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Read book online «Vingt Mille Lieues Sous Les Mers — Part 2 by Jules Verne (best books for 8th graders txt) 📕».   Author   -   Jules Verne



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de poignard le ventre de son ennemi, sans pouvoir toutefois porter le coup définitif, c'est-à-dire l'atteindre en plein coeur. Le squale, se débattant, agitait la masse des eaux avec furie, et leur remous menaçait de me renverser.

J'aurais voulu courir au secours du capitaine. Mais, cloué par l'horreur, je ne pouvais remuer.

Je regardais, l'oeil hagard. Je voyais les phases de la lutte se modifier. Le capitaine tomba sur le sol, renversé par la masse énorme qui pesait sur lui. Puis, les mâchoires du requin s'ouvrirent démesurément comme une cisaille d'usine, et c'en était fait du capitaine si, prompt comme la pensée, son harpon à la main, Ned Land, se précipitant vers le requin, ne l'eût frappe de sa terrible pointe.

Les flots s'imprégnèrent d'une masse de sang. Ils s'agitèrent sous les mouvements du squale qui les battait avec une indescriptible fureur. Ned Land n'avait pas manqué son but. C'était le râle du monstre. Frappé au coeur, il se débattait dans des spasmes épouvantables, dont le contrecoup renversa Conseil.

Cependant, Ned Land avait dégagé le capitaine. Celui-ci, relevé sans blessures, alla droit à l'indien, coupa vivement la corde qui le liait à sa pierre, le prit dans ses bras et, d'un vigoureux coup de talon, il remonta à la surface de la mer.

Nous le suivîmes tous trois, et, en quelques instants, miraculeusement sauvés, nous atteignions l'embarcation du pêcheur.

Le premier soin du capitaine Nemo fut de rappeler ce malheureux à la vie. Je ne savais s'il réussirait. Je l'espérais, car l'immersion de ce pauvre diable n'avait pas été longue. Mais le coup de queue du requin pouvait l'avoir frappé à mort.

Heureusement, sous les vigoureuses frictions de Conseil et du capitaine, je vis, peu Ă  peu, le noyĂ© revenir au sentiment. Il ouvrit les yeux. Quelle dut ĂŞtre sa surpris-je son Ă©pouvante mĂŞme, Ă  voir les quatre grosses tĂŞtes de cuivre qui se penchaient sur lui !

Et surtout, que dut-il penser, quand le capitaine Nemo, tirant d'une poche de son vĂŞtement un sachet de perles, le lui eut mis dans la main ? Cette magnifique aumĂ´ne de l'homme des eaux au pauvre Indien de Ceylan fut acceptĂ©e par celui-ci d'une main tremblante.

Ses yeux effarés indiquaient du reste qu'il ne savait à quels êtres surhumains il devait à la fois la fortune et la vie.

Sur un signe du capitaine, nous regagnâmes le banc de pintadines, et, suivant la route déjà parcourue, après une demi-heure de marche nous rencontrions l'ancre qui rattachait au sol le canot du Nautilus.

Une fois embarqués, chacun de nous, avec l'aide des matelots, se débarrassa de sa lourde carapace de cuivre.

La première parole du capitaine Nemo fut pour le Canadien.

« Merci, maĂ®tre Land, lui dit-il.

— C'est une revanche, capitaine, rĂ©pondit Ned Land. Je vous devais cela. Â»

Un pâle sourire glissa sur les lèvres du capitaine, et ce fut tout.

« Au Nautilus Â», dit-il.

L'embarcation vola sur les flots. Quelques minutes plus tard, nous rencontrions le cadavre du requin qui flottait.

A la couleur noire marquant l'extrĂ©mitĂ© de ses nageoires, je reconnus le terrible mĂ©lanoptère de la mer des Indes, de l'espèce des requins proprement dits. Sa longueur dĂ©passait vingt-cinq pieds ; sa bouche Ă©norme occupait le tiers de son corps. C'Ă©tait un adulte, ce qui se voyait aux six rangĂ©es de dents, disposĂ©es en triangles isocèles sur la mâchoire supĂ©rieure.

Conseil le regardait avec un intérêt tout scientifique, et je suis sûr qu'il le rangeait, non sans raison, dans la classe des cartilagineux, ordre des chondroptérygiens à branchies fixes, famille des sélaciens, genre des squales.

Pendant que je considĂ©rais cette masse inerte, une douzaine de ces voraces mĂ©lanoptères apparut tout d'un coup autour de l'embarcation ; mais, sans se prĂ©occuper de nous, ils se jetèrent sur le cadavre et s'en disputèrent les lambeaux.

A huit heures et demie, nous Ă©tions de retour Ă  bord du Nautilus.

Là, je me pris à réfléchir sur les incidents de notre excursion au banc de Manaar. Deux observations s'en dégageaient inévitablement. L'une, portant sur l'audace sans pareille du capitaine Nemo, l'autre sur son dévouement pour un être humain, l'un des représentants de cette race qu'il fuyait sous les mers. Quoi qu'il en dît, cet homme étrange n'était pas parvenu encore à tuer son coeur tout entier.

Lorsque je lui fis cette observation, il me rĂ©pondit d'un ton lĂ©gèrement Ă©mu :

« Cet Indien, monsieur le professeur, c'est un habitant du pays des opprimĂ©s, et je suis encore, et, jusqu'Ă  mon dernier souffle, je serai de ce pays-lĂ  ! Â»

IV LA MER ROUGE

Pendant la journée du 29 janvier, l'île de Ceylan disparut sous l'horizon, et le Nautilus, avec une vitesse de vingt milles à l'heure, se glissa dans ce labyrinthe de canaux qui séparent les Maledives des Laquedives. Il rangea même l'île Kittan, terre d'origine madréporique, découverte par Vasco de Gama en 1499, et l'une des dix-neuf principales îles de cet archipel des Laquedives, situé entre 10° et 14°30' de latitude nord, et 69° et 50°72' de longitude est.

Nous avions fait alors seize mille deux cent vingt milles, ou sept mille cinq cents lieues depuis notre point de départ dans les mers du Japon.

Le lendemain 30 janvier - lorsque le Nautilus remonta à la surface de l'Océan, il n'avait plus aucune terre en vue. Il faisait route au nord-nord-ouest, et se dirigeait vers cette mer d'Oman, creusée entre l'Arabie et la péninsule indienne, qui sert de débouché au golfe Persique.

C'Ă©tait Ă©videmment une impasse, sans issue possible. OĂą nous conduisait donc le capitaine Nemo ? Je n'aurais pu le dire. Ce qui ne satisfit pas le Canadien, qui, ce jour-lĂ , me demanda oĂą nous allions.

« Nous allons, maĂ®tre Ned, oĂą nous conduit la fantaisie du capitaine.

— Cette fantaisie, répondit le Canadien, ne peut nous mener loin. Le golfe Persique n'a pas d'issue, et si nous y entrons, nous ne tarderons guère à revenir sur nos pas.

— Eh bien ! nous reviendrons, maĂ®tre Land, et si après le golfe Persique, le Nautilus veut visiter la mer Rouge, le dĂ©troit de Babel-Mandeb est toujours lĂ  pour lui livrer passage.

— Je ne vous apprendrai pas, monsieur, répondit Ned Land, que la mer Rouge est non moins fermée que le golfe, puisque l'isthme de Suez n'est pas encore percé, et, le fût-il, un bateau mystérieux comme le nôtre ne se hasarderait pas dans ses canaux coupés d'écluses. Donc, la mer Rouge n'est pas encore le chemin qui nous ramènera en Europe.

— Aussi, n'ai-je pas dit que nous reviendrions en Europe.

— Que supposez-vous donc ?

— Je suppose qu'après avoir visité ces curieux parages de l'Arabie et de l'Égypte, le Nautilus redescendra l'Océan indien, peut-être à travers le canal de Mozambique, peut-être au large des Mascareignes, de manière à gagner le cap de Bonne-Espérance.

Et une fois au cap de Bonne-EspĂ©rance ? demanda le Canadien avec une insistance toute particulière.

— Eh bien, nous pĂ©nĂ©trerons dans cet Atlantique que nous ne connaissons pas encore. Ah ça ! ami Ned, vous vous fatiguez donc de ce voyage sous les mers ? Vous vous blasez donc sur le spectacle incessamment variĂ© des merveilles sous-marines ? Pour mon compte, je verrai avec un extrĂŞme dĂ©pit finir ce voyage qu'il aura Ă©tĂ© donnĂ© Ă  si peu d'hommes de faire.

— Mais savez-vous, monsieur Aronnax, répondit le Canadien, que voilà bientôt trois mois que nous sommes emprisonnés à bord de ce Nautilus ?

— Non, Ned, je ne le sais pas, je ne veux pas le savoir, et je ne compte ni les jours, ni les heures.

— Mais la conclusion ?

— La conclusion viendra en son temps. D'ailleurs, nous n'y pouvons rien, et nous discutons inutilement. Si vous veniez me dire, mon brave Ned : « Une chance d'Ă©vasion nous est offerte Â», je la discuterais avec vous. Mais tel n'est pas le cas et, Ă  vous parler franchement, je ne crois pas que le capitaine Nemo s'aventure jamais dans les mers europĂ©ennes. Â»

Par ce court dialogue, on verra que, fanatique du Nautilus, j'étais incarné dans la peau de son commandant.

Quant Ă  Ned Land, il termina la conversation par ces mots, en forme de monologue : « Tout cela est bel et bon, mais, Ă  mon avis, oĂą il y a de la gĂŞne, il n'y a plus de plaisir. Â»

Pendant quatre jours, jusqu'au 3 février, le Nautilus visita la mer d'Oman, sous diverses vitesses et à diverses profondeurs. Il semblait marcher au hasard, comme s'il eût hésité sur la route à suivre, mais il ne dépassa jamais le tropique du Cancer.

En quittant cette mer, nous eûmes un instant connaissance de Mascate, la plus importante ville du pays d'Oman. J'admirai son aspect étrange, au milieu des noirs rochers qui l'entourent et sur lesquels se détachent en blanc ses maisons et ses forts. J'aperçus le dôme arrondi de ses mosquées, la pointe élégante de ses minarets, ses fraîches et verdoyantes terrasses. Mais ce ne fut qu'une vision, et le Nautilus s'enfonça bientôt sous les flots sombres de ces parages.

Puis, il prolongea à une distance de six milles les côtes arabiques du Mahrah et de l'Hadramant, et sa ligne ondulée de montagnes, relevée de quelques ruines anciennes. Le 5 février, nous donnions enfin dans le golfe d'Aden, véritable entonnoir introduit dans ce goulot de Babel-Mandeb, qui entonne les eaux indiennes dans la mer Rouge.

Le 6 février, le Nautilus flottait en vue d'Aden, perché sur un promontoire qu'un isthme étroit réunit au continent, sorte de Gibraltar inaccessible, dont les Anglais ont refait les fortifications, après s'en être emparés en 1839. J'entrevis les minarets octogones de cette ville qui fut autrefois l'entrepôt le plus riche et le plus commerçant de la côte, au dire de l'historien Edrisi.

Je croyais bien que le capitaine Nemo, parvenu Ă  ce point, allait revenir en arrière ; mais je me trompais, et, Ă  ma grande surprise, il n'en fut rien.

Le lendemain, 7 fĂ©vrier, nous embouquions le dĂ©troit de Babel-Mandeb, dont le nom veut dire en langue arabe : « la porte des Larmes Â». Sur vingt milles de large, il ne compte que cinquante-deux kilomètres de long, et pour le Nautilus lancĂ© Ă  toute vitesse, le franchir fut l'affaire d'une heure Ă  peine. Mais je ne vis rien, pas mĂŞme cette Ă®le de PĂ©rim, dont le gouvernement britannique a fortifiĂ© la position d'Aden. Trop de steamers anglais ou français des lignes de Suze Ă  Bombay, Ă  Calcutta, Ă  Melbourne, Ă  Bourbon, Ă  Maurice, sillonnaient cet Ă©troit passage, pour que le Nautilus tentât de s'y montrer. Aussi se tint-il prudemment entre deux eaux.

Enfin, Ă  midi, nous sillonnions les flots de la mer Rouge.

La mer Rouge, lac cĂ©lèbre des traditions bibliques, que les pluies ne rafraĂ®chissent guère, qu'aucun fleuve important n'arrose, qu'une excessive Ă©vaporation pompe incessamment et qui perd chaque annĂ©e une tranche liquide haute d'un mètre et demi ! Singulier golfe, qui, fermĂ© et dans les conditions d'un lac, serait peut-ĂŞtre entièrement dessĂ©chĂ© ; infĂ©rieur en ceci Ă  ses voisines la Caspienne ou l'Asphaltite, dont le niveau a seulement baissĂ© jusqu'au point oĂą leur Ă©vaporation a prĂ©cisĂ©ment Ă©galĂ© la somme des eaux reçues dans leur sein.

Cette mer Rouge a deux mille six cents kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de deux cent quarante. Au temps des Ptolémées et des empereurs romains, elle fut la grande artère commerciale du monde, et le percement de l'isthme lui rendra cette antique importance que les railways de Suez ont déjà ramenée en partie.

Je ne voulus même pas chercher à comprendre ce caprice du capitaine Nemo qui pouvait le décider à nous entraîner dans ce golfe. Mais j'approuvai sans réserve le Nautilus d'y être entré. Il prit une allure moyenne, tantôt se tenant à la surface, tantôt plongeant pour éviter quelque navire, et je pus observer ainsi le dedans et le dessus de cette mer si curieuse.

Le 8 février, dès les premières heures du jour, Moka nous apparut, ville maintenant ruinée, dont les murailles tombent au seul bruit du canon, et qu'abritent çà et là quelques dattiers verdoyants. Cité importante, autrefois, qui renfermait six marchés publics, vingt-six mosquées, et à laquelle ses murs, défendus par quatorze forts, faisaient une ceinture de trois kilomètres.

Puis, le Nautilus se rapprocha des rivages africains où la profondeur de la mer est plus considérable. Là, entre deux eaux d'une limpidité de cristal, par les panneaux ouverts, il nous permit de contempler d'admirables buissons de coraux éclatants, et de vastes pans de rochers revêtus d'une splendide

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