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des continents reconnus.

— Au nom de qui, capitaine ?

— Au mien, monsieur ! Â»

Et ce disant, le capitaine Nemo dĂ©ploya un pavillon noir, portant un N d'or Ă©cartelĂ© sur son Ă©tamine. Puis, se retournant vers l'astre du jour dont les derniers rayons lĂ©chaient l'horizon de la mer :

« Adieu, soleil ! s'Ă©cria-t-il. Disparais, astre radieux ! Couche-toi sous cette mer libre, et laisse une nuit de six mois Ă©tendre ses ombres sur mon nouveau domaine ! Â»

XV ACCIDENT OU INCIDENT ?

Le lendemain, 22 mars, à six heures du matin, les préparatifs de départ furent commencés. Les dernières lueurs du crépuscule se fondaient dans la nuit. Le froid était vif. Les constellations resplendissaient avec une surprenante intensité. Au zénith brillait cette admirable Croix du Sud, l'étoile polaire des régions antarctiques.

Le thermomètre marquait douze degrĂ©s au-dessous de zĂ©ro, et quand le vent fraĂ®chissait, il causait de piquantes morsures. Les glaçons se multipliaient sur l'eau libre. La mer tendait Ă  se prendre partout. De nombreuses plaques noirâtres, Ă©talĂ©es Ă  sa surface, annonçaient la prochaine formation de la jeune glace. Évidemment, le bassin austral, gelĂ© pendant les six mois de l'hiver, Ă©tait absolument inaccessible. Que devenaient les baleines pendant cette pĂ©riode ? Sans doute, elles allaient par-dessous la banquise chercher des mers plus praticables. Pour les phoques et les morses, habituĂ©s Ă  vivre sous les plus durs climats, ils restaient sur ces parages glacĂ©s. Ces animaux ont l'instinct de creuser des trous dans les ice-fields et de les maintenir toujours ouverts. C'est Ă  ces trous qu'ils viennent respirer ; quand les oiseaux, chassĂ©s par le froid, ont Ă©migrĂ© vers le nord, ces mammifères marins demeurent les seuls maĂ®tres du continent polaire.

Cependant, les réservoirs d'eau s'étaient remplis, et le Nautilus descendait lentement. A une profondeur de mille pieds, il s'arrêta. Son hélice battit les flots, et il s'avança droit au nord avec une vitesse de quinze milles à l'heure. Vers le soir, il flottait déjà sous l'immense carapace glacée de la banquise.

Les panneaux du salon avaient Ă©tĂ© fermĂ©s par prudence, car la coque du Nautilus pouvait se heurter Ă  quelque bloc immergĂ©. Aussi, je passai cette journĂ©e Ă  mettre mes notes au net. Mon esprit Ă©tait tout entier Ă  ses souvenirs du pĂ´le. Nous avions atteint ce point inaccessible sans fatigues, sans danger, comme si notre wagon flottant eĂ»t glissĂ© sur les rails d'un chemin de fer. Et maintenant, le retour commençait vĂ©ritablement. Me rĂ©serverait-il encore de pareilles surprises ? Je le pensais, tant la sĂ©rie des merveilles sous-marines est inĂ©puisable ! Cependant, depuis cinq mois et demi que le hasard nous avait jetĂ©s Ă  ce bord, nous avions franchi quatorze mille lieues, et sur ce parcours plus Ă©tendu que l'Équateur terrestre, combien d'incidents ou curieux ou terribles avaient charmĂ© notre voyage : la chasse dans les forĂŞts de Crespo, l'Ă©chouement du dĂ©troit de Torrès, le cimetière de corail, les pĂŞcheries de Ceylan, le tunnel arabique, les feux de Santorin, les millions de la baie du Vigo, l'Atlantide, le pĂ´le sud ! Pendant la nuit, tous ces souvenirs, passant de rĂŞve en rĂŞve, ne laissèrent pas mon cerveau sommeiller un instant.

A trois heures du matin, je fus réveillé par un choc violent. Je m'étais redressé sur mon lit et j'écoutais au milieu de l'obscurité, quand je fus précipité brusquement au milieu de la chambre. Évidemment, le Nautilus donnait une bande considérable après avoir touché.

Je m'accotai aux parois et je me traînai par les coursives jusqu'au salon qu'éclairait le plafond lumineux. Les meubles étaient renversés. Heureusement, les vitrines, solidement saisies par le pied, avaient tenu bon. Les tableaux de tribord, sous le déplacement de la verticale se collaient aux tapisseries, tandis que ceux de bâbord s'en écartaient d'un pied par leur bordure inférieure. Le Nautilus était donc couché sur tribord, et, de plus, complètement immobile,

A l'intérieur j'entendais un bruit de pas, des voix confuses. Mais le capitaine Nemo ne parut pas. Au moment où j'allais quitter le salon, Ned Land et Conseil entrèrent.

« Qu'y a-t-il ? leur dis-je aussitĂ´t.

— Je venais le demander à monsieur, répondit Conseil.

— Mille diables ! s'Ă©cria le Canadien, je le sais bien moi ! Le Nautilusa touchĂ©, et Ă  en juger par la gĂ®te qu'il donne, je ne crois pas qu'il s'en tire comme la première fois dans le dĂ©troit de Torrès.

— Mais au moins, demandai-je, est-il revenu Ă  la surface de la mer ?

— Nous l'ignorons, répondit Conseil.

— Il est facile de s'en assurer Â», rĂ©pondis-je.

Je consultai le manomètre. A ma grande surprise, il indiquait une profondeur de trois cent soixante mètres.

« Qu'est-ce que cela veut dire ? m'Ă©criai-je.

— Il faut interroger le capitaine Nemo, dit Conseil.

— Mais oĂą le trouver ? demanda Ned Land.

— Suivez-moi Â», dis-je Ă  mes deux compagnons.

Nous quittâmes le salon. Dans la bibliothèque, personne. A l'escalier central, au poste de l'équipage, personne. Je supposai que le capitaine Nemo devait être posté dans la cage du timonier. Le mieux était d'attendre. Nous revînmes tous trois au salon.

Je passerai sous silence les récriminations du Canadien. Il avait beau jeu pour s'emporter. Je le laissai exhaler sa mauvaise humeur tout à son aise, sans lui répondre.

Nous étions ainsi depuis vingt minutes, cherchant à surprendre les moindres bruits qui se produisaient à l'intérieur du Nautilus, quand le capitaine Nemo entra. Il ne sembla pas nous voir. Sa physionomie, habituellement si impassible, révélait une certaine inquiétude. Il observa silencieusement la boussole, le manomètre, et vint poser son doigt sur un point du planisphère, dans cette partie qui représentait les mers australes.

Je ne voulus pas l'interrompre. Seulement, quelques instants plus tard, lorsqu'il se tourna vers moi, je lui dis en retournant contre lui une expression dont il s'Ă©tait servi au dĂ©troit de Torrès :

« Un incident, capitaine ?

— Non, monsieur, répondit-il, un accident cette fois.

— Grave ?

— Peut-être.

— Le danger est-il immĂ©diat ?

— Non.

— Le Nautilus s'est Ă©chouĂ© ?

— Oui.

— Et cet Ă©chouement est venu ?...

— D'un caprice de la nature, non de l'impĂ©ritie des hommes. Pas une faute n'a Ă©tĂ© commise dans nos manĹ“uvres. Toutefois, on ne saurait empĂŞcher l'Ă©quilibre de produire ses effets. On peut braver les lois humaines, mais non rĂ©sister aux lois naturelles. Â»

Singulier moment que choisissait le capitaine Nemo pour se livrer à cette réflexion philosophique. En somme, sa réponse ne m'apprenait rien.

« Puis-je savoir, monsieur, lui demandai-je, quelle est la cause de cet accident ?

— Un énorme bloc de glace, une montagne entière s'est retournée, me répondit-il. Lorsque les icebergs sont minés à leur base par des eaux plus chaudes ou par des chocs réitérés, leur centre de gravité remonte. Alors ils se retournent en grand, ils culbutent. C'est ce qui est arrivé. L'un de ces blocs, en se renversant, a heurté le Nautilus qui flottait sous les eaux. Puis, glissant sous sa coque et le relevant avec une irrésistible force, il l'a ramené dans des couches moins denses, où il se trouve couché sur le flanc.

Mais ne peut-on dĂ©gager le Nautilus en vidant ses rĂ©servoirs, de manière Ă  le remettre en Ă©quilibre ?

— C'est ce qui se fait en ce moment, monsieur. Vous pouvez entendre les pompes fonctionner. Voyez l'aiguille du manomètre. Elle indique que le Nautilus remonte, mais le bloc de glace remonte avec lui, et jusqu'Ă  ce qu'un obstacle arrĂŞte son mouvement ascensionnel, notre position ne sera pas changĂ©e. Â»

En effet, le Nautilus donnait toujours la mĂŞme bande sur tribord. Sans doute, il se redresserait, lorsque le bloc s'arrĂŞterait lui-mĂŞme. Mais Ă  ce moment, qui sait si nous n'aurions pas heurtĂ© la partie supĂ©rieure de la banquise, si nous ne serions pas effroyablement pressĂ©s entre les deux surfaces glacĂ©es ?

Je réfléchissais à toutes les conséquences de cette situation. Le capitaine Nemo ne cessait d'observer le manomètre. Le Nautilus, depuis la chute de l'iceberg, avait remonté de cent cinquante pieds environ, mais il faisait toujours le même angle avec la perpendiculaire.

Soudain un léger mouvement se fit sentir dans la coque. Évidemment, le Nautilus se redressait un peu. Les objets suspendus dans le salon reprenaient sensiblement leur position normale. Les parois se rapprochaient de la verticalité. Personne de nous ne parlait. Le cœur ému, nous observions, nous sentions le redressement. Le plancher redevenait horizontal sous nos pieds. Dix minutes s'écoulèrent.

« Enfin, nous sommes droit ! m'Ă©cria-je.

— Oui, dit le capitaine Nemo, se dirigeant vers la porte du salon.

— Mais flotterons-nous ? lui demandai-je.

— Certainement, rĂ©pondit-il, puisque les rĂ©servoirs ne sont pas encore vidĂ©s, et que vidĂ©s, le Nautilus devra remonter Ă  la surface de la mer. Â»

Le capitaine sortit, et je vis bientôt que, par ses ordres, on avait arrêté la marche ascensionnelle du Nautilus. En effet, il aurait bientôt heurté la partie inférieure de la banquise, et mieux valait le maintenir entre deux eaux.

« Nous l'avons Ă©chappĂ© belle ! dit alors Conseil.

— Oui. Nous pouvions ĂŞtre Ă©crasĂ©s entre ces blocs de glace, ou tout au moins emprisonnĂ©s. Et alors, faute de pouvoir renouveler l'air... Oui ! nous l'avons Ă©chappĂ© belle !

— Si c'est fini ! Â» murmura Ned Land.

Je ne voulus pas entamer avec le Canadien une discussion sans utilité, et je ne répondis pas. D'ailleurs, les panneaux s'ouvrirent en ce moment, et la lumière extérieure fit irruption à travers la vitre dégagée.

Nous Ă©tions en pleine eau, ainsi que je l'ai dit ; mais, Ă  une distance de dix mètres, sur chaque cĂ´tĂ© du Nautilus, s'Ă©levait une Ă©blouissante muraille de glace. Au-dessus et au-dessous, mĂŞme muraille. Au-dessus, parce que la surface infĂ©rieure de la banquise se dĂ©veloppait comme un plafond immense. Au-dessous, parce que le bloc culbutĂ©, ayant glissĂ© peu Ă  peu, avait trouvĂ© sur les murailles latĂ©rales deux points d'appui qui le maintenaient dans cette position. Le Nautilus Ă©tait emprisonnĂ© dans un vĂ©ritable tunnel de glace, d'une largeur de vingt mètres environ, rempli d'une eau tranquille. Il lui Ă©tait donc facile d'en sortir en marchant soit en avant soit en arrière, et de reprendre ensuite, Ă  quelques centaines de mètres plus bas, un libre passage sous la banquise.

Le plafond lumineux avait été éteint, et cependant, le salon resplendissait d'une lumière intense. C'est que la puissante réverbération des parois de glace y renvoyait violemment les nappes du fanal. Je ne saurais peindre l'effet des rayons voltaïques sur ces grands blocs capricieusement découpés, dont chaque angle, chaque arête, chaque facette, jetait une lueur différente, suivant la nature des veines qui couraient dans la glace. Mine éblouissante de gemmes, et particulièrement de saphirs qui croisaient leurs jets bleus avec le jet vert des émeraudes. Çà et là des nuances opalines d'une douceur infinie couraient au milieu de points ardents comme autant de diamants de feu dont l'œil ne pouvait soutenir l'éclat. La puissance du fanal était centuplée, comme celle d'une lampe à travers les lames lenticulaires d'un phare de premier ordre.

« Que c'est beau ! Que c'est beau ! s'Ă©cria Conseil.

— Oui ! dis-je, c'est un admirable spectacle. N'est-ce pas, Ned ?

— Eh ! mille diables ! oui, riposta Ned Land. C'est superbe ! Je rage d'ĂŞtre forcĂ© d'en convenir. On n'a jamais rien vu de pareil. Mais ce spectacle-lĂ  pourra nous coĂ»ter cher. Et, s'il faut tout dire, je pense que nous voyons ici des choses que Dieu a voulu interdire aux regards de l'homme ! Â»

Ned avait raison. C'Ă©tait trop beau. Tout Ă  coup, un cri de Conseil me fit retourner.

« Qu'y a-t-il ? demandai-je.

— Que monsieur ferme les yeux ! que monsieur ne regarde pas ! Â»

Conseil, ce disant, appliquait vivement ses mains sur ses paupières.

« Mais qu'as-tu, mon garçon ?

— Je suis Ă©bloui, aveuglĂ© ! Â»

Mes regards se portèrent involontairement vers la vitre, mais je ne pus supporter le feu qui la dévorait.

Je compris ce qui s'était passé. Le Nautilus venait de se mettre en marche à grande vitesse. Tous les éclats tranquilles des murailles de glace s'étaient alors changés en raies fulgurantes. Les feux de ces myriades de diamants se confondaient. Le Nautilus, emporté par son hélice, voyageait dans un fourreau d'éclairs.

Les panneaux du salon se refermèrent alors. Nous tenions nos mains sur nos yeux tout imprégnés de ces lueurs concentriques qui flottent devant la rétine, lorsque les rayons solaires l'ont trop violemment frappée. Il fallut un certain temps pour calmer le trouble de nos regards.

Enfin, nos mains s'abaissèrent.

« Ma foi, je ne l'aurais jamais cru, dit Conseil.

— Et moi, je ne le crois pas encore ! riposta le Canadien.

— Quand nous reviendrons sur terre, ajouta Conseil, blasés sur tant de merveilles de la nature, que penserons-nous de ces misérables continents et des petits ouvrages sortis de la main des

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