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Read book online «De la terre à la lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes by Jules Verne (i read book txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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m�chants y sont moins m�chants, et que les bons y sont meilleurs. H�las! que manque-t-il � notre sph�ro�de pour atteindre cette perfection? Peu de chose! Un axe de rotation moins inclin� sur le plan de son orbite.

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—Eh bien! s'�cria une voix imp�tueuse, unissons nos efforts, inventons des machines et redressons l'axe de la Terre!�

Un tonnerre d'applaudissements �clata � cette proposition, dont l'auteur �tait et ne pouvait �tre que J.-T. Maston. Il est probable que le fougueux secr�taire avait �t� emport� par ses instincts d'ing�nieur � hasarder cette hardie proposition. Mais, il faut le dire,—car c'est la v�rit�,—beaucoup l'appuy�rent de leurs cris, et sans doute, s'ils avaient eu le point d'appui r�clam� par Archim�de, les Am�ricains auraient construit un levier capable de soulever le monde et de redresser son axe. Mais le point d'appui, voil� ce qui manquait � ces t�m�raires m�caniciens.

N�anmoins cette id�e ��minemment pratique� eut un succ�s �norme; la discussion fut suspendue pendant un bon quart d'heure, et longtemps, bien longtemps encore, on parla dans les Etats-Unis d'Am�rique de la proposition formul�e si �nergiquement par le secr�taire perp�tuel du Gun-Club.

CHAPITRE XX ATTAQUE ET RIPOSTE.

Cet incident semblait devoir terminer la discussion. C'�tait le �mot de la fin�, et on n'e�t pas trouv� mieux. Cependant, quand l'agitation se fut calm�e, on entendit ces paroles prononc�es d'une voix forte et s�v�re:

�Maintenant que l'orateur a donn� une large part � la fantaisie, voudra-t-il bien rentrer dans son sujet, faire moins de th�ories et discuter la partie pratique de son exp�dition?�

Tous les regards se dirig�rent vers le personnage qui parlait ainsi. C'�tait un homme maigre, sec, d'une figure �nergique, avec une barbe taill�e � l'am�ricaine qui foisonnait sous son menton. A la faveur des diverses agitations produites dans l'assembl�e, il avait gagn� peu � peu le premier rang des spectateurs. L�, les bras crois�s, l'œil brillant et hardi, il fixait imperturbablement le h�ros du meeting. Apr�s avoir formul� sa demande, il se tut et ne parut pas s'�mouvoir des milliers de regards qui convergeaient vers lui, ni du murmure d�sapprobateur excit� par ses paroles. La r�ponse se faisant attendre, il posa de nouveau sa question avec le m�me accent net et pr�cis, puis il ajouta:

�Nous sommes ici pour nous occuper de la Lune et non de la Terre.

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—Vous avez raison, Monsieur, r�pondit Michel Ardan, la discussion s'est �gar�e. Revenons � la Lune.

—Monsieur, reprit l'inconnu, vous pr�tendez que notre satellite est habit�. Bien. Mais s'il existe des S�l�nites, ces gens-l�, � coup s�r, vivent sans respirer, car—je vous en pr�viens dans votre int�r�t—il n'y a pas la moindre mol�cule d'air � la surface de la Lune.�

A cette affirmation, Ardan redressa sa fauve crini�re; il comprit que la lutte allait s'engager avec cet homme sur le vif de la question. Il le regarda fixement � son tour, et dit:

�Ah! il n'y a pas d'air dans la Lune! Et qui pr�tend cela, s'il vous pla�t?

—Les savants.

—Vraiment?

—Vraiment.

—Monsieur, reprit Michel, toute plaisanterie � part, j'ai une profonde estime pour les savants qui savent, mais un profond d�dain pour les savants qui ne savent pas.

—Vous en connaissez qui appartiennent � cette derni�re cat�gorie?

—Particuli�rement. En France, il y en a un qui soutient que �math�matiquement� l'oiseau ne peut pas voler, et un autre dont les th�ories d�montrent que le poisson n'est pas fait pour vivre dans l'eau.

—Il ne s'agit pas de ceux-l�, Monsieur, et je pourrais citer � l'appui de ma proposition des noms que vous ne r�cuseriez pas.

—Alors, Monsieur, vous embarrasseriez fort un pauvre ignorant qui, d'ailleurs, ne demande pas mieux que de s'instruire!

—Pourquoi donc abordez-vous les questions scientifiques si vous ne les avez pas �tudi�es? demanda l'inconnu assez brutalement.

—Pourquoi! r�pondit Ardan! Par la raison que celui-l� est toujours brave qui ne soup�onne pas le danger! Je ne sais rien, c'est vrai, mais c'est pr�cis�ment ma faiblesse qui fait ma force.

—Votre faiblesse va jusqu'� la folie, s'�cria l'inconnu d'un ton de mauvaise humeur.

—Eh! tant mieux, riposta le Fran�ais, si ma folie me m�ne jusqu'� la Lune!�

Barbicane et ses coll�gues d�voraient des yeux cet intrus qui venait si hardiment se jeter au travers de l'entreprise. Aucun ne le connaissait, et le pr�sident, peu rassur� sur les suites d'une discussion si franchement pos�e, regardait son nouvel ami avec une certaine appr�hension. L'assembl�e �tait attentive et s�rieusement inqui�te, car cette lutte avait pour r�sultat d'appeler son attention sur les dangers ou m�me les v�ritables impossibilit�s de l'exp�dition.

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�Monsieur, reprit l'adversaire de Michel Ardan, les raisons sont nombreuses et indiscutables qui prouvent l'absence de toute atmosph�re autour de la Lune. Je dirai m�me a priori que, si cette atmosph�re a jamais exist�, elle a d� �tre soutir�e par la Terre. Mais j'aime mieux vous opposer des faits irr�cusables.

—Opposez, Monsieur, r�pondit Michel Ardan avec une galanterie parfaite, opposez tant qu'il vous plaira!

—Vous savez, dit l'inconnu, que, lorsque des rayons lumineux traversent un milieu tel que l'air, ils sont d�vi�s de la ligne droite, ou, en d'autres termes, qu'ils subissent une r�fraction. Eh bien! lorsque des �toiles sont occult�es par la Lune, jamais leurs rayons, en rasant les bords du disque, n'ont �prouv� la moindre d�viation ni donn� le plus l�ger indice de r�fraction. De l� cette cons�quence �vidente que la Lune n'est pas envelopp�e d'une atmosph�re.�

On regarda le Fran�ais, car, l'observation une fois admise, les cons�quences en �taient rigoureuses.

�En effet, r�pondit Michel Ardan, voil� votre meilleur argument, pour ne pas dire le seul, et un savant serait peut-�tre embarrass� d'y r�pondre; moi, je vous dirai seulement que cet argument n'a pas une valeur absolue, parce qu'il suppose le diam�tre angulaire de la Lune parfaitement d�termin�, ce qui n'est pas. Mais passons, et dites-moi, mon cher Monsieur, si vous admettez l'existence de volcans � la surface de la Lune.

—Des volcans �teints, oui; enflamm�s, non.

—Laissez-moi croire pourtant, et sans d�passer les bornes de la logique, que ces volcans ont �t� en activit� pendant une certaine p�riode!

—Cela est certain, mais comme ils pouvaient fournir eux-m�mes l'oxyg�ne n�cessaire � la combustion, le fait de leur �ruption ne prouve aucunement la pr�sence d'une atmosph�re lunaire.

—Passons alors, r�pondit Michel Ardan, et laissons de c�t� ce genre d'arguments pour arriver aux observations directes. Mais je vous pr�viens que je vais mettre des noms en avant.

—Mettez.

—Je mets. En 1715, les astronomes Louville et Halley, observant l'�clipse du 3 mai, remarqu�rent certaines fulminations d'une nature bizarre. Ces �clats de lumi�re, rapides et souvent renouvel�s, furent attribu�s par eux � des orages qui se d�cha�naient dans l'atmosph�re de la Lune.

—En 1715, r�pliqua l'inconnu, les astronomes Louville et Halley ont pris pour des ph�nom�nes lunaires des ph�nom�nes purement terrestres, tels que bolides ou autres, qui se produisaient dans notre atmosph�re. 119 Voil� ce qu'ont r�pondu les savants � l'�nonc� de ces faits, et ce que je r�ponds avec eux.

—Passons encore, r�pondit Ardan, sans �tre troubl� de la riposte. Herschel, en 1787, n'a-t-il pas observ� un grand nombre de points lumineux � la surface de la Lune?

—Sans doute, mais sans s'expliquer sur l'origine de ces points lumineux; Herschel lui-m�me n'a pas conclu de leur apparition � la n�cessit� d'une atmosph�re lunaire.

—Bien r�pondu, dit Michel Ardan en complimentant son adversaire; je vois que vous �tes tr�s-fort en s�l�nographie.

—Tr�s-fort, Monsieur, et j'ajouterai que les plus habiles observateurs, ceux qui ont le mieux �tudi� l'astre des nuits, MM. Beer et Mœdler, sont d'accord sur le d�faut absolu d'air � sa surface.�

Un mouvement se fit dans l'assistance, qui parut s'�mouvoir des arguments de ce singulier personnage.

�Passons toujours, r�pondit Michel Ardan avec le plus grand calme, et arrivons maintenant � un fait important. Un habile astronome fran�ais, M. Laussedat, en observant l'�clipse du 18 juillet 1860, constata que les cornes du croissant solaire �taient arrondies et tronqu�es. Or ce ph�nom�ne n'a pu �tre produit que par une d�viation des rayons du soleil � travers l'atmosph�re de la Lune, et il n'a pas d'autre explication possible.

—Mais le fait est-il certain? demanda vivement l'inconnu.

—Absolument certain!�

Un mouvement inverse ramena l'assembl�e vers son h�ros favori, dont l'adversaire resta silencieux. Ardan reprit la parole, et sans tirer vanit� de son dernier avantage, il dit simplement:

�Vous voyez donc bien, mon cher Monsieur, qu'il ne faut pas se prononcer d'une fa�on absolue contre l'existence d'une atmosph�re � la surface de la Lune; cette atmosph�re est probablement peu dense, assez subtile, mais aujourd'hui la science admet g�n�ralement qu'elle existe.

—Pas sur les montagnes, ne vous en d�plaise, riposta l'inconnu, qui n'en voulait pas d�mordre.

—Non, mais au fond des vall�es, et ne d�passant pas en hauteur quelques centaines de pieds.

—En tout cas, vous feriez bien de prendre vos pr�cautions, car cet air sera terriblement rar�fi�.

—Oh! mon brave Monsieur, il y en aura toujours assez pour un homme seul; d'ailleurs, une fois rendu l�-haut, je t�cherai de l'�conomiser de mon mieux et de ne respirer que dans les grandes occasions!�

Un formidable �clat de rire vint tonner aux oreilles du myst�rieux 120 interlocuteur, qui promena ses regards sur l'assembl�e, en la bravant avec fiert�.

Attaque et riposte (p. 118).

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�Donc, reprit Michel Ardan d'un air d�gag�, puisque nous sommes d'accord sur la pr�sence d'une certaine atmosph�re, nous voil� forc�s d'admettre la pr�sence d'une certaine quantit� d'eau. C'est une cons�quence dont je me r�jouis fort pour mon compte. D'ailleurs, mon aimable contradicteur, permettez-moi de vous soumettre encore une observation. Nous ne connaissons qu'un c�t� du disque de la Lune, et s'il y a peu d'air sur la face qui nous regarde, il est possible qu'il y en ait beaucoup sur la face oppos�e.

—Et pour quelle raison?

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L'estrade fut enlev�e tout d'un coup (p. 123).

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—Parce que la Lune, sous l'action de l'attraction terrestre, a pris la forme d'un œuf que nous apercevons par le petit bout. De l� cette cons�quence due aux calculs de Hansen, que son centre de gravit� est situ� dans l'autre h�misph�re. De l� cette conclusion que toutes les masses d'air et d'eau ont d� �tre entra�n�es sur l'autre face de notre satellite aux premiers jours de sa cr�ation.

—Pures fantaisies! s'�cria l'inconnu.

—Non! pures th�ories, qui sont appuy�es sur les lois de la m�canique, et il me para�t difficile de les r�futer. J'en appelle donc � cette assembl�e, et je mets aux voix la question de savoir si la vie, telle qu'elle existe sur la Terre, est possible � la surface de la Lune?�

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Trois cent mille auditeurs � la fois applaudirent � la proposition. L'adversaire de Michel Ardan voulait encore parler, mais il ne pouvait plus se faire entendre. Les cris, les menaces fondaient sur lui comme la gr�le.

�Assez! assez! disaient les uns.

—Chassez cet intrus! r�p�taient les autres.

—A la porte! � la porte!� s'�criait la foule irrit�e.

Mais lui, ferme, cramponn� � l'estrade, ne bougeait pas et laissait passer l'orage, qui e�t pris des proportions formidables, si Michel Ardan ne l'e�t apais� d'un geste. Il �tait trop chevaleresque pour abandonner son contradicteur dans une semblable extr�mit�.

�Vous d�sirez ajouter quelques mots? lui demanda-t-il du ton le plus gracieux.

—Oui! cent, mille, r�pondit l'inconnu avec emportement. Ou plut�t, non, un seul! Pour pers�v�rer dans votre entreprise, il faut que vous soyez...

—Imprudent! Comment pouvez-vous me traiter ainsi, moi qui ai demand� un boulet cylindro-conique � mon ami Barbicane, afin de ne pas tourner en route � la fa�on des �cureuils?

—Mais, malheureux, l'�pouvantable contre-coup vous mettra en pi�ces au d�part!

—Mon cher contradicteur, vous venez de poser le doigt sur la v�ritable et la seule difficult�; cependant, j'ai trop bonne opinion du g�nie industriel des Am�ricains pour croire qu'ils ne parviendront pas � la r�soudre!

—Mais la chaleur d�velopp�e par la vitesse du projectile en traversant les couches d'air?

—Oh! ses parois sont �paisses, et j'aurai si rapidement franchi l'atmosph�re!

—Mais des vivres? de l'eau?

—J'ai calcul� que je pouvais en emporter pour un an, et ma travers�e durera quatre jours!

—Mais de l'air pour respirer en route?

—J'en ferai par des proc�d�s chimiques.

—Mais votre chute sur la Lune, si vous y arrivez jamais?

—Elle sera six fois moins rapide qu'une chute sur la Terre, puisque la pesanteur est six fois moindre � la surface de la Lune.

—Mais elle sera encore suffisante pour vous briser comme du verre!

—Et qui m'emp�chera de retarder ma chute au moyen de fus�es convenablement dispos�es et enflamm�es en temps utile?

—Mais enfin, en supposant que toutes les difficult�s soient r�solues, tous les obstacles aplanis, en r�unissant toutes les chances en votre faveur, en 123 admettant que vous arriviez sain et sauf dans la Lune, comment reviendrez-vous?

—Je ne reviendrai pas!�

A cette r�ponse, qui touchait au sublime par sa simplicit�, l'assembl�e demeura muette. Mais son silence fut plus �loquent que n'eussent �t� ses cris d'enthousiasme. L'inconnu en profita pour protester une derni�re fois.

�Vous vous tuerez infailliblement, s'�cria-t-il, et votre mort, qui n'aura �t� que la mort d'un insens�, n'aura pas m�me servi la science!

—Continuez, mon g�n�reux inconnu, car v�ritablement vous pronostiquez d'une fa�on fort agr�able!

—Ah! c'en est trop!

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