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Read book online «De la terre à la lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes by Jules Verne (i read book txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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s'�cria l'adversaire de Michel Ardan, et je ne sais pas pourquoi je continue une discussion aussi peu s�rieuse! Poursuivez � votre aise cette folle entreprise! Ce n'est pas � vous qu'il faut s'en prendre!

—Oh! ne vous g�nez pas!

—Non! c'est un autre qui portera la responsabilit� de vos actes!

—Et qui donc, s'il vous pla�t? demanda Michel Ardan d'une voix imp�rieuse.

—L'ignorant qui a organis� cette tentative aussi impossible que ridicule!�

L'attaque �tait directe. Barbicane, depuis l'intervention de l'inconnu, faisait de violents efforts pour se contenir, et �br�ler sa fum�e� comme certains foyers de chaudi�res; mais en se voyant si outrageusement d�sign�, il se leva pr�cipitamment et allait marcher � l'adversaire qui le bravait en face, quand il se vit subitement s�par� de lui.

L'estrade fut enlev�e tout d'un coup par cent bras vigoureux, et le pr�sident du Gun-Club dut partager avec Michel Ardan les honneurs du triomphe. Le pavois �tait lourd, mais les porteurs se relayaient sans cesse, et chacun se disputait, luttait, combattait pour pr�ter � cette manifestation l'appui de ses �paules.

Cependant l'inconnu n'avait point profit� du tumulte pour quitter la place. L'aurait-il pu, d'ailleurs, au milieu de cette foule compacte? Non, sans doute. En tout cas, il se tenait au premier rang, les bras crois�s, et d�vorait des yeux le pr�sident Barbicane.

Celui-ci ne le perdait pas de vue, et les regards de ces deux hommes demeuraient engag�s comme deux �p�es fr�missantes.

Les cris de l'immense foule se maintinrent � leur maximum d'intensit� pendant cette marche triomphale. Michel Ardan se laissait faire avec un plaisir �vident. Sa face rayonnait. Quelquefois l'estrade semblait prise de tangage et de roulis comme un navire battu des flots. Mais les deux h�ros du meeting avaient le pied marin; ils ne bronchaient pas, et leur vaisseau arriva sans avaries au port de Tampa-Town.

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Michel Ardan parvint heureusement � se d�rober aux derni�res �treintes de ses vigoureux admirateurs; il s'enfuit � l'h�tel Franklin, gagna prestement sa chambre et se glissa rapidement dans son lit, tandis qu'une arm�e de cent mille hommes veillait sous ses fen�tres.

Pendant ce temps, une sc�ne courte, grave, d�cisive, avait lieu entre le personnage myst�rieux et le pr�sident du Gun-Club.

Barbicane, libre enfin, �tait all� droit � son adversaire.

�Venez!� dit-il d'une voix br�ve.

Celui-ci le suivit sur le quai, et bient�t tous les deux se trouv�rent seuls � l'entr�e d'un wharf ouvert sur le Jone's-Fall.

L� ces ennemis, encore inconnus l'un � l'autre, se regard�rent.

�Qui �tes-vous? demanda Barbicane.

—Le capitaine Nicholl.

—Je m'en doutais. Jusqu'ici le hasard ne vous avait jamais jet� sur mon chemin...

—Je suis venu m'y mettre!

—Vous m'avez insult�!

—Publiquement.

—Et vous me rendrez raison de cette insulte.

—A l'instant.

—Non. Je d�sire que tout se passe secr�tement entre nous. Il y a un bois situ� � trois milles de Tampa, le bois de Skersnaw. Vous le connaissez?

—Je le connais.

—Vous plaira-t-il d'y entrer demain matin � cinq heures par un c�t�?..

—Oui, si � la m�me heure vous entrez par l'autre c�t�.

—Et vous n'oublierez pas votre rifle? dit Barbicane.

—Pas plus que vous n'oublierez le v�tre,� r�pondit Nicholl.

Sur ces paroles froidement prononc�es, le pr�sident du Gun-Club et le capitaine se s�par�rent. Barbicane revint � sa demeure, mais au lieu de prendre quelques heures de repos, il passa la nuit � chercher les moyens d'�viter le contre-coup du projectile et de r�soudre ce difficile probl�me pos� par Michel Ardan dans la discussion du meeting.

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CHAPITRE XXI COMMENT UN FRAN�AIS ARRANGE UNE AFFAIRE.

Pendant que les conventions de ce duel �taient discut�es entre le pr�sident et le capitaine, duel terrible et sauvage, dans lequel chaque adversaire devient chasseur d'homme, Michel Ardan se reposait des fatigues du triomphe. Se reposer n'est �videmment pas une expression juste, car les lits am�ricains peuvent rivaliser pour la duret� avec des tables de marbre ou de granit.

Ardan dormait donc assez mal, se tournant, se retournant entre les serviettes qui lui servaient de draps, et il songeait � installer une couchette plus confortable dans son projectile, quand un bruit violent vint l'arracher � ses r�ves. Des coups d�sordonn�s �branlaient sa porte. Ils semblaient �tre port�s avec un instrument de fer. De formidables �clats de voix se m�laient � ce tapage un peu trop matinal.

�Ouvre! criait-on. Mais, au nom du ciel, ouvre donc!�

Ardan n'avait aucune raison d'acquiescer � une demande si bruyamment pos�e. Cependant il se leva et ouvrit sa porte, au moment o� elle allait c�der aux efforts du visiteur obstin�.

Le secr�taire du Gun-Club fit irruption dans la chambre. Une bombe ne serait pas entr�e avec moins de c�r�monie.

�Hier soir, s'�cria J.-T. Maston ex abrupto, notre pr�sident a �t� insult� publiquement pendant le meeting! Il a provoqu� son adversaire, qui n'est autre que le capitaine Nicholl! Ils se battent ce matin au bois de Skersnaw! J'ai tout appris de la propre bouche de Barbicane! S'il est tu�, c'est l'an�antissement de nos projets! Il faut donc emp�cher ce duel! Or un seul homme au monde peut avoir assez d'empire sur Barbicane pour l'arr�ter, et cet homme, c'est Michel Ardan!�

Pendant que J.-T. Maston parlait ainsi, Michel Ardan, renon�ant � l'interrompre, s'�tait pr�cipit� dans son vaste pantalon, et, moins de deux minutes apr�s, les deux amis gagnaient � toutes jambes les faubourgs de Tampa-Town.

Ce fut pendant cette course rapide que Maston mit Ardan au courant de la situation. Il lui apprit les v�ritables causes de l'inimiti� de Barbicane et de Nicholl, comment cette inimiti� �tait de vieille date, pourquoi jusque-l�, 126 gr�ce � des amis communs, le pr�sident et le capitaine ne s'�taient jamais rencontr�s face � face; il ajouta qu'il s'agissait uniquement d'une rivalit� de plaque et de boulet, et qu'enfin la sc�ne du meeting n'avait �t� qu'une occasion longtemps cherch�e par Nicholl de satisfaire de vieilles rancunes.

Rien de plus terrible que ces duels particuliers � l'Am�rique, pendant lesquels les deux adversaires se cherchent � travers les taillis, se guettent au coin des halliers et se tirent au milieu des fourr�s comme des b�tes fauves. C'est alors que chacun d'eux doit envier ces qualit�s merveilleuses si naturelles aux Indiens des Prairies, leur intelligence rapide, leur ruse ing�nieuse, leur sentiment des traces, leur flair de l'ennemi. Une erreur, une h�sitation, un faux pas peuvent amener la mort. Dans ces rencontres, les Yankees se font souvent accompagner de leurs chiens et, � la fois chasseur et gibier, ils se relancent pendant des heures enti�res.

�Quels diables de gens vous �tes! s'�cria Michel Ardan, quand son compagnon lui eut d�peint avec beaucoup d'�nergie toute cette mise en sc�ne.

—Nous sommes ainsi, r�pondit modestement J.-T. Maston; mais h�tons-nous.�

Cependant Michel Ardan et lui eurent beau courir � travers la plaine encore tout humide de ros�e, franchir les rizi�res et les creeks, couper au plus court, ils ne purent atteindre avant cinq heures et demie le bois de Skersnaw. Barbicane devait avoir pass� sa lisi�re depuis une demi-heure.

L� travaillait un vieux bushman occup� � d�biter en fagots des arbres abattus sous sa hache.

Maston courut � lui en criant:

�Avez-vous vu entrer dans le bois un homme arm� d'un rifle, Barbicane, le pr�sident... mon meilleur ami?...�

Le digne secr�taire du Gun-Club pensait na�vement que son pr�sident devait �tre connu du monde entier. Mais le bushman n'eut pas l'air de le comprendre.

�Un chasseur, dit alors Ardan.

—Un chasseur? oui, r�pondit le bushman.

—Il y a longtemps?

—Une heure � peu pr�s.

—Trop tard! s'�cria Maston.

—Et avez-vous entendu des coups de fusil? demanda Michel Ardan.

—Non.

—Pas un seul?

—Pas un seul. Ce chasseur-l� n'a pas l'air de faire bonne chasse!

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—Que faire? dit Maston.

—Entrer dans le bois, au risque d'attraper une balle qui ne nous est pas destin�e.

—Ah! s'�cria Maston avec un accent auquel on ne pouvait se m�prendre, j'aimerais mieux dix balles dans ma t�te qu'une seule dans la t�te de Barbicane.

—En avant donc!� reprit Ardan en serrant la main de son compagnon.

Quelques secondes plus tard, les deux amis disparaissaient dans le taillis. C'�tait un fourr� fort �pais, fait de cypr�s g�ants, de sycomores, de tulipiers, d'oliviers, de tamarins, de ch�nes-vifs et de magnolias. Ces divers arbres enchev�traient leurs branches dans un inextricable p�le-m�le, sans permettre � la vue de s'�tendre au loin. Michel Ardan et Maston marchaient l'un pr�s de l'autre, passant silencieusement � travers les hautes herbes, se frayant un chemin au milieu des lianes vigoureuses, interrogeant du regard les buissons ou les branches perdues dans la sombre �paisseur du feuillage et attendant � chaque pas la redoutable d�tonation des rifles. Quant aux traces que Barbicane avait d� laisser de son passage � travers le bois, il leur �tait impossible de les reconna�tre, et ils marchaient en aveugles dans ces sentiers � peine fray�s, sur lesquels un Indien e�t suivi pas � pas la marche de son adversaire.

Apr�s une heure de vaines recherches, les deux compagnons s'arr�t�rent. Leur inqui�tude redoublait.

�Il faut que tout soit fini, dit Maston d�courag�. Un homme comme Barbicane n'a pas rus� avec son ennemi, ni tendu de pi�ge, ni pratiqu� de manœuvre! Il est trop franc, trop courageux. Il est all� en avant, droit au danger, et sans doute assez loin du bushman pour que le vent ait emport� la d�tonation d'une arme � feu!

—Mais nous! nous! r�pondit Michel Ardan, depuis notre entr�e sous bois, nous aurions entendu!...

—Et si nous sommes arriv�s trop tard!� s'�cria Maston avec un accent de d�sespoir.

Michel Ardan ne trouva pas un mot � r�pondre, Maston et lui reprirent leur marche interrompue. De temps en temps ils poussaient de grands cris; ils appelaient soit Barbicane soit Nicholl; mais ni l'un ni l'autre des deux adversaires ne r�pondaient � leurs voix. De joyeuses vol�es d'oiseaux, �veill�s au bruit, disparaissaient entre les branches, et quelques daims effarouch�s s'enfuyaient pr�cipitamment � travers les taillis.

Pendant une heure encore, la recherche se prolongea. La plus grande partie du bois avait �t� explor�e. Rien ne d�celait la pr�sence des combattants. C'�tait � douter de l'affirmation du bushman, et Ardan allait renoncer 128 � poursuivre plus longtemps une reconnaissance inutile, quand, tout d'un coup, Maston s'arr�ta.

Maston fit irruption dans la chambre (p. 125).

Image plus grande

�Chut! fit-il. Quelqu'un l�-bas!

—Quelqu'un? r�pondit Michel Ardan.

—Oui! un homme! Il semble immobile. Son rifle n'est plus entre ses mains. Que fait-il donc?

—Mais le reconnais-tu? demanda Michel Ardan, que sa vue basse servait fort mal en pareille circonstance.

—Oui! oui! Il se retourne, r�pondit Maston.

—Et c'est?...

—Le capitaine Nicholl!

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Au milieu du r�seau, un petit oiseau se d�battait (p. 129).

Image plus grande

—Nicholl!� s'�cria Michel Ardan, qui ressentit un violent serrement de cœur.

Nicholl d�sarm�! Il n'avait donc plus rien � craindre de son adversaire?

�Marchons � lui, dit Michel Ardan, nous saurons � quoi nous en tenir.�

Mais son compagnon et lui n'eurent pas fait cinquante pas, qu'ils s'arr�t�rent pour examiner plus attentivement le capitaine. Ils s'imaginaient trouver un homme alt�r� de sang et tout entier � sa vengeance! En le voyant, ils demeur�rent stup�faits.

Un filet � maille serr�e �tait tendu entre deux tulipiers gigantesques, et, au milieu du r�seau, un petit oiseau, les ailes enchev�tr�es, se d�battait en poussant des cris plaintifs. L'oiseleur qui avait dispos� cette toile inextricable 130 n'�tait pas un �tre humain, mais bien une venimeuse araign�e, particuli�re au pays, grosse comme un œuf de pigeon, et munie de pattes �normes. Le hideux animal, au moment de se pr�cipiter sur sa proie, avait d� rebrousser chemin et chercher asile sur les hautes branches du tulipier, car un ennemi redoutable venait le menacer � son tour.

En effet, le capitaine Nicholl, son fusil � terre, oubliant les dangers de sa situation, s'occupait � d�livrer le plus d�licatement possible la victime prise dans les filets de la monstrueuse araign�e. Quand il eut fini, il donna la vol�e au petit oiseau, qui battit joyeusement de l'aile et disparut.

Nicholl attendri le regardait fuir � travers les branches, quand il entendit ces paroles prononc�es d'une voix �mue:

�Vous �tes un brave homme, vous!�

Il se retourna. Michel Ardan �tait devant lui, r�p�tant sur tous les tons:

�Et un aimable homme!

—Michel Ardan! s'�cria le capitaine. Que venez-vous faire ici, Monsieur?

—Vous serrer la main, Nicholl, et vous emp�cher de tuer Barbicane ou d'�tre tu� par lui.

—Barbicane! s'�cria le capitaine, que je cherche depuis deux heures sans le trouver! O� se cache-t-il?...

—Nicholl, dit Michel Ardan, ceci n'est pas poli! il faut toujours respecter son adversaire; soyez tranquille, si Barbicane est vivant, nous le trouverons, et d'autant plus facilement que, s'il ne s'est pas amus� comme vous � secourir des oiseaux opprim�s, il doit vous chercher aussi. Mais quand nous l'aurons trouv�, c'est Michel Ardan qui vous le dit, il ne sera plus question de duel entre vous.

—Entre le pr�sident Barbicane et moi, r�pondit gravement Nicholl, il y a une rivalit� telle que la mort de l'un de nous...

—Allons donc! allons donc, reprit Michel Ardan, de braves gens comme vous, cela a pu se d�tester, mais cela s'estime. Vous ne vous battrez pas.

—Je me battrai, Monsieur!

—Point.

—Capitaine, dit alors J.-T. Maston avec beaucoup

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