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Read book online «De la terre à la lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes by Jules Verne (i read book txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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n'eut garde d'oublier les int�ressantes op�rations du Gun-Club. Au contraire. Les plus minces d�tails de l'entreprise, le moindre coup de pioche, la passionn�rent. Ce fut un va-et-vient incessant entre la ville et Stone's-Hill, une procession, mieux encore, un p�lerinage.

On pouvait d�j� pr�voir que, le jour de l'exp�rience, l'agglom�ration des spectateurs se chiffrerait par millions, car ils venaient d�j� de tous les points de la terre s'accumuler sur l'�troite presqu'�le. L'Europe �migrait en Am�rique.

Mais jusque-l�, il faut le dire, la curiosit� de ces nombreux arrivants n'avait �t� que m�diocrement satisfaite. Beaucoup comptaient sur le spectacle de la fonte, qui n'en eurent que les fum�es. C'�tait peu pour des yeux avides; mais Barbicane ne voulut admettre personne � cette op�ration. De l� maugr�ement, m�contentement, murmures; on bl�ma le pr�sident; on le taxa d'absolutisme; son proc�d� fut d�clar� �peu am�ricain.� 96 Il y eut presque une �meute autour des palissades de Stone's-Hill. Barbicane, on le sait, resta in�branlable dans sa d�cision.

Tampa-Town, apr�s l'op�ration (p. 94).

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Mais, lorsque la Columbiad fut enti�rement termin�e, le huis clos ne put �tre maintenu; il y aurait eu mauvaise gr�ce, d'ailleurs, � fermer ses portes, pis m�me, imprudence � m�contenter les sentiments publics. Barbicane ouvrit donc son enceinte � tout venant; cependant, pouss� par son esprit pratique, il r�solut de battre monnaie sur la curiosit� publique.

C'�tait beaucoup de contempler l'immense Columbiad, mais descendre dans ses profondeurs, voil� ce qui semblait aux Am�ricains �tre le nec plus ultra du bonheur en ce monde. Aussi pas un curieux qui ne voul�t se donner la jouissance de visiter int�rieurement cet ab�me de m�tal. Des 97 appareils, suspendus � un treuil � vapeur, permirent aux spectateurs de satisfaire leur curiosit�. Ce fut une fureur. Femmes, enfants, vieillards, tous se firent un devoir de p�n�trer jusqu'au fond de l'�me les myst�res du canon colossal. Le prix de la descente fut fix� � cinq dollars par personne, et, malgr� son �l�vation, pendant les deux mois qui pr�c�d�rent l'exp�rience, l'affluence des visiteurs permit au Gun-Club d'encaisser pr�s de cinq cent mille dollars[82].

Le festin dans la Columbiad (p. 98).

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Inutile de dire que les premiers visiteurs de la Columbiad furent les membres du Gun-Club, avantage justement r�serv� � l'illustre assembl�e. 98 Cette solennit� eut lieu le 25 septembre. Une caisse d'honneur descendit le pr�sident Barbicane, J.-T. Maston, le major Elphiston, le g�n�ral Morgan, le colonel Blomsberry, l'ing�nieur Murchison et d'autres membres distingu�s du c�l�bre club. En tout, une dizaine. Il faisait encore bien chaud au fond de ce long tube de m�tal. On y �touffait un peu! Mais quelle joie! quel ravissement! Une table de dix couverts avait �t� dress�e sur le massif de pierre qui supportait la Columbiad �clair�e � giorno par un jet de lumi�re �lectrique. Des plats exquis et nombreux, qui semblaient descendre du ciel, vinrent se placer successivement devant les convives, et les meilleurs vins de France coul�rent � profusion pendant ce repas splendide servi � neuf cents pieds sous terre.

Le festin fut tr�s-anim� et m�me tr�s-bruyant; des toasts nombreux s'entre-crois�rent; on but au globe terrestre, on but � son satellite, on but au Gun-Club, on but � l'Union, � la Lune, � Phœb�, � Diane, � S�l�n�, � l'astre des nuits, � la �paisible courri�re du firmament!� Tous ces hurrahs, port�s sur les ondes sonores de l'immense tube acoustique, arrivaient comme un tonnerre � son extr�mit�, et la foule, rang�e autour de Stone's-Hill, s'unissait de cœur et de cris aux dix convives enfouis au fond de la gigantesque Columbiad.

J.-T. Maston ne se poss�dait plus; s'il cria plus qu'il ne gesticula, s'il but plus qu'il ne mangea, c'est un point difficile � �tablir. En tout cas, il n'e�t pas donn� sa place pour un empire, �non, quand m�me le canon charg�, amorc� et faisant feu � l'instant, aurait d� l'envoyer par morceaux dans les espaces plan�taires.�

CHAPITRE XVII UNE D�P�CHE T�L�GRAPHIQUE.

Les grands travaux entrepris par le Gun-Club �taient, pour ainsi dire, termin�s, et cependant, deux mois allaient encore s'�couler avant le jour o� le projectile s'�lancerait vers la Lune. Deux mois qui devaient para�tre longs comme des ann�es � l'impatience universelle! Jusqu'alors les moindres d�tails de l'op�ration avaient �t� chaque jour reproduits par les journaux, que l'on d�vorait d'un œil avide et passionn�; mais il �tait � craindre que d�sormais, ce �dividende d'int�r�t� distribu� au public 99 ne f�t fort diminu�, et chacun s'effrayait de n'avoir plus � toucher sa part d'�motions quotidiennes.

Il n'en fut rien; l'incident le plus inattendu, le plus extraordinaire, le plus incroyable, le plus invraisemblable vint fanatiser � nouveau les esprits haletants et rejeter le monde entier sous le coup d'une poignante surexcitation.

Un jour, le 30 septembre, � trois heures quarante-sept minutes du soir, un t�l�gramme, transmis par le c�ble immerg� entre Valentia (Irlande), Terre-Neuve et la c�te am�ricaine, arriva � l'adresse du pr�sident Barbicane.

Le pr�sident Barbicane rompit l'enveloppe, lut la d�p�che, et, quel que f�t son pouvoir sur lui-m�me, ses l�vres p�lirent, ses yeux se troubl�rent � la lecture des vingt mots de ce t�l�gramme.

Voici le texte de cette d�p�che, qui figure maintenant aux archives de Gun-Club:

�FRANCE, PARIS.

�30 septembre, 4 h. matin.

�Barbicane, Tampa, Floride,

��tats-Unis.

�Remplacez obus sph�rique par projectile cylindro-conique. Partirai dedans. Arriverai par steamer Atlanta.

�Michel Ardan.�

CHAPITRE XVIII LE PASSAGER DE L'ATLANTA.

Si cette foudroyante nouvelle, au lieu de voler sur les fils �lectriques, f�t arriv�e simplement par la poste et sous enveloppe cachet�e, si les employ�s fran�ais, irlandais, terre-neuviens, am�ricains n'eussent pas �t� n�cessairement dans la confidence du t�l�graphe, Barbicane n'aurait pas h�sit� un seul instant. Il se serait tu par mesure de prudence et pour ne pas d�consid�rer son œuvre. Ce t�l�gramme pouvait cacher une mystification, venant d'un Fran�ais surtout. Quelle apparence qu'un homme quelconque f�t assez audacieux pour concevoir seulement l'id�e d'un pareil voyage? Et si cet homme existait, n'�tait-ce pas un fou qu'il fallait enfermer dans un cabanon et non dans un boulet?

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Mais la d�p�che �tait connue, car les appareils de transmission sont peu discrets de leur nature, et la proposition de Michel Ardan courait d�j� les divers �tats de l'Union. Ainsi Barbicane n'avait plus aucune raison de se taire. Il r�unit donc ses coll�gues pr�sents � Tampa-Town, et sans laisser voir sa pens�e, sans discuter le plus ou moins de cr�ance que m�ritait le t�l�gramme, il en lut froidement le texte laconique.

�Pas possible!—C'est invraisemblable!—Pure plaisanterie!—On s'est moqu� de nous!—Ridicule!—Absurde!� Toute la s�rie des expressions qui servent � exprimer le doute, l'incr�dulit�, la sottise, la folie, se d�roula pendant quelques minutes, avec accompagnement des gestes usit�s en pareille circonstance. Chacun souriait, riait, haussait les �paules ou �clatait de rire, suivant sa disposition d'humeur. Seul, J.-T. Maston eut un mot superbe:

�C'est une id�e cela! s'�cria-t-il.

—Oui, lui r�pondit le major, mais s'il est quelquefois permis d'avoir des id�es comme celles-l�, c'est � la condition de ne pas m�me songer � les mettre � ex�cution.

—Et pourquoi pas?� r�pliqua vivement le secr�taire du Gun-Club, pr�t � discuter. Mais on ne voulut pas le pousser davantage.

Cependant le nom de Michel Ardan circulait d�j� dans la ville de Tampa. Les �trangers et les indig�nes se regardaient, s'interrogeaient et plaisantaient, non pas cet Europ�en,—un mythe, un individu chim�rique,—mais J.-T. Maston, qui avait pu croire � l'existence de ce personnage l�gendaire. Quand Barbicane proposa d'envoyer un projectile � la Lune, chacun trouva l'entreprise naturelle, praticable, une pure affaire de balistique! Mais qu'un �tre raisonnable offr�t de prendre passage dans le projectile, de tenter ce voyage invraisemblable, c'�tait une proposition fantaisiste, une plaisanterie, une farce, et pour employer un mot dont les Fran�ais ont pr�cis�ment la traduction exacte dans leur langage familier, un �humbug[83]!�

Les moqueries dur�rent jusqu'au soir sans discontinuer, et l'on peut affirmer que toute l'Union fut prise d'un fou rire, ce qui n'est gu�re habituel � un pays o� les entreprises impossibles trouvent volontiers des pr�neurs, des adeptes, des partisans.

Cependant la proposition de Michel Ardan, comme toutes les id�es nouvelles, ne laissait pas de tracasser certains esprits. Cela d�rangeait le cours des �motions accoutum�es. �On n'avait pas song� � cela!� Cet incident devint bient�t une obsession par son �tranget� m�me. On y pensait. Que de choses ni�es la veille dont le lendemain a fait des r�alit�s! Pourquoi ce 101 voyage ne s'accomplirait-il pas un jour ou l'autre? Mais, en tout cas, l'homme qui voulait se risquer ainsi devait �tre fou, et d�cid�ment, puisque son projet ne pouvait �tre pris au s�rieux, il e�t mieux fait de se taire, au lieu de troubler toute une population par ses billeves�es ridicules.

Mais, d'abord, ce personnage existait-il r�ellement? Grande question! Ce nom, �Michel Ardan,� n'�tait pas inconnu � l'Am�rique! Il appartenait � un Europ�en fort cit� pour ses entreprises audacieuses. Puis, ce t�l�gramme lanc� � travers les profondeurs de l'Atlantique, cette d�signation du navire sur lequel le Fran�ais disait avoir pris passage, la date assign�e � sa prochaine arriv�e, toutes ces circonstances donnaient � la proposition un certain caract�re de vraisemblance. Il fallait en avoir le cœur net. Bient�t les individus isol�s se form�rent en groupes; les groupes se condens�rent sous l'action de la curiosit� comme des atomes en vertu de l'attraction mol�culaire, et, finalement, il en r�sulta une foule compacte, qui se dirigea vers la demeure du pr�sident Barbicane.

Celui-ci, depuis l'arriv�e de la d�p�che, ne s'�tait pas prononc�; il avait laiss� l'opinion de J.-T. Maston se produire, sans manifester ni approbation ni bl�me; il se tenait coi, et se proposait d'attendre les �v�nements, mais il comptait sans l'impatience publique, et vit d'un œil peu satisfait la population de Tampa s'amasser sous ses fen�tres. Bient�t des murmures, des vocif�rations, l'oblig�rent � para�tre. On voit qu'il avait tous les devoirs et, par cons�quent, tous les ennuis de la c�l�brit�.

Il parut donc; le silence se fit, et un citoyen, prenant la parole, lui posa carr�ment la question suivante: �Le personnage d�sign� dans la d�p�che sous le nom de Michel Ardan est-il en route pour l'Am�rique, oui ou non?

—Messieurs, r�pondit Barbicane, je ne le sais pas plus que vous.

—Il faut le savoir, s'�cri�rent des voix impatientes.

—Le temps nous l'apprendra, r�pondit froidement le pr�sident.

—Le temps n'a pas le droit de tenir en suspens un pays tout entier, reprit l'orateur. Avez-vous modifi� les plans du projectile, ainsi que le demande le t�l�gramme?

—Pas encore, Messieurs; mais, vous avez raison, il faut savoir � quoi s'en tenir; le t�l�graphe, qui a caus� toute cette �motion, voudra bien compl�ter ses renseignements.

—Au t�l�graphe! au t�l�graphe!� s'�cria la foule.

Barbicane descendit, et pr�c�dant l'immense rassemblement, il se dirigea vers les bureaux de l'administration.

Quelques minutes plus tard, une d�p�che �tait lanc�e au syndic des courtiers de navires � Liverpool. On demandait une r�ponse aux questions suivantes:102

�Qu'est-ce que le navire l'Atlanta?—Quand a-t-il quitt� l'Europe?—Avait-il � son bord un Fran�ais nomm� Michel Ardan?�

Deux heures apr�s, Barbicane recevait des renseignements d'une pr�cision qui ne laissait plus place au moindre doute.

�Le steamer l'Atlanta, de Liverpool, a pris la mer le 2 octobre,—faisant voile pour Tampa-Town,—ayant � son bord un Fran�ais, port� au livre des passagers sous le nom de Michel Ardan.�

A cette confirmation de la premi�re d�p�che, les yeux du pr�sident brill�rent d'une flamme subite, ses poings se ferm�rent violemment, et on l'entendit murmurer:

�C'est donc vrai! c'est donc possible! ce Fran�ais existe! et dans quinze jours il sera ici! Mais c'est un fou! un cerveau br�l�!... Jamais je ne consentirai.....�

Et cependant, le soir m�me, il �crivit � la maison Breadwill et Ce, en la priant de suspendre jusqu'� nouvel ordre la fonte du projectile.

Maintenant, raconter l'�motion dont fut prise l'Am�rique tout enti�re; comment l'effet de la communication Barbicane fut dix fois d�pass�; ce que dirent les journaux de l'Union, la fa�on dont ils accept�rent la nouvelle et sur quel mode ils chant�rent l'arriv�e de ce h�ros du vieux continent; peindre l'agitation f�brile dans laquelle chacun v�cut, comptant les heures, comptant les minutes, comptant les secondes; donner une id�e, m�me affaiblie, de cette obsession fatigante de tous les cerveaux ma�tris�s par une pens�e unique; montrer les occupations c�dant � une seule pr�occupation, les travaux arr�t�s, le commerce suspendu, les navires pr�ts � partir restant affourch�s dans le port pour ne pas manquer l'arriv�e de l'Atlanta, les convois arrivant pleins et retournant vides, la baie Espiritu-Santo incessamment sillonn�e par les steamers, les packets-boats, les yachts de plaisance, les fly-boats de toutes dimensions; d�nombrer ces milliers de curieux qui quadrupl�rent en quinze jours la population de Tampa-Town et durent camper sous des tentes comme une arm�e en campagne, c'est une t�che au-dessus des forces humaines et qu'on ne saurait entreprendre sans t�m�rit�.

Le 20 octobre, � neuf heures du matin, les s�maphores du canal de Bahama signal�rent une �paisse fum�e � l'horizon. Deux heures plus tard, un grand steamer

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