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Read book online «De la Terre à la Lune by Jules Verne (novels to read for beginners .txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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saturaient d'oxyg�ne tous ces foyers incandescents.

L'op�ration, pour r�ussir, demandait � �tre rapidement conduite. Au signal donn� par un coup de canon, chaque four devait livrer passage � la fonte liquide et se vider enti�rement.

Ces dispositions prises, chefs et ouvriers attendirent le moment d�termin� avec une impatience m�l�e d'une certaine quantit� d'�motion. Il n'y avait plus personne dans l'enceinte, et chaque contrema�tre fondeur se tenait � son poste pr�s des trous de coul�e.

Barbicane et ses coll�gues, install�s sur une �minence voisine, assistaient � l'op�ration. Devant eux, une pi�ce de canon �tait l�, pr�te � faire feu sur un signe de l'ing�nieur.

Quelques minutes avant midi, les premi�res gouttelettes du m�tal commenc�rent � s'�pancher; les bassins de r�ception s'emplirent peu � peu, et lorsque la fonte fut enti�rement liquide, on la tint en repos pendant quelques instants, afin de faciliter la s�paration des substances �trang�res.

Midi sonna. Un coup de canon �clata soudain et jeta son �clair fauve dans les airs. Douze cents trous de coul�e s'ouvrirent � la fois, et douze cents serpents de feu ramp�rent vers le puits central, en d�roulant leurs anneaux incandescents. L� ils se pr�cipit�rent, avec un fracas �pouvantable, � une profondeur de neuf cents pieds. C'�tait un �mouvant et magnifique spectacle. Le sol tremblait, pendant que ces flots de fonte, lan�ant vers le ciel des tourbillons de fum�e, volatilisaient en m�me temps l'humidit� du moule et la rejetaient par les �vents du rev�tement de pierre sous la forme d'imp�n�trables vapeurs. Ces nuages factices d�roulaient leurs spirales �paisses en montant vers le z�nith jusqu'� une hauteur de cinq cents toises. Quelque sauvage, errant au-del� des limites de l'horizon, e�t pu croire � la formation d'un nouveau crat�re au sein de la Floride, et cependant ce n'�tait l� ni une �ruption, ni une trombe, ni un orage, ni une lutte d'�l�ments, ni un de ces ph�nom�nes terribles que la nature est capable de produire! Non! l'homme seul avait cr�� ces vapeurs rouge�tres, ces flammes gigantesques dignes d'un volcan, ces tr�pidations bruyantes semblables aux secousses d'un tremblement de terre, ces mugissements rivaux des ouragans et des temp�tes, et c'�tait sa main qui pr�cipitait, dans un ab�me creus� par elle tout un Niagara, de m�tal en fusion.

XVI

LA COLUMBIAD

L'op�ration de la fonte avait-elle r�ussi? On en �tait r�duit � de simples conjectures. Cependant tout portait � croire au succ�s, puisque le moule avait absorb� la masse enti�re du m�tal liqu�fi� dans les fours. Quoi qu'il en soit, il devait �tre longtemps impossible de s'en assurer directement.

En effet, quand le major Rodman fondit son canon de cent soixante mille livres, il ne fallut pas moins de quinze jours pour en op�rer le refroidissement. Combien de temps, d�s lors, la monstrueuse Columbiad, couronn�e de ses tourbillons de vapeurs, et d�fendue par sa chaleur intense, allait-elle se d�rober aux regards de ses admirateurs? Il �tait difficile de le calculer.

L'impatience des membres du Gun-Club fut mise pendant ce laps de temps � une rude �preuve. Mais on n'y pouvait rien. J.-T. Maston faillit se r�tir par d�vouement. Quinze jours apr�s la fonte, un immense panache de fum�e se dressait encore en plein ciel, et le sol br�lait les pieds dans un rayon de deux cents pas autour du sommet de Stone's-Hill.

Les jours s'�coul�rent, les semaines s'ajout�rent l'une � l'autre. Nul moyen de refroidir l'immense cylindre. Impossible de s'en approcher. Il fallait attendre, et les membres du Gun-Club rongeaient leur frein.

�Nous voil� au 10 ao�t, dit un matin J.-T. Maston. Quatre mois � peine nous s�parent du premier d�cembre! Enlever le moule int�rieur, calibrer l'�me de la pi�ce, charger la Columbiad, tout cela est � faire! Nous ne serons pas pr�ts! On ne peut seulement pas approcher du canon! Est-ce qu'il ne se refroidira jamais! Voil� qui serait une mystification cruelle!

On essayait de calmer l'impatient secr�taire sans y parvenir, Barbicane ne disait rien, mais son silence cachait une sourde irritation. Se voir absolument arr�t� par un obstacle dont le temps seul pouvait avoir raison,—le temps, un ennemi redoutable dans les circonstances,—et �tre � la discr�tion d'un ennemi, c'�tait dur pour des gens de guerre.

Cependant des observations quotidiennes permirent de constater un certain changement dans l'�tat du sol. Vers le 15 ao�t, les vapeurs projet�es avaient diminu� notablement d'intensit� et d'�paisseur. Quelques jours apr�s, le terrain n'exhalait plus qu'une l�g�re bu�e, dernier souffle du monstre enferm� dans son cercueil de pierre. Peu � peu les tressaillements du sol vinrent � s'apaiser, et le cercle de calorique se restreignit; les plus impatients des spectateurs se rapproch�rent; un jour on gagna deux toises; le lendemain, quatre; et, le 22 ao�t, Barbicane, ses coll�gues, l'ing�nieur, purent prendre place sur la nappe de fonte qui effleurait le sommet de Stone's-Hill, un endroit fort hygi�nique, � coup s�r, o� il n'�tait pas encore permis d'avoir froid aux pieds.

�Enfin!� s'�cria le pr�sident du Gun-Club avec un immense soupir de satisfaction.

Les travaux furent repris le m�me jour. On proc�da imm�diatement � l'extraction du moule int�rieur, afin de d�gager l'�me de la pi�ce; le pic, la pioche, les outils � tarauder fonctionn�rent sans rel�che; la terre argileuse et le sable avaient acquis une extr�me duret� sous l'action de la chaleur; mais, les machines aidant, on eut raison de ce m�lange encore br�lant au contact des parois de fonte; les mat�riaux extraits furent rapidement enlev�s sur des chariots mus � la vapeur, et l'on fit si bien, l'ardeur au travail fut telle, l'intervention de Barbicane si pressante, et ses arguments pr�sent�s avec une si grande force sous la forme de dollars, que, le 3 septembre, toute trace du moule avait disparu.

Imm�diatement l'op�ration de l'al�sage commen�a; les machines furent install�es sans retard et manœuvr�rent rapidement de puissants al�soirs dont le tranchant vint mordre les rugosit�s de la fonte. Quelques semaines plus tard, la surface int�rieure de l'immense tube �tait parfaitement cylindrique, et l'�me de la pi�ce avait acquis un poli parfait.

Enfin, le 22 septembre, moins d'un an apr�s la communication Barbicane, l'�norme engin, rigoureusement calibr� et d'une verticalit� absolue, relev�e au moyen d'instruments d�licats, fut pr�t � fonctionner. Il n'y avait plus que la Lune � attendre, mais on �tait s�r qu'elle ne manquerait pas au rendez-vous. La joie de J.-T. Maston ne connut plus de bornes, et il faillit faire une chute effrayante, en plongeant ses regards dans le tube de neuf cents pieds. Sans le bras droit de Blomsberry, que le digne colonel avait heureusement conserv�, le secr�taire du Gun-Club, comme un nouvel �rostrate, e�t trouv� la mort dans les profondeurs de la Columbiad.

Le canon �tait donc termin�; il n'y avait plus de doute possible sur sa parfaite ex�cution; aussi, le 6 octobre, le capitaine Nicholl, quoi qu'il en e�t, s'ex�cuta vis-�-vis du pr�sident Barbicane, et celui-ci inscrivit sur ses livres, � la colonne des recettes, une somme de deux mille dollars. On est autoris� � croire que la col�re du capitaine fut pouss�e aux derni�res limites et qu'il en fit une maladie. Cependant il avait encore trois paris de trois mille, quatre mille et cinq mille dollars, et pourvu qu'il en gagn�t deux, son affaire n'�tait pas mauvaise, sans �tre excellente. Mais l'argent n'entrait point dans ses calculs, et le succ�s obtenu par son rival, dans la fonte d'un canon auquel des plaques de dix toises n'eussent pas r�sist�, lui portait un coup terrible.

Depuis le 23 septembre, l'enceinte de Stone's-Hill avait �t� largement ouverte au public, et ce que fut l'affluence des visiteurs se comprendra sans peine.

En effet, d'innombrables curieux, accourus de tous les points des �tats-Unis, convergeaient vers la Floride. La ville de Tampa s'�tait prodigieusement accrue pendant cette ann�e, consacr�e tout enti�re aux travaux du Gun-Club, et elle comptait alors une population de cent cinquante mille �mes. Apr�s avoir englob� le fort Brooke dans un r�seau de rues, elle s'allongeait maintenant sur cette langue de terre qui s�pare les deux rades de la baie d'Espiritu-Santo; des quartiers neufs, des places nouvelles, toute une for�t de maisons, avaient pouss� sur ces gr�ves nagu�re d�sertes, � la chaleur du soleil am�ricain. Des compagnies s'�taient fond�es pour l'�rection d'�glises, d'�coles, d'habitations particuli�res, et en moins d'un an l'�tendue de la ville fut d�cupl�e.

On sait que les Yankees sont n�s commer�ants; partout o� le sort les jette, de la zone glac�e � la zone torride, il faut que leur instinct des affaires s'exerce utilement. C'est pourquoi de simples curieux, des gens venus en Floride dans l'unique but de suivre les op�rations du Gun-Club, se laiss�rent entra�ner aux op�rations commerciales d�s qu'ils furent install�s � Tampa. Les navires fr�t�s pour le transportement du mat�riel et des ouvriers avaient donn� au port une activit� sans pareille. Bient�t d'autres b�timents, de toute forme et de tout tonnage, charg�s de vivres, d'approvisionnements, de marchandises, sillonn�rent la baie et les deux rades; de vastes comptoirs d'armateurs, des offices de courtiers s'�tablirent dans la ville, et la Shipping Gazette [Gazette maritime.] enregistra chaque jour des arrivages nouveaux au port de Tampa.

Tandis que les routes se multipliaient autour de la ville, celle-ci, en consid�ration du prodigieux accroissement de sa population et de son commerce, fut enfin reli�e par un chemin de fer aux �tats m�ridionaux de l'Union. Un railway rattacha la Mobile � Pensacola, le grand arsenal maritime du Sud; puis, de ce point important, il se dirigea sur Tallahassee. L� existait d�j� un petit tron�on de voie ferr�e, long de vingt et un milles, par lequel Tallahassee se mettait en communication avec Saint-Marks, sur les bords de la mer. Ce fut ce bout de road-way qui fut prolong� jusqu'� Tampa-Town, en vivifiant sur son passage et en r�veillant les portions mortes ou endormies de la Floride centrale. Aussi Tampa, gr�ce � ces merveilles de l'industrie dues � l'id�e �close un beau jour dans le cerveau d'un homme, put prendre � bon droit les airs d'une grande ville. On l'avait surnomm�e �Moon-City [Cit� de la Lune.]� et la capitale des Florides subissait une �clipse totale, visible de tous les points du monde.

Chacun comprendra maintenant pourquoi la rivalit� fut si grande entre le Texas et la Floride, et l'irritation des Texiens quand ils se virent d�bout�s de leurs pr�tentions par le choix du Gun-Club. Dans leur sagacit� pr�voyante, ils avaient compris ce qu'un pays devait gagner � l'exp�rience tent�e par Barbicane et le bien dont un semblable coup de canon serait accompagn�. Le Texas y perdait un vaste centre de commerce, des chemins de fer et un accroissement consid�rable de population. Tous ces avantages retournaient � cette mis�rable presqu'�le floridienne, jet�e comme une estacade entre les flots du golfe et les vagues de l'oc�an Atlantique. Aussi, Barbicane partageait-il avec le g�n�ral Santa-Anna toutes les antipathies texiennes.

Cependant, quoique livr�e � sa furie commerciale et � sa fougue industrielle, la nouvelle population de Tampa-Town n'eut garde d'oublier les int�ressantes op�rations du Gun-Club. Au contraire. Les plus minces d�tails de l'entreprise, le moindre coup de pioche, la passionn�rent. Ce fut un va-et-vient incessant entre la ville et Stone's-Hill, une procession, mieux encore, un p�lerinage.

On pouvait d�j� pr�voir que, le jour de l'exp�rience, l'agglom�ration des spectateurs se chiffrerait par millions, car ils venaient d�j� de tous les points de la terre s'accumuler sur l'�troite presqu'�le. L'Europe �migrait en Am�rique.

Mais jusque-l�, il faut le dire, la curiosit� de ces nombreux arrivants n'avait �t� que m�diocrement satisfaite. Beaucoup comptaient sur le spectacle de la fonte, qui n'en eurent que les fum�es. C'�tait peu pour des yeux avides; mais Barbicane ne voulut admettre personne � cette op�ration. De l� maugr�ement, m�contentement, murmures; on bl�ma le pr�sident; on le taxa d'absolutisme; son proc�d� fut d�clar� �peu am�ricain�. Il y eut presque une �meute autour des palissades de Stone's-Hill. Barbicane, on le sait, resta in�branlable dans sa d�cision.

Mais, lorsque la Columbiad fut enti�rement termin�e, le huis clos ne put �tre maintenu; il y aurait eu mauvaise gr�ce, d'ailleurs, � fermer ses portes, pis m�me, imprudence � m�contenter les sentiments publics. Barbicane ouvrit donc son enceinte � tout venant; cependant, pouss� par son esprit pratique, il r�solut de battre monnaie sur la curiosit� publique.

C'�tait beaucoup de contempler l'immense Columbiad, mais descendre dans ses profondeurs, voil� ce qui semblait aux Am�ricains �tre le ne plus ultra du bonheur en ce monde. Aussi pas un curieux qui ne voul�t se donner la jouissance de visiter int�rieurement cet ab�me de m�tal. Des appareils, suspendus � un treuil � vapeur, permirent aux spectateurs de satisfaire leur curiosit�. Ce fut une fureur. Femmes, enfants, vieillards, tous se firent un devoir de p�n�trer jusqu'au fond de l'�me les myst�res du canon colossal. Le prix de la descente fut fix� � cinq dollars par personne, et, malgr� son �l�vation, pendant les deux mois qui pr�c�d�rent l'exp�rience, l'affluence les visiteurs permit au Gun-Club d'encaisser pr�s de cinq cent mille dollars [Deux millions sept cent dix mille francs.].

Inutile de dire que les premiers visiteurs de la Columbiad furent

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