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montagnes lunaires qui se dessinent sur le fond, au moyen du microm�tre; mais elle n'est applicable qu'aux hauteurs rapproch�es du bord de l'astre.

Dans tous les cas, on remarquera que cette mesure des ombres, des intervalles ou des profils, ne peut �tre ex�cut�e que lorsque les rayons solaires frappent obliquement la Lune par rapport � l'observateur. Quand ils la frappent directement, en un mot, lorsqu'elle est pleine, toute ombre est imp�rieusement chass�e de son disque, et l'observation n'est plus possible.

Galil�e, le premier, apr�s avoir reconnu l'existence des montagnes lunaires, employa la m�thode des ombres port�es pour calculer leurs hauteurs. Il leur attribua, ainsi qu'il a �t� dit d�j�, une moyenne de quatre mille cinq cents toises. H�v�lius rabaissa singuli�rement ces chiffres, que Riccioli doubla au contraire. Ces mesures �taient exag�r�es de part et d'autre. Herschel, arm� d'instruments perfectionn�s, se rapprocha davantage de la v�rit� hypsom�trique. Mais il faut la chercher, finalement, dans les rapports des observateurs modernes.

MM. Beer et Moedler, les plus parfaits s�l�nographes du monde entier, ont mesur� mille quatre-vingt-quinze montagnes lunaires. De leurs calculs il r�sulte que six de ces montagnes s'�l�vent au-dessus de cinq mille huit cents m�tres, et vingt-deux au-dessus de quatre mille huit cents. Le plus haut sommet de la Lune mesure sept mille six cent trois m�tres; il est donc inf�rieur � ceux de la Terre, dont quelques-uns le d�passent de cinq � six cents toises. Mais une remarque doit �tre faite. Si on les compare aux volumes respectifs des deux astres, les montagnes lunaires sont relativement plus �lev�es que les montagnes terrestres. Les premi�res forment la quatre cent soixante-dixi�me partie du diam�tre de la Lune, et les secondes, seulement la quatorze cent quaranti�me partie du diam�tre de la Terre. Pour qu'une montagne terrestre atteign�t les proportions relatives d'une montagne lunaire, il faudrait que son altitude perpendiculaire mesur�t six lieues et demie. Or, la plus �lev�e n'a pas neuf kilom�tres.

Ainsi donc, pour proc�der par comparaison, la cha�ne de l'Himalaya compte trois pics sup�rieurs aux pics lunaires: le mont Everest, haut de huit mille huit cent trente-sept m�tres, le Kunchinjuga, haut de huit mille cinq cent quatre-vingt-huit m�tres, et le Dwalagiri, haut de huit mille cent quatre-vingt-sept m�tres. Les monts Doerfel et Leibnitz de la Lune ont une altitude �gale � celle du Jewahir de la m�me cha�ne, soit sept mille six cent trois m�tres. Newton, Casatus, Curtius, Short, Tycho, Clavius, Blancanus, Endymion, les sommets principaux du Caucase et des Apennins, sont sup�rieurs au mont Blanc, qui mesure quatre mille huit cent dix m�tres. Sont �gaux au mont Blanc: Moret, Th�ophyle, Catharnia; au mont Rose, soit quatre mille six cent trente-six m�tres: Piccolomini, Werner, Harpalus; au mont Cervin, haut de quatre mille cinq cent vingt-deux m�tres: Macrobe, Eratosth�ne, Albateque, Delambre; au pic de T�n�riffe, �lev� de trois mille sept cent dix m�tres: Bacon, Cysatus, Phitolaus et les pics des Alpes; au mont Perdu des Pyr�n�es, soit trois mille trois cent cinquante et un m�tres: Roemer et Boguslawski; � l'Etna, haut de trois mille deux cent trente-sept m�tres: Hercule, Atlas, Furnerius.

Tels sont les points de comparaison qui permettent d'appr�cier la hauteur des montagnes lunaires. Or, pr�cis�ment, la trajectoire suivie par le projectile l'entra�nait vers cette r�gion montagneuse de l'h�misph�re sud, l� o� s'�l�vent les plus beaux �chantillons de l'orographie lunaire.

XVII

Tycho

A six heures du soir, le projectile passait au p�le sud, � moins de soixante kilom�tres. Distance �gale � celle dont il s'�tait approch� du p�le nord. La courbe elliptique se dessinait donc rigoureusement.

En ce moment, les voyageurs rentraient dans ce bienfaisant effluve des rayons solaires. Ils revoyaient ces �toiles qui se mouvaient avec lenteur de l'orient � l'occident. L'astre radieux fut salu� d'un triple hurrah. Avec sa lumi�re, il envoyait sa chaleur qui transpira bient�t � travers les parois de m�tal. Les vitres reprirent leur transparence accoutum�e. Leur couche de glace se fondit comme par enchantement. Aussit�t, par mesure d'�conomie, le gaz fut �teint. Seul, l'appareil � air dut en consommer sa quantit� habituelle.

�Ah! fit Nicholl, c'est bon, ces rayons de chaleur! Avec quelle impatience, apr�s une nuit si longue, les S�l�nites doivent-ils attendre la r�apparition de l'astre du jour!

—Oui, r�pondit Michel Ardan, humant pour ainsi dire cet �ther �clatant, lumi�re et chaleur, toute la vie est l�!�

En ce moment, le culot du projectile tendait � s'�carter l�g�rement de la surface lunaire, de mani�re � suivre un orbe elliptique assez allong�. De ce point, si la Terre e�t �t� pleine, Barbicane et ses compagnons auraient pu la revoir. Mais, noy�e dans l'irradiation du Soleil, elle demeurait absolument invisible. Un autre spectacle devait attirer leurs regards, celui que pr�sentait cette r�gion australe de la Lune, ramen�e par les lunettes � un demi-quart de lieue. Ils ne quittaient plus les hublots et notaient tous les d�tails de ce continent bizarre.

Les monts Doerfel et Leibnitz forment deux groupes s�par�s qui se d�veloppent � peu pr�s au p�le sud. Le premier groupe s'�tend depuis le p�le jusqu'au quatre-vingt-quatri�me parall�le, sur la partie orientale de l'astre; le second, dessin� sur le bord oriental, va du soixante-cinqui�me degr� de latitude au p�le.

Sur leur ar�te capricieusement contourn�e apparaissaient des nappes �blouissantes, telles que les a signal�es le p�re Secchi. Avec plus de certitude que l'illustre astronome romain, Barbicane put reconna�tre leur nature.

�Ce sont des neiges! s'�cria-t-il.

—Des neiges? r�p�ta Nicholl.

—Oui, Nicholl, des neiges dont la surface est glac�e profond�ment. Voyez comme elle r�fl�chit les rayons lumineux. Des laves refroidies ne donneraient pas une r�flexion aussi intense. Il y a donc de l'eau, il y a donc de l'air sur la Lune. Si peu que l'on voudra, mais le fait ne peut plus �tre contest�!�

Non, il ne pouvait l'�tre! Et si jamais Barbicane revoit la Terre, ses notes t�moigneront de ce fait consid�rable dans les observations s�l�nographiques.

Ces monts Doerfel et Leibnitz s'�levaient au milieu de plaines d'une �tendue m�diocre que bornait une succession ind�finie de cirques et de remparts annulaires. Ces deux cha�nes sont les seules qui se rencontrent dans la r�gion des cirques. Peu accident�es relativement, elles projettent �� et l� quelques pics aigus dont la plus haute cime mesure sept mille six cent trois m�tres.

Mais le projectile dominait tout cet ensemble et le relief disparaissait dans cet intense �blouissement du disque. Aux yeux des voyageurs reparaissait cet aspect archa�que des paysages lunaires, crus de tons, sans d�gradation de couleurs, sans nuances d'ombres, brutalement blancs et noirs, puisque la lumi�re diffuse leur manque. Cependant la vue de ce monde d�sol� ne laissait pas de les captiver par son �tranget� m�me. Ils se promenaient au-dessus de cette chaotique r�gion, comme s'ils eussent �t� entra�n�s au souffle d'un ouragan, voyant les sommets d�filer sous leurs pieds, fouillant les cavit�s du regard, d�valant les rainures, gravissant les remparts, sondant ces trous myst�rieux, nivelant toutes ces cassures. Mais nulle trace de v�g�tation, nulle apparence de cit�s; rien que des stratifications, des coul�es de laves, des �panchements polis comme des miroirs immenses qui refl�taient les rayons solaires avec un insoutenable �clat. Rien d'un monde vivant, tout d'un monde mort, o� les avalanches, roulant du sommet des montagnes, s'ab�maient sans bruit au fond des ab�mes. Elles avaient le mouvement, mais le fracas leur manquait encore.

Barbicane constata par des observations r�it�r�es que les reliefs des bords du disque, bien qu'ils eussent �t� soumis � des forces diff�rentes de celles de la r�gion centrale, pr�sentaient une conformation uniforme. M�me agr�gation circulaire, m�mes ressauts du sol. Cependant on pouvait penser que leurs dispositions ne devaient pas �tre analogues. Au centre, en effet, la cro�te encore mall�able de la Lune a �t� soumise � la double attraction de la Lune et de la Terre, agissant en sens inverse suivant un rayon prolong� de l'une � l'autre. Au contraire, sur les bords du disque, l'attraction lunaire a �t� pour ainsi dire perpendiculaire � l'attraction terrestre. Il semble que les reliefs du sol produits dans ces deux conditions auraient d� prendre une forme diff�rente. Or, cela n'�tait pas. Donc, la Lune avait trouv� en elle seule le principe de sa formation et de sa constitution. Elle ne devait rien aux forces �trang�res. Ce qui justifiait cette remarquable proposition d'Arago: �Aucune action ext�rieure � la Lune n'a contribu� � la production de son relief.�

Quoi qu'il en soit et dans son �tat actuel, ce monde, c'�tait l'image de la mort, sans qu'il f�t possible de dire que la vie l'e�t jamais anim�.

Michel Ardan crut pourtant reconna�tre une agglom�ration de ruines qu'il signala � l'attention de Barbicane. C'�tait � peu pr�s sur le quatre-vingti�me parall�le et par trente degr�s de longitude. Cet amoncellement de pierres, assez r�guli�rement dispos�es, figurait une vaste forteresse, dominant une de ces longues rainures qui jadis servaient de lit aux fleuves des temps ant�historiques. Non loin s'�levait, � une hauteur de cinq mille six cent quarante-six m�tres, la montagne annulaire de Short, �gale au Caucase asiatique. Michel Ardan, avec son ardeur accoutum�e, soutenait �l'�vidence� de sa forteresse. Au-dessous, il apercevait les remparts d�mantel�s d'une ville; ici, la voussure encore intacte d'un portique; l�, deux ou trois colonnes couch�es sous leur soubassement; plus loin, une succession de cintres qui avaient d� supporter les conduits d'un aqueduc; ailleurs, les piliers effondr�s d'un gigantesque pont, engag� dans l'�paisseur de la rainure. Il distinguait tout cela, mais avec tant d'imagination dans le regard, � travers une si fantaisiste lunette, qu'il faut se d�fier de son observation. Et cependant, qui pourrait affirmer, qui oserait dire que l'aimable gar�on n'a pas r�ellement vu ce que ses deux compagnons ne voulaient pas voir?

Les moments �taient trop pr�cieux pour les sacrifier � une discussion oiseuse. La cit� s�l�nite, pr�tendue ou non, avait d�j� disparu dans l'�loignement. La distance du projectile au disque lunaire tendait � s'accro�tre, et les d�tails du sol commen�aient � se perdre dans un m�lange confus. Seuls les reliefs, les crat�res, les plaines, r�sistaient et d�coupaient nettement leurs lignes terminales.

En ce moment se dessinait vers la gauche l'un des plus beaux cirques de l'orographie lunaire, l'une des curiosit�s de ce continent. C'�tait Newton que Barbicane reconnut sans peine, en se reportant � la Mappa Selenographica .

Newton est exactement situ� par 77� de latitude sud et 16� de longitude est. Il forme un crat�re annulaire, dont les remparts, �lev�s de sept mille deux cent soixante-quatre m�tres, semblaient �tre infranchissables.

Barbicane fit observer � ses compagnons que la hauteur de cette montagne au-dessus de la plaine environnante �tait loin d'�galer la profondeur de son crat�re. Cet �norme trou �chappait � toute mesure, et formait un sombre ab�me dont les rayons solaires ne peuvent jamais atteindre le fond. L�, suivant la remarque de Humboldt, r�gne l'obscurit� absolue que la lumi�re du soleil et de la Terre ne peuvent rompre. Les mythologistes en eussent fait, avec raison, la bouche de leur enfer.

�Newton, dit Barbicane, est le type le plus parfait de ces montagnes annulaires dont la Terre ne poss�de aucun �chantillon. Elles prouvent que la formation de la Lune, par voie de refroidissement, est due � des causes violentes, car, pendant que, sous la pouss�e des feux int�rieurs, les reliefs se projetaient � des hauteurs consid�rables, le fond se retirait et s'abaissait beaucoup au-dessous du niveau lunaire.

—Je ne dis pas non�, r�pondit Michel Ardan.

Quelques minutes apr�s avoir d�pass� Newton, le projectile dominait directement la montagne annulaire de Moret. Il longea d'assez loin les sommets de Blancanus, et, vers sept heures et demie du soir, il atteignait le cirque de Clavius.

Ce cirque, l'un des plus remarquables du disque, est situ� par 58� de latitude sud, et 15� de longitude est. Sa hauteur est estim�e � sept mille quatre-vingt-onze m�tres. Les voyageurs, distants de quatre cents kilom�tres, r�duits � quatre par les lunettes, purent admirer l'ensemble de ce vaste crat�re.

�Les volcans terrestres, dit Barbicane, ne sont que des taupini�res, compar�s aux volcans de la Lune. En mesurant les anciens crat�res form�s par les premi�res �ruptions du V�suve et de l'Etna, on leur trouve � peine six mille m�tres de largeur. En France, le cirque du Cantal compte dix kilom�tres; � Ceyland, le cirque de l'�le, soixante-dix kilom�tres, et il est consid�r� comme le plus vaste du globe. Que sont ces diam�tres aupr�s de celui de Clavius que nous dominons en ce moment?

—Quelle est donc sa largeur? demanda Nicholl.

—Elle est de deux cent vingt-sept kilom�tres, r�pondit Barbicane. Ce cirque, il est vrai, est le plus important de la Lune; mais bien d'autres mesurent deux cents, cent cinquante, cent kilom�tres!

—Ah! mes amis, s'�cria Michel, vous figurez-vous ce que devait �tre ce paisible astre de la nuit, quand ces crat�res, s'emplissant de tonnerres, vomissaient tous � la fois des torrents de laves, des gr�les de pierres, des nuages de fum�e et des nappes de flammes! Quel spectacle prodigieux alors, et maintenant quelle d�ch�ance! Cette Lune n'est plus que la maigre carcasse d'un feu d'artifice dont les p�tards, les fus�es, les serpenteaux, les soleils, apr�s un �clat superbe, n'ont laiss� que de tristes d�chiquetures de carton. Qui pourrait dire la cause, la raison, la justification de ces cataclysmes?�

Barbicane n'�coutait pas Michel Ardan. Il contemplait ces remparts de Clavius form�s de larges montagnes sur plusieurs lieues d'�paisseur. Au fond de l'immense cavit� se creusait une centaine de petits crat�res �teints qui trouaient le sol comme une �cumoire, et que dominait un pic de

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