Vingt mille Lieues Sous Les Mers — Complete by Jules Verne (simple ebook reader .txt) 📕
Read free book «Vingt mille Lieues Sous Les Mers — Complete by Jules Verne (simple ebook reader .txt) 📕» - read online or download for free at americanlibrarybooks.com
- Author: Jules Verne
Read book online «Vingt mille Lieues Sous Les Mers — Complete by Jules Verne (simple ebook reader .txt) 📕». Author - Jules Verne
Du 21 au 23 janvier, le Nautilus marcha Ă raison de deux cent cinquante lieues par vingt-quatre heures, soit cinq cent quarante milles, ou vingt-deux milles Ă l'heure.
Si nous reconnaissions au passage les diverses variétés de poissons, c'est que ceux-ci, attirés par l'éclat électrique, cherchaient à nous accompagner ; la plupart, distancés par cette vitesse, restaient bientôt en arrière ; quelques-uns cependant parvenaient à se maintenir pendant un certain temps dans les eaux du Nautilus.
Le 24 au matin, par 12°5' de latitude sud et 94°33' de longitude, nous eûmes connaissance de l'île Keeling, soulèvement madréporique planté de magnifiques cocos, et qui fut visitée par M. Darwin et le capitaine Fitz-Roy. Le Nautilus prolongea à peu de distance les accores de cette île déserte. Ses dragues rapportèrent de nombreux échantillons de polypes et d'échinodermes, et des tests curieux de l'embranchement des mollusques. Quelques précieux produits de l'espèce des dauphinules accrurent les trésors du capitaine Nemo, auquel je joignis une astrée punctifère, sorte de polypier parasite souvent fixé sur une coquille.
Bientôt l'île Keeling disparut sous l'horizon, et la route fut donnée au nord-ouest vers la pointe de la péninsule indienne.
« Des terres civilisées, me dit ce jour-là Ned Land. Cela vaudra mieux que ces îles de la Papouasie, où l'on rencontre plus de sauvages que de chevreuils ! Sur cette terre indienne, monsieur le professeur, il y a des routes, des chemins de fer, des villes anglaises, françaises et indoues. On ne ferait pas cinq milles sans y rencontrer un compatriote. Hein ! est-ce que le moment n'est pas venu de brûler la politesse au capitaine Nemo ?
— Non. Ned, non, répondis-je d'un ton très déterminé. Laissons courir, comme vous dites, vous autres marins. Le Nautilus se rapproche des continents habités. Il revient vers l'Europe, qu'il nous y conduise. Une fois arrivés dans nos mers, nous verrons ce que la prudence nous conseillera de tenter. D'ailleurs, je ne suppose pas que le capitaine Nemo nous permette d'aller chasser sur les côtes du Malabar ou de Coromandel comme dans les forêts de la Nouvelle-Guinée.
— Eh bien ! monsieur, ne peut-on se passer de sa permission ? »
Je ne répondis pas au Canadien. Je ne voulais pas discuter. Au fond, j'avais à cœur d'épuiser jusqu'au bout les hasards de la destinée qui m'avait jeté à bord du Nautilus.
A partir de l'île Keeling, notre marche se ralentit généralement. Elle fut aussi plus capricieuse et nous entraîna souvent à de grandes profondeurs. On fit plusieurs fois usage des plans inclinés que des leviers intérieurs pouvaient placer obliquement à la ligne de flottaison. Nous allâmes ainsi jusqu'à deux et trois kilomètres, mais sans jamais avoir vérifié les grands fonds de cette mer indienne que des sondes de treize mille mètres n'ont pas pu atteindre. Quant à la température des basses couches, le thermomètre indiqua toujours invariablement quatre degrés au-dessus de zéro. J'observai seulement que, dans les nappes supérieures, l'eau était toujours plus froide sur les hauts fonds qu'en pleine mer.
Le 25 janvier, l'Océan étant absolument désert, le Nautilus passa la journée à sa surface, battant les flots de sa puissante hélice et les faisant rejaillir à une grande hauteur. Comment, dans ces conditions, ne l'eût-on pas pris pour un cétacé gigantesque ? Je passai les trois quarts de cette journée sur la plate-forme. Je regardais la mer. Rien à l'horizon, si ce n'est, vers quatre heures du soir, un long steamer qui courait dans l'ouest à contrebord. Sa mâture fut visible un instant, mais il ne pouvait apercevoir le Nautilus, trop ras sur l'eau. Je pensai que ce bateau à vapeur appartenait à la ligne péninsulaire et orientale qui fait le service de l'île de Ceyland à Sydney, en touchant à la pointe du roi George et à Melbourne.
A cinq heures du soir, avant ce rapide crépuscule qui lie le jour à la nuit dans les zones tropicales, Conseil et moi nous fûmes émerveillés par un curieux spectacle.
Il est un charmant animal dont la rencontre, suivant les anciens, présageait des chances heureuses. Aristote, Athénée, Pline, Oppien, avaient étudié ses goûts et épuisé à son égard toute la poétique des savants de la Grèce et de l'Italie. Ils l'appelèrent Nautilus et Pompylius. Mais la science moderne n'a pas ratifié leur appellation, et ce mollusque est maintenant connu sous le nom d'Argonaute.
Qui eût consulté Conseil eût appris de ce brave garçon que l'embranchement des mollusques se divise en cinq classes ; que la première classe, celle des céphalopodes dont les sujets sont tantôt nus, tantôt testacés, comprend deux familles, celles des dibranchiaux et des tétrabranchiaux, qui se distinguent par le nombre de leurs branches : que la famille des dibranchiaux renferme trois genres, l'argonaute, le calmar et la seiche, et que la famille des tétrabranchiaux n'en contient qu'un seul, le nautile. Si après cette nomenclature, un esprit rebelle eût confondu l'argonaute, qui est acétabulifère, c'est-à -dire porteur de ventouses, avec le nautile, qui est tentaculifère, c'est-à -dire porteur de tentacules, il aurait été sans excuse.
Or, c'était une troupe de ces argonautes qui voyageait alors à la surface de l'Océan. Nous pouvions en compter plusieurs centaines. Ils appartenaient à l'espèce des argonautes tuberculés qui est spéciale aux mers de l'Inde.
Ces gracieux mollusques se mouvaient à reculons au moyen de leur tube locomoteur en chassant par ce tube l'eau qu'ils avaient aspirée. De leurs huit tentacules, six, allongés et amincis, flottaient sur l'eau, tandis que les deux autres, arrondis en palmes, se tendaient au vent comme une voile légère. Je voyais parfaitement leur coquille spiraliforme et ondulée que Cuvier compare justement à une élégante chaloupe. Véritable bateau en effet. Il transporte l'animal qui l'a sécrété, sans que l'animal y adhère.
« L'argonaute est libre de quitter sa coquille, dis-je à Conseil, mais il ne la quitte jamais.
— Ainsi fait le capitaine Nemo, répondit judicieusement Conseil. C'est pourquoi il eût mieux fait d'appeler son navire l'Argonaute. »
Pendant une heure environ. Le Nautilus flotta au milieu de cette troupe de mollusques. Puis, je ne sais quel effroi les prit soudain. Comme à un signal, toutes les voiles furent subitement amenées ; les bras se replièrent, les corps se contractèrent. Les coquilles se renversant changèrent leur centre de gravité, et toute la flottille disparut sous les flots. Ce fut instantané, et jamais navires d'une escadre ne manœuvrèrent avec plus d'ensemble.
En ce moment, la nuit tomba subitement, et les lames, à peine soulevées par la brise, s'allongèrent paisiblement sous les précintes du Nautilus.
Le lendemain, 26 janvier, nous coupions l'Équateur sur le quatre-vingt-deuxième méridien, et nous rentrions dans l'hémisphère boréal.
Pendant cette journée, une formidable troupe de squales nous fit cortège. Terribles animaux qui pullulent dans ces mers et les rendent fort dangereuses. C'étaient des squales philipps au dos brun et au ventre blanchâtre armés de onze rangées de dents, des squales œillés dont le cou est marqué d'une grande tache noire cerclée de blanc qui ressemble à un œil, des squales isabelle à museau arrondi et semé de points obscurs. Souvent, ces puissants animaux se précipitaient contre la vitre du salon avec une violence peu rassurante. Ned Land ne se possédait plus alors. Il voulait remonter à la surface des flots et harponner ces monstres, surtout certains squales émissoles dont la gueule est pavée de dents disposées comme une mosaïque, et de grands squales tigrés, longs de cinq mètres, qui le provoquaient avec une insistance toute particulière. Mais bientôt le Nautilus, accroissant sa vitesse, laissa facilement en arrière les plus rapides de ces requins.
Le 27 janvier, à l'ouvert du vaste golfe du Bengale, nous rencontrâmes à plusieurs reprises, spectacle sinistre ! des cadavres qui flottaient à la surface des flots. C'étaient les morts des villes indiennes, charriés par le Gange jusqu'à la haute mer, et que les vautours, les seuls ensevelisseurs du pays, n'avaient pas achevé de dévorer. Mais les squales ne manquaient pas pour les aider dans leur funèbre besogne.
Vers sept heures du soir, le Nautilus à demi immergé navigua au milieu d'une mer de lait. A perte de vue l'Océan semblait être lactifié. Était-ce l'effet des rayons lunaires ? Non, car la lune, ayant deux jours à peine, était encore perdue au-dessous de l'horizon dans les rayons du soleil. Tout le ciel, quoique éclairé par le rayonnement sidéral, semblait noir par contraste avec la blancheur des eaux.
Conseil ne pouvait en croire ses yeux, et il m'interrogeait sur les causes de ce singulier phénomène. Heureusement, j'étais en mesure de lui répondre.
« C'est ce qu'on appelle une mer de lait, lui dis-je, vaste étendue de flots blancs qui se voit fréquemment sur les côtes d'Amboine et dans ces parages.
— Mais, demanda Conseil, monsieur peut-il m'apprendre quelle cause produit un pareil effet, car cette eau ne s'est pas changée en lait, je suppose !
— Non, mon garçon, et cette blancheur qui te surprend n'est due qu'à la présence de myriades de bestioles infusoires, sortes de petits vers lumineux, d'un aspect gélatineux et incolore, de l'épaisseur d'un cheveu, et dont la longueur ne dépasse pas un cinquième de millimètre. Quelques-unes de ces bestioles adhèrent entre elles pendant l'espace de plusieurs lieues.
— Plusieurs lieues ! s'écria Conseil.
— Oui, mon garçon, et ne cherche pas à supputer le nombre de ces infusoires ! Tu n'y parviendrais pas, car, si je ne me trompe, certains navigateurs ont flotté sur ces mers de lait pendant plus de quarante milles. »
Je ne sais si Conseil tint compte de ma recommandation, mais il parut se plonger dans des réflexions profondes, cherchant sans doute à évaluer combien quarante milles carrés contiennent de cinquièmes de millimètres. Pour moi, je continuai d'observer le phénomène. Pendant plusieurs heures, le Nautilus trancha de son éperon ces flots blanchâtres, et je remarquai qu'il glissait sans bruit sur cette eau savonneuse, comme s'il eût flotté dans ces remous d'écume que les courants et les contre-courants des baies laissaient quelquefois entre eux.
Vers minuit, la mer reprit subitement sa teinte ordinaire, mais derrière nous, jusqu'aux limites de l'horizon. Le ciel, réfléchissant la blancheur des flots, sembla longtemps imprégné des vagues lueurs d'une aurore boréale.
II UNE NOUVELLE PROPOSITION DU CAPITAINE NEMOLe 28 février, lorsque le Nautilus revint à midi à la surface de la mer, par 9°4' de latitude nord, il se trouvait en vue d'une terre qui lui restait à huit milles dans l'ouest. J'observai tout d'abord une agglomération de montagnes, hautes de deux mille pieds environ, dont les formes se modelaient très capricieusement. Le point terminé, je rentrai dans le salon, et lorsque le relèvement eut été reporté sur la carte, je reconnus que nous étions en présence de l'île de Ceylan, cette perle qui pend au lobe inférieur de la péninsule indienne.
J'allai chercher dans la bibliothèque quelque livre relatif à cette île, l'une des plus fertiles du globe. Je trouvai précisément un volume de Sirr H. C., esq., intitulé Ceylan and the Cingalese. Rentré au salon, je notai d'abord les relèvements de Ceyland, à laquelle l'antiquité avait prodigué tant de noms divers. Sa situation était entre 5°55' et 9°49' de latitude nord, et entre 79°42' et 82°4' de longitude à l'est du méridien de Greenwich ; sa longueur, deux cent soixante-quinze milles ; sa largeur maximum, cent cinquante milles ; sa circonférence, neuf cents milles ; sa superficie, vingt-quatre mille quatre cent quarante-huit milles, c'est-à -dire un peu inférieure à celle de l'Irlande.
Le capitaine Nemo et son second parurent en ce moment.
Le capitaine jeta un coup d'Ĺ“il sur la carte. Puis, se retournant vers moi :
« L'île de Ceylan, dit-il, une terre célèbre par ses pêcheries de perles. Vous serait-il agréable, monsieur Aronnax, de visiter l'une de ses pêcheries ?
— Sans aucun doute, capitaine.
— Bien. Ce sera chose facile. Seulement, si nous voyons les pêcheries, nous ne verrons pas les pêcheurs. L'exploitation annuelle n'est pas encore commencée. N'importe. Je vais donner l'ordre de rallier le golfe de Manaar, où nous arriverons dans la nuit. »
Le capitaine dit quelques mots Ă son second qui sortit aussitĂ´t. BientĂ´t le Nautilus rentra
Comments (0)