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Read book online «L'île mystérieuse by Jules Verne (100 books to read txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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qui avait pu donner ou donnait refuge aux étrangers dont on soupçonnait la présence.

Le jeune garçon regarda avec une attention extrême. Sur la mer d'abord, rien en vue. Pas une voile, ni à l'horizon, ni sur les atterrages de l'île.

Toutefois, comme le massif des arbres cachait le littoral, il était possible qu'un bâtiment, surtout un bâtiment désemparé de sa mâture, eût accosté la terre de très près, et, par conséquent, fût invisible pour Harbert. Au milieu des bois du Far-West, rien non plus. La forêt formait un impénétrable dôme, mesurant plusieurs milles carrés, sans une clairière, sans une éclaircie. Il était même impossible de suivre le cours de la Mercy et de reconnaître le point de la montagne dans lequel elle prenait sa source.

Peut-être d'autres creeks couraient-ils vers l'ouest, mais rien ne permettait de le constater.

Mais, du moins, si tout indice de campement échappait à Harbert, ne pouvait-il surprendre dans l'air quelque fumée qui décelât la présence de l'homme? L'atmosphère était pure, et la moindre vapeur s'y fût nettement détachée sur le fond du ciel.

Pendant un instant, Harbert crut voir une légère fumée monter dans l'ouest, mais une observation plus attentive lui démontra qu'il se trompait. Il regarda avec un soin extrême, et sa vue était excellente... non, décidément, il n'y avait rien.

Harbert redescendit au pied du kauri, et les deux chasseurs revinrent à Granite-House. Là, Cyrus Smith écouta le récit du jeune garçon, secoua la tête et ne dit rien. Il était bien évident qu'on ne pourrait se prononcer sur cette question qu'après une exploration complète de l'île.

Le surlendemain, — 28 octobre, — un autre incident se produisit, dont l'explication devait encore laisser à désirer. En rôdant sur la grève, à deux milles de Granite-House, Harbert et Nab furent assez heureux pour capturer un magnifique échantillon de l'ordre des chélonées. C'était une tortue franche du genre mydase, dont la carapace offrait d'admirables reflets verts.

Harbert aperçut cette tortue qui se glissait entre les roches pour gagner la mer.

«À moi, Nab, à moi!» cria-t-il.

Nab accourut.

«Le bel animal! dit Nab, mais comment nous en emparer?

— Rien n'est plus aisé, Nab, répondit Harbert. Nous allons retourner cette tortue sur le dos, et elle ne pourra plus s'enfouir. Prenez votre épieu et imitez-moi.»

Le reptile, sentant le danger, s'était retiré entre sa carapace et son plastron. On ne voyait plus ni sa tête, ni ses pattes, et il était immobile comme un roc.

Harbert et Nab engagèrent alors leurs bâtons sous le sternum de l'animal, et, unissant leurs efforts, ils parvinrent, non sans peine, à le retourner sur le dos. Cette tortue, qui mesurait trois pieds de longueur, devait peser au moins quatre cents livres.

«Bon! s'écria Nab, voilà qui réjouira l'ami Pencroff!» en effet, l'ami Pencroff ne pouvait manquer d'être réjoui, car la chair de ces tortues, qui se nourrissent de zostères, est extrêmement savoureuse. En ce moment, celle-ci ne laissait plus entrevoir que sa tête petite, aplatie, mais très élargie postérieurement par de grandes fosses temporales, cachées sous une voûte osseuse.

«Et maintenant, que ferons-nous de notre gibier? dit Nab. Nous ne pouvons pas le traîner à Granite-House!

— Laissons-le ici, puisqu'il ne peut se retourner, répondit Harbert, et nous reviendrons le reprendre avec le chariot.

— C'est entendu.»

Toutefois, pour plus de précaution, Harbert prit le soin, que Nab jugeait superflu, de caler l'animal avec de gros galets. Après quoi, les deux chasseurs revinrent à Granite-House, en suivant la grève que la marée, basse alors, découvrait largement.

Harbert, voulant faire une surprise à Pencroff, ne lui dit rien du «superbe échantillon des chélonées»

Qu'il avait retourné sur le sable; mais deux heures après, Nab et lui étaient de retour, avec le chariot, à l'endroit où ils l'avaient laissé. Le «superbe échantillon des chélonées» n'y était plus.

Nab et Harbert se regardèrent d'abord, puis ils regardèrent autour d'eux. C'était pourtant bien à cette place que la tortue avait été laissée. Le jeune garçon retrouva même les galets dont il s'était servi, et, par conséquent, il était sûr de ne pas se tromper.

«Ah çà! dit Nab, ça se retourne donc, ces bêtes-là?

— Il paraît, répondit Harbert, qui n'y pouvait rien comprendre et regardait les galets épars sur le sable.

— Eh bien, c'est Pencroff qui ne sera pas content!

— Et c'est M Smith qui sera peut-être bien embarrassé pour expliquer cette disparition! pensa Harbert.

— Bon, fit Nab, qui voulait cacher sa mésaventure, nous n'en parlerons pas.

— Au contraire, Nab, il faut en parler», répondit Harbert.

Et tous deux, reprenant le chariot, qu'ils avaient inutilement amené, revinrent à Granite-House.

Arrivé au chantier, où l'ingénieur et le marin travaillaient ensemble, Harbert raconta ce qui s'était passé.

«Ah! Les maladroits! s'écria le marin. Avoir laissé échapper cinquante potages au moins!

— Mais, Pencroff, répliqua Nab, ce n'est pas notre faute si la bête s'est enfuie, puisque je te dis que nous l'avions retournée!

— Alors, vous ne l'aviez pas assez retournée! riposta plaisamment l'intraitable marin.

— Pas assez!» s'écria Harbert.

Et il raconta qu'il avait pris soin de caler la tortue avec des galets.

«C'est donc un miracle! répliqua Pencroff.

— Je croyais, Monsieur Cyrus, dit Harbert, que les tortues, une fois placées sur le dos, ne pouvaient se remettre sur leurs pattes, surtout quand elles étaient de grande taille?

— Cela est vrai, mon enfant, répondit Cyrus Smith.

— Alors, comment a-t-il pu se faire...?

— À quelle distance de la mer aviez-vous laissé cette tortue? demanda l'ingénieur, qui, ayant suspendu son travail, réfléchissait à cet incident.

— À une quinzaine de pieds, au plus, répondit Harbert.

— Et la marée était basse, à ce moment?

— Oui, Monsieur Cyrus.

— Eh bien, répondit l'ingénieur, ce que la tortue ne pouvait faire sur le sable, il se peut qu'elle l'ait fait dans l'eau. Elle se sera retournée quand le flux l'a reprise, et elle aura tranquillement regagné la haute mer.

— Ah! Maladroits que nous sommes! s'écria Nab.

— C'est précisément ce que j'avais eu l'honneur de vous dire!» répondit Pencroff.

Cyrus Smith avait donné cette explication, qui était admissible sans doute. Mais était-il bien convaincu de la justesse de cette explication? On n'oserait l'affirmer.

CHAPITRE II

Le 29 octobre, le canot d'écorce était entièrement achevé. Pencroff avait tenu sa promesse, et une sorte de pirogue, dont la coque était membrée au moyen de baguettes flexibles de crejimba, avait été construite en cinq jours. Un banc à l'arrière, un second banc au milieu, pour maintenir l'écartement, un troisième banc à l'avant, un plat-bord pour soutenir les tolets de deux avirons, une godille pour gouverner, complétaient cette embarcation, longue de douze pieds, et qui ne pesait pas deux cents livres. Quant à l'opération du lancement, elle fut extrêmement simple. La légère pirogue fut portée sur le sable, à la lisière du littoral, devant Granite-House, et le flot montant la souleva.

Pencroff, qui sauta aussitôt dedans, la manœuvra à la godille, et put constater qu'elle était très convenable pour l'usage qu'on en voulait faire.

«Hurrah! s'écria le marin, qui ne dédaigna pas de célébrer ainsi son propre triomphe. Avec cela, on ferait le tour...

— Du monde? demanda Gédéon Spilett.

— Non, de l'île. Quelques cailloux pour lest, un mât sur l'avant, et un bout de voile que M Smith nous fabriquera un jour, et on ira loin! Eh bien! Monsieur Cyrus, et vous, Monsieur Spilett, et vous, Harbert, et toi, Nab, est-ce que vous ne venez pas essayer notre nouveau bâtiment? Que diable! Il faut pourtant voir s'il peut nous porter tous les cinq!»

En effet, c'était une expérience à faire. Pencroff, d'un coup de godille, ramena l'embarcation près de la grève par un étroit passage que les roches laissaient entre elles, et il fut convenu qu'on ferait, ce jour même, l'essai de la pirogue, en suivant le rivage jusqu'à la première pointe où finissaient les rochers du sud. Au moment d'embarquer, Nab s'écria:

«Mais il fait pas mal d'eau, ton bâtiment, Pencroff!

— Ce n'est rien, Nab, répondit le marin. Il faut que le bois s'étanche! Dans deux jours il n'y paraîtra plus, et notre pirogue n'aura pas plus d'eau dans le ventre qu'il n'y en a dans l'estomac d'un ivrogne. Embarquez!»

On s'embarqua donc, et Pencroff poussa au large.

Le temps était magnifique, la mer calme comme si ses eaux eussent été contenues dans les rives étroites d'un lac, et la pirogue pouvait l'affronter avec autant de sécurité que si elle eût remonté le tranquille courant de la Mercy. Des deux avirons, Nab prit l'un, Harbert l'autre, et Pencroff resta à l'arrière de l'embarcation, afin de la diriger à la godille.

Le marin traversa d'abord le canal et alla raser la pointe sud de l'îlot. Une légère brise soufflait du sud. Point de houle, ni dans le canal, ni au large. Quelques longues ondulations que la pirogue sentait à peine, car elle était lourdement chargée, gonflaient régulièrement la surface de la mer. On s'éloigna environ d'un demi-mille de la côte, de manière à apercevoir tout le développement du mont Franklin.

Puis, Pencroff, virant de bord, revint vers l'embouchure de la rivière. La pirogue suivit alors le rivage, qui, s'arrondissant jusqu'à la pointe extrême, cachait toute la plaine marécageuse des Tadornes.

Cette pointe, dont la distance se trouvait accrue par la courbure de la côte, était environ à trois milles de la Mercy. Les colons résolurent d'aller à son extrémité et de ne la dépasser que du peu qu'il faudrait pour prendre un aperçu rapide de la côte jusqu'au cap Griffe.

Le canot suivit donc le littoral à une distance de deux encablures au plus, en évitant les écueils dont ces atterrages étaient semés et que la marée montante commençait à couvrir. La muraille allait en s'abaissant depuis l'embouchure de la rivière jusqu'à la pointe. C'était un amoncellement de granits, capricieusement distribués, très différents de la courtine, qui formaient le plateau de Grande-vue, et d'un aspect extrêmement sauvage.

On eût dit qu'un énorme tombereau de roches avait été vidé là. Point de végétation sur ce saillant très aigu qui se prolongeait à deux milles en avant de la forêt, et cette pointe figurait assez bien le bras d'un géant qui serait sorti d'une manche de verdure.

Le canot, poussé par les deux avirons, avançait sans peine. Gédéon Spilett, le crayon d'une main, le carnet de l'autre, dessinait la côte à grands traits.

Nab, Pencroff et Harbert causaient en examinant cette partie de leur domaine, nouvelle à leurs yeux, et, à mesure que la pirogue descendait vers le sud, les deux caps Mandibule paraissaient se déplacer et fermer plus étroitement la baie de l'Union.

Quant à Cyrus Smith, il ne parlait pas, il regardait, et, à la défiance qu'exprimait son regard, il semblait toujours qu'il observât quelque contrée étrange.

Cependant, après trois quarts d'heure de navigation, la pirogue était arrivée presque à l'extrémité de la pointe, et Pencroff se préparait à la doubler, quand Harbert, se levant, montra une tache noire, en disant:

«Qu'est-ce que je vois donc là-bas sur la grève?»

Tous les regards se portèrent vers le point indiqué.

«En effet, dit le reporter, il y a quelque chose. On dirait une épave à demi enfoncée dans le sable.

— Ah! s'écria Pencroff, je vois ce que c'est!

— Quoi donc? demanda Nab.

— Des barils, des barils, qui peuvent être pleins! répondit le marin.

— Au rivage, Pencroff!» dit Cyrus Smith.

En quelques coups d'aviron, la pirogue atterrissait au fond d'une petite anse, et ses passagers sautaient sur la grève.

Pencroff ne s'était pas trompé. Deux barils étaient là, à demi enfoncés dans le sable, mais encore solidement attachés à une large caisse qui, soutenue par eux, avait ainsi flotté jusqu'au moment où elle était venue s'échouer sur le rivage.

«Il y a donc eu un naufrage dans les parages de l'île? demanda Harbert.

— Évidemment, répondit Gédéon Spilett.

— Mais qu'y a-t-il dans cette caisse? s'écria Pencroff avec une impatience bien naturelle. Qu'y a-t-il dans cette caisse? Elle est fermée, et rien pour en briser le couvercle! Eh bien, à coups de pierre alors...»

Et le marin, soulevant un bloc pesant, allait enfoncer une des parois de la caisse, quand l'ingénieur, l'arrêtant:

«Pencroff, lui dit-il, pouvez-vous modérer votre impatience pendant une heure seulement?

— Mais, Monsieur Cyrus, songez donc! Il y a peut-être là-dedans tout ce qui nous manque!

— Nous le saurons, Pencroff, répondit l'ingénieur, mais croyez-moi, ne brisez pas cette caisse, qui peut nous être utile. Transportons-la à Granite-House, où nous l'ouvrirons plus facilement et sans la briser. Elle est toute préparée pour le voyage, et, puisqu'elle a flotté jusqu'ici, elle flottera bien encore jusqu'à l'embouchure de la rivière.

— Vous avez raison, Monsieur Cyrus, et j'avais tort, répondit le marin, mais on n'est pas toujours maître de soi!»

L'avis de l'ingénieur était sage. En effet, la pirogue n'aurait pu contenir les objets probablement renfermés dans cette caisse, qui devait être pesante, puisqu'il avait fallu la «soulager» au moyen de deux barils vides. Donc, mieux valait la remorquer ainsi jusqu'au rivage de Granite-House.

Et maintenant, d'où venait cette épave? C'était là une importante question. Cyrus Smith et ses compagnons regardèrent attentivement autour d'eux et parcoururent le rivage sur un espace de plusieurs centaines de pas. Nul autre débris ne leur apparut.

La mer fut observée également. Harbert et Nab montèrent sur un roc élevé, mais l'horizon était désert. Rien en vue, ni un bâtiment désemparé, ni un navire à

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