ces brumes si redoutables aux navigateurs. Elles sont principalement dues Ă  la fonte des glaces, qui entretient une extrĂŞme humiditĂ© dans l'atmosphère. Que de navires perdus dans ces parages, lorsqu'ils allaient reconnaĂ®tre les feux incertains de la cĂ´te ! Que de sinistres dus Ă  ces brouillards opaques ! Que de chocs sur ces Ă©cueils dont le ressac est Ă©teint par le bruit du vent ! Que de collisions entre les bâtiments, malgrĂ© leurs feux de position, malgrĂ© les avertissements de leurs sifflets et de leurs cloches d'alarme !

Aussi, le fond de ces mers offrait-il l'aspect d'un champ de bataille, oĂą gisaient encore tous ces vaincus de l'OcĂ©an ; les uns vieux et empâtĂ©s dĂ©jĂ  ; les autres jeunes et rĂ©flĂ©chissant l'Ă©clat de notre fanal sur leurs ferrures et leurs carènes de cuivre. Parmi eux, que de bâtiments perdus corps et biens, avec leurs Ă©quipages, leur monde d'Ă©migrants, sur ces points dangereux signalĂ©s dans les statistiques, le cap Race, l'Ă®le Saint-Paul, le dĂ©troit de Belle-Ile, l'estuaire du Saint-Laurent ! Et depuis quelques annĂ©es seulement que de victimes fournies Ă  ces funèbres annales par les lignes du Royal-Mail, d'Inmann, de MontrĂ©al, le Solway, I'Isis, le Paramatta, I'Hungarian, le Canadian, l'Anglo-Saxon, le Humboldt, l'United-States, tous Ă©chouĂ©s, l'Artic, le Lyonnais, coulĂ©s par abordage, le PrĂ©sident, le Pacific, le City-of-Glasgow, disparus pour des causes ignorĂ©es, sombres dĂ©bris au milieu desquels naviguait le Nautilus, comme s'il eĂ»t passĂ© une revue des morts !

Le 15 mai, nous étions sur l'extrémité méridionale du banc de Terre-Neuve. Ce banc est un produit des alluvions marines, un amas considérable de ces détritus organiques, amenés soit de l'Équateur par le courant du Gulf-Stream, soit du pôle boréal, par ce contre-courant d'eau froide qui longe la côte américaine. Là aussi s'amoncellent les blocs erratiques charriés par la débâcle des glaces. Là s'est formé un vaste ossuaire de poissons de mollusques ou de zoophytes qui y périssent par milliards.

La profondeur de la mer n'est pas considérable au banc de Terre-Neuve. Quelques centaines de brasses au plus. Mais vers le sud se creuse subitement une dépression profonde, un trou de trois mille mètres. Là s'élargit le Gulf-Stream. C'est un épanouissement de ses eaux. Il perd de sa vitesse et de sa température, mais il devient une mer.

Parmi les poissons que le Nautilus effaroucha à son passage, je citerai le cycloptère d'un mètre, à dos noirâtre, à ventre orange, qui donne à ses congénères un exemple peu suivi de fidélité conjugale, un unernack de grande taille, sorte de murène émeraude, d'un goût excellent, des karraks à gros yeux, dont la tête a quelque ressemblance avec celle du chien, des blennies, ovovivipares comme les serpents, des gobies-boulerots ou goujons noirs de deux décimètres, des macroures à longue queue, brillant d'un éclat argenté, poissons rapides, aventurés loin des mers hyperboréennes.

Les filets ramassèrent aussi un poisson hardi, audacieux, vigoureux, bien musclé, armé de piquants à la tête et d'aiguillons aux nageoires, véritable scorpion de deux à trois mètres, ennemi acharné des blennies, des gades et des saumons, c'était le cotte des mers septentrionales, au corps tuberculeux, brun de couleur, rouge aux nageoires. Les pêcheurs du Nautilus eurent quelque peine à s'emparer de cet animal, qui, grâce à la conformation de ses opercules, préserve ses organes respiratoires du contact desséchant de l'atmosphère et peut vivre quelque temps hors de l'eau.

Je cite maintenant — pour mémoire — des bosquiens, petits poissons qui accompagnent longtemps les navires dans les mers boréales, des ables-oxyrhinques, spéciaux à l'Atlantique septentrional, des rascasses, et j'arrive aux gades, principalement à l'espèce morue, que je surpris dans ses eaux de prédilection, sur cet inépuisable banc de Terre-Neuve.

On peut dire que ces morues sont des poissons de montagnes, car Terre-Neuve n'est qu'une montagne sous-marine. Lorsque le Nautilus s'ouvrit un chemin Ă  travers leurs phalanges pressĂ©es, Conseil ne put retenir cette observation :

« Ă‡a ! des morues ! dit-il ; mais je croyais que les morues Ă©taient plates comme des limandes ou des soles ?

— NaĂŻf ! m'Ă©criai-je. Les morues ne sont plates que chez l'Ă©picier, oĂą on les montre ouvertes et Ă©talĂ©es. Mais dans l'eau, ce sont des poissons fusiformes comme les mulets, et parfaitement conformĂ©s pour la marche.

— Je veux croire monsieur, rĂ©pondit Conseil. Quelle nuĂ©e, quelle fourmilière !

— Eh ! mon ami, il y en aurait bien davantage, sans leurs ennemis, les rascasses et les hommes ! Sais-tu combien on a comptĂ© d'oeufs dans une seule femelle ?

— Faisons bien les choses, répondit Conseil. Cinq cent mille.

— Onze millions, mon ami.

— Onze millions. Voila ce que je n'admettrai jamais, à moins de les compter moi-même.

— Compte-les, Conseil. Mais tu auras plus vite fait de me croire. D'ailleurs, c'est par milliers que les Français, les Anglais, les Américains, les Danois, les Norvégiens, pêchent les morues. On les consomme en quantités prodigieuses, et sans l'étonnante fécondité de ces poissons, les mers en seraient bientôt dépeuplées. Ainsi en Angleterre et en Amérique seulement, cinq mille navires montés par soixante-quinze mille marins, sont employés à la pêche de la morue. Chaque navire en rapporte quarante mille en moyenne, ce qui fait vingt-cinq millions. Sur les côtes de la Norvège, même résultat.

— Bien, répondit Conseil, je m'en rapporte à monsieur. Je ne les compterai pas.

— Quoi donc ?

— Les onze millions d'oeufs. Mais je ferai une remarque.

— Laquelle ?

— C'est que si tous les oeufs Ă©closaient, il suffirait de quatre morues pour alimenter l'Angleterre, l'AmĂ©rique et la Norvège. Â»

Pendant que nous effleurions les fonds du banc de Terre-Neuve, je vis parfaitement ces longues lignes, armées de deux cents hameçons, que chaque bateau tend par douzaines. Chaque ligne entraînée par un bout au moyen d'un petit grappin, était retenue a la surface par un orin fixé sur une bouée de liège. Le Nautilus dut manoeuvrer adroitement au milieu de ce réseau sous-marin.

D'ailleurs il ne demeura pas longtemps dans ces parages fréquentés. Il s'éleva jusque vers le quarante-deuxième degré de latitude. C'était à la hauteur de Saint-Jean de Terre-Neuve et de Heart's Content, où aboutit l'extrémité du câble transatlantique.

Le Nautilus, au lieu de continuer à marcher au nord prit direction vers l'est, comme s'il voulait suivre ce plateau télégraphique sur lequel repose le câble, et dont des sondages multipliés ont donné le relief avec une extrême exactitude.

Ce fut le 17 mai, à cinq cents milles environ de Heart's Content, par deux mille huit cents mètres de profondeur, que j'aperçus le câble gisant sur le sol. Conseil, que je n'avais pas prévenu, le prit d'abord pour un gigantesque serpent de mer et s'apprêtait à le classer suivant sa méthode ordinaire. Mais je désabusai le digne garçon et pour le consoler de son déboire, je lui appris diverses particularités de la pose de ce câble.

Le premier câble fut Ă©tabli pendant les annĂ©es 1857 et 1 858 ; mais, après avoir transmis quatre cents tĂ©lĂ©grammes environ, il cessa de fonctionner. En 1863, les ingĂ©nieurs construisirent un nouveau câble, mesurant trois mille quatre cents kilomètres et pesant quatre mille cinq cents tonnes, qui fut embarquĂ© sur le Great-Eastern. Cette tentative Ă©choua encore.

Or, le 25 mai, le Nautilus, immergĂ© par trois mille huit cent trente-six mètres de profondeur, se trouvait prĂ©cisĂ©ment en cet endroit oĂą se produisit la rupture qui ruina l'entreprise. C'Ă©tait Ă  six cent trente-huit milles de la cĂ´te d'Irlande. On s'aperçut, Ă  deux heures après-midi, que les communications avec l'Europe venaient de s'interrompre. Les Ă©lectriciens du bord rĂ©solurent de couper le câble avant de le repĂŞcher, et Ă  onze heures du soir, ils avaient ramenĂ© la partie avariĂ©e. On refit un joint et une Ă©pissure ; puis le câble fut immergĂ© de nouveau. Mais, quelques jours plus tard, il se rompit et ne put ĂŞtre ressaisi dans les profondeurs de l'OcĂ©an.

Les Américains ne se découragèrent pas. L'audacieux Cyrus Field, le promoteur de l'entreprise, qui y risquait toute sa fortune, provoqua une nouvelle souscription. Elle fut immédiatement couverte. Un autre câble fut établi dans de meilleures conditions. Le faisceau de fils conducteurs isolés dans une enveloppe de gutta-percha, était protégé par un matelas de matières textiles contenu dans une armature métallique. Le Great-Eastern reprit la mer le 13 juillet 1866.

L'opération marcha bien. Cependant un incident arriva. Plusieurs fois, en déroulant le câble, les électriciens observèrent que des clous y avaient été récemment enfoncés dans le but d'en détériorer l'âme. Le capitaine Anderson, ses officiers, ses ingénieurs, se réunirent, délibérèrent, et firent afficher que si le coupable était surpris à bord, il serait jeté à la mer sans autre jugement. Depuis lors, la criminelle tentative ne se reproduisit plus.

Le 23 juillet, le Great-Eastern n'Ă©tait plus qu'Ă  huit cents kilomètres de Terre-Neuve, lorsqu'on lui tĂ©lĂ©graphia d'Irlande la nouvelle de l'armistice conclu entre la Prusse et l'Autriche après Sadowa. Le 27, il relevait au milieu des brumes le port de Heart's Content. L'entreprise Ă©tait heureusement terminĂ©e, et par sa première dĂ©pĂŞche, la jeune AmĂ©rique adressait Ă  la vieille Europe ces sages paroles si rarement comprises : « Gloire Ă  Dieu dans le ciel, et paix aux hommes de bonne volontĂ© sur la terre. Â»

Je ne m'attendais pas à trouver le câble électrique dans son état primitif, tel qu'il était en sortant des ateliers de fabrication. Le long serpent, recouvert de débris de coquille, hérissé de foraminifères, était encroûté dans un empâtement pierreux qui le protégeait contre les mollusques perforants. Il reposait tranquillement, à l'abri des mouvements de la mer, et sous une pression favorable à la transmission de l'étincelle électrique qui passe de l'Amérique à l'Europe en trente-deux centièmes de seconde. La durée de ce câble sera infinie sans doute, car on a observé que l'enveloppe de gutta-percha s'améliore par son séjour dans l'eau de mer.

D'ailleurs, sur ce plateau si heureusement choisi, le câble n'est jamais immergé à des profondeurs telles qu'il puisse se rompre. Le Nautilus le suivit jusqu'à son fond le plus bas, situé par quatre mille quatre cent trente et un mètres, et là, il reposait encore sans aucun effort de traction. Puis, nous nous rapprochâmes de l'endroit où avait eu lieu l'accident de 1863.

Le fond océanique formait alors une vallée large de cent vingt kilomètres, sur laquelle on eût pu poser le Mont-Blanc sans que son sommet émergeât de la surface des flots. Cette vallée est fermée à l'est par une muraille à pic

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