Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
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- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Se Reproduisent Dans Les Lettres Et Dans Les Vers De Sa Soeur. Ces Deux
Femmes Idolâtrent Ce Roi De Leur Sang Dont Elles Sont Glorieuses; Elles
Débordent Sitôt Qu'elles Parlent De Lui. La Mère Écrit À Son Fils Captif
Comme Madame De Sévigné À Sa Fille Absente: «A Ceste Heure... Je Cuyde
Sentir En Moy-Mesme Que Vous Seuffrez.» Marguerite Se Représente Aussi
Comme Une Autre Mère Pour Ce Frère Bien-Aimé, Quoiqu'elle N'ait Que Deux
Ans Plus Que Lui; Et, Le Revoyant Après Une Séparation, Elle Croit Lire
Dans Son Seul Regard Toute Une Tendre Allocution, Qu'elle Se Traduit De
La Sorte À Elle-Même:
........«C'est Celluy Que D'enfance
Tu As Veu Tien, Tu Le Voys Et Verras;
Ainsy L'a Creu Et Le Croys Et Croirras.
Ne Crains Donc, Soeur, Par Crainte Ne Diffère;
Je Suis Ton Roy, Aussy Je Suis Ton Frère.
Frère Et Petit N'as Craint De Me Tenir
Entre Tes Bras; Ne Crains Donc De Venir
Entre Les Miens, Qui Suis Grand Et Ton Roy:
Car En Croissant Croist Mon Amour En Moy.»
Ainsy Parla L'oeil Plain De Charité,
Et Voz Deux Bras Dirent: C'est Veritté[17].
Un Éditeur Instruit[18], Qui, Dans Un Premier Travail, Avait Jugé Fort
Sainement, Selon Nous, De Marguerite, A Cru Devoir Revenir Sur Ce
Jugement Dans Une Seconde Publication, Et Il A Été Conduit Par Une
Interprétation Laborieuse À Dénoncer Dans Le Coeur De Cette Princesse Je
Ne Sais Quel Sentiment Fatal Et Mystérieux, Dont Son Frère Aurait Été
L'objet. Mais La Lettre Qui, Par Ses Termes Obscurs, Avait Fourni
Matière À L'équivoque, A Été Depuis Lors Éclaircie, Rapportée À Sa
Vraie Date, Et Une Explication Naturelle L'a Replacée Au Nombre Des
Témoignages De Dévouement Que Marguerite Prodigua À Son Frère Durant Sa
Captivité. Cette Lettre N'offre Rien D'ailleurs De Plus Expressif Que Ce
Qu'on Lit En Maint Endroit Du Présent _Recueil_:
O Quelle Amour! Et Qui Jamais L'eust Creue!
Qui En Absence Est Augmentée Et Creue;
Là Où Jamais Changement N'ay Trouvé;
Tel Vous Ay Creu, Tel Vous Ay Éprouvé[19]!
Dans Un Voyage Qu'elle Faisait En Litière Durant La Semaine Sainte De
1547, Accourant En Toute Hâte Auprès De Son Frère Malade, Marguerite
Accusait La Lenteur Du Transport, Et, Dans Une Chanson Composée Le Long
Du Chemin, Elle S'écriait D'un Bond De Coeur Impétueux:
Avancés-Vous, Hommes, Chevaulx,
Asseurés-Moi, Je Vous Supplye,
[Note 17: Page 183.]
[Note 18: M. Génin. Il Faut Ajouter Qu'il Porta Dans Ses
Tergiversations Et Toute Sa Discussion Sur Marguerite Une Passion
Singulière Et Cette Humeur Acariâtre Qui Lui Était Habituelle.]
[Note 19: Page 185.]
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 44
Que Nostre Roy, Pour Ses Grands Maulx,
A Receu Santé Accomplie:
Lors Seray De Joye Remplye.
Las! Seigneur Dieu, Esveillés-Vous,
Et Vostre Oeil Sa Doulceur Desplye,
Saulvant Vostre Christ Et Nous Tous[20]!
De Telles Expressions De Mysticité Se Mêlent Perpétuellement À La
Profession De Sa Tendresse Pour Son Frère. Il Faut Y Faire La Part
Du Goût, Et Puis Reconnaître Aussi Que, Pour Marguerite, C'était Une
Dévotion Réellement Que L'affection Fraternelle. Comme Mouvement Bien
Sincère De Piété Non Moins Que De Poésie, Je Signalerai Un Très-Bel Et
Très-Vif Élan De Prière À Dieu, Père De Christ (Page 181); Le Jet De
L'oraison S'y Soutient D'un Bout À L'autre; C'est Un Curieux Exemple De
Verve Puritaine À Cette Époque.
Après Cela, Si L'on S'étonnait, Si L'on Souriait Encore De Voir Cette
Marguerite Si Fort En Contraste Avec La Première Idée Qu'on Se Fait
De L'auteur Des _Contes Et Nouvelles_, Nous Répondrions Que Notre
Impression Ne S'est Formée Que Sur La Lecture Des Pièces Qui Attestent
La Suite Sérieuse De Ses Pensées. Nous N'ignorons Pas Que Les Plus
Confidentielles Même De Ces Pièces Écrites Ne Disent Jamais Tout; Nous
Savons Que Le Xvie Siècle Particulièrement Avait Ses Grossièretés, Et
Que Le Coeur Humain A, De Tout Temps, Allié Bien Des Contraires.
Il Serait Donc Téméraire Et Presque Ridicule De Venir Répondre De
L'ensemble D'une Vie Et D'en Garantir Après Coup Les Accidents. Qu'il
Suffise D'avoir Saisi La Teneur Et L'habitude Élevée D'une Âme Durant
Les Longues Et Définitives Années[21].
[Note 20: Page 58.]
[Note 21: Parmi Les Publications De Date Postérieure Concernant
Marguerite, Je Veux Au Moins Indiquer Celle Du Comte H. De La
Ferrière-Percy, Qui Nous A Donné Le _Livre De Dépenses_ De La Digne
Reine,--Dépenses Des Plus Honorables, Des Plus Généreuses,--Et Une
_Étude Sur Ses Dernières Années_ (Paris, Aubry, 1862). Tout Examen Un
Peu Approfondi Tourne En L'honneur De La Bonne Et Belle Nature De Cette
Princesse.]
Le _Recueil_ Publié Par M. Champollion Donne, À La Suite Des Vers, Une
Soixantaine De Lettres En Prose, Écrites Par François Ier Ou À Lui
Adressées, Et Presque Toutes De Galanterie. Une Note En Marge D'un
Manuscrit Attribue Plusieurs De Ces Lettres À Diane De Poitiers. M.
Champollion, En Reproduisant Ce Nom De Diane, Est Le Premier À Faire
Remarquer Que La Supposition Offre Peu De Certitude Et De Vraisemblance.
Il N'y En A Aucune En Effet; Diane N'a Jamais Passé Pour Être Avec
François Ier Dans De Telles Relations. De Plus, Les Lettres De La
Maîtresse Anonyme Trahissent Une Situation Menacée; Il Y Est Question De
Haines, De Calomnies. On Sent Une Favorite Dont L'astre Baisse; Et Celui
De Diane Montait Au Contraire. Ces Lettres Contiennent, Au Reste, Assez
D'indications Indirectes Pour Qu'en S'y Appliquant On Ait Le Moyen
Peut-Être D'en Déterminer La Source. Mais En Valent-Elles La Peine?
Comme Échantillon Du Style Bizarre Et Alambiqué, Je Citerai Une Lettre
De François Ier, Que Le _Recueil_ Met À L'adresse De La Duchesse
D'alençon, C'est-À-Dire De Marguerite. Comprenne Qui Pourra Ce Jargon.
L'hôtel Rambouillet N'a Pas Inventé, Comme On Va Le Voir, Le Style Des
Précieuses:
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 45
«Un Chascun Se Sçait Esjouir, Ma Mignonne, De Son Ayse; Mais Celuy
Qui L'a, A Tant Forte Querelle, Qu'elle A Anticippé Et Occuppé Toute
Demonstration, Si Qu'il Se Peult Dire Le Sentir Parfaictement. Par
Quoy, Puisque Par Cette Raison Je Ne Puis, Encores Moins Doibs-Je
Faire Tant D'injure À Ma Felicité Que De L'obliger Et Soubsmettre À
La Foiblesse De Ma Pleume. Seullement Le Peult Sçavoir Vostre Esprit
Et Amour Pour Estre Perpetuellement Escripte Au Pappier De Vostre
Chair, Par L'ancre De Vostre Sang; Commung À Vous C. A.[22].»
[Note 22: Je Donne Le Texte De Cette Lettre D'après Le Manuscrit
De M. Cigongne, Non Que Ce Texte Soit Plus Intelligible Que Celui Du
_Recueil_ Imprimé, Mais Parce Qu'il En Diffère Assez Notablement. Les
Curieux, S'il En Est, Pourront Comparer Ensemble Les Deux Galimatias.]
Les _Poésies_ De François Ier, Fort Louées De Son Vivant, Rentrèrent
Dans L'obscurité Après Lui; Elles Y Restèrent, Et Personne Alors Ne
Songea À Les Publier. M. Champollion A Relevé Cet Oubli, Qui Tient À
Plus D'une Cause. D'abord Ces Poésies, En Général, Sont Décidément
Mauvaises, Et Les Contemporains Se Doutent Toujours Bien Un Peu De
Ces Choses-Là, Même Quand Ils Ne Le Disent Pas. Puis Le Goût Changea
Brusquement À La Mort De François Ier. Les Beaux Esprits De Sa
Génération, Les Marot, Les Bonaventure Des Periers, L'avaient Précédé
Dans La Tombe; Sa Soeur Marguerite Le Suivit De Près. Le Seul Mellin
De Saint-Gelais Survécut, Mais Il Avait Assez À Faire De Se Maintenir
Lui-Même Contre Le Flot Des Poëtes Survenants. Dans Les Dernières Années
De François Ier, L'influence De Marguerite, Celle Même De La Duchesse
D'étampes, Favorisaient À La Cour Une Sorte De Poésie Semi-Calviniste;
Les Courtisans Chantaient Les Psaumes De Marot; Diane De Poitiers, En
Arrivant À La Pleine Puissance, Désira D'autres Chansons, Et Le Cardinal
De Lorraine, Bon Catholique, Fut De Son Avis. La Jeune École Païenne De
Ronsard S'offrait, Et Elle Leur Convint D'autant Mieux Par Le Contraste.
Henri Ii Personnellement Aimait Peu Les Lettres, Et Il Est À Cet Égard
Le Plus Terne De Tous Les Valois; Mais Sa Soeur, La Seconde Marguerite,
Qui Devint Duchesse De Savoie, Se Déclara Hautement Protectrice De
La Jeune Bande. Le Passé Fut Rayé D'un Trait Et Comme Non Avenu. Les
_Poésies_ De François Ier Eussent Reparu Assez Hors De Propos En Cette
Ère Nouvelle. On Mit En Oubli Bien D'autres Productions De La Veille
Plus Dignes De Survivre, Et Dans Un Recueil Des _Marguerites Poétiques_,
Espèce D'anthologie Finale Qui Résume La Fleur Du Xvie Siècle[23], Je Ne
Vois Point Qu'à L'article Roses On Ait Daigné Se Souvenir De Cette Pièce
Si Gracieuse De Bonaventure Des Periers. La Seconde Moitié Du Siècle
Écrasa La Première.
[Note 23: _Les Marguerites Poétiques, Tirées Des Plus Fameux Poëtes
François, Tant Anciens Que Modernes_, Par Esprit Aubert, 1613.]
Aujourd'hui On Doit Des Remerciements À M. Aimé Champollion, Pour Avoir
Exhumé Et Mis Au Jour Cet Ensemble Des Royales Poésies. Historiquement,
Je L'ai Dit, Elles Ont Leur Intérêt Et Même Leur Importance; Au Point De
Vue Littéraire, Je Doute Fort Qu'elles Ajoutent Beaucoup À La Réputation
De François Ier. La Discrétion, Le Choix, C'est Là Le Secret De
L'agrément En Littérature, Et L'esprit Qui Préside Aux Informations
Historiques Obéit À Des Conditions Différentes. Le Moment Serait
Pourtant Venu, Je Le Crois, De Dresser Une Anthologie Française
Véritable, Et D'y Apporter À La Fois La Sévérité De L'érudition Et Celle
Du Goût. Il Y Aurait Avant Tout À Faire Un Travail Philologique De
Révision; Car Il Est Incroyable À Quel Point Les Textes De Ces Vieilles
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 46Poésies Se Sont Corrompus; L'incorrection Des Copies Ou Des Impressions
S'est Ajoutée À Celle De La Langue Pour Embrouiller Le Sens De Certaines
Pièces, Qui, Bien Rétablies, Pourraient Paraître Ingénieuses. Nos
_Analecta_ Auraient Besoin Par Moments De La Sagacité D'un Brunck Ou
D'un Jacobs; Mais Des Esprits De Cette Trempe Ne Croiraient-Ils Pas S'y
Rabaisser? Quoi Qu'il En Soit, Une Honnête Mesure D'exactitude Et De
Finesse Suffirait À L'oeuvre. En Ce Qui Est Du Xvie Siècle, On Ne
Saurait Se Flatter, Dans Une Telle Anthologie, D'édifier Un Temple Du
Goût, Mais On Y Figurerait Très-Bien Un Temple De La Grâce. Chaque
Auteur Y Entrerait, Selon Son Rang, Avec Un Bagage Très-Allégé. Pour Le
Choix Du Bagage, On Devrait Être Rigoureux, Mais Avec Tact, Et Ne Pas
Imiter Ce Compilateur[24] Qui, En Introduisant Rémi Belleau, N'eut
D'autre Soin Que D'omettre La Pièce D'_Avril_, Précisément La Perle Du
Vieux Poëte; Il Y A Des Faiseurs De Bouquets Qui Ont La Main Heureuse!
Dans Un Tel Temple De La Grâce, Marot Présiderait Le Groupe Entier De
Ses Contemporains Pour Le Règne De François Ier; Louise Labé, À Côté De
Lui, Tiendrait La Guirlande, Au-Dessus Même De Marguerite. Bonaventure
Des Periers N'y Entrerait Qu'avec Une Seule
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