Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
Read free book «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕» - read online or download for free at americanlibrarybooks.com
- Author: C.-A. Sainte-Beuve
Read book online «Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕». Author - C.-A. Sainte-Beuve
Car Tu Sçaiz Bien Qu'en Grande Adversité
Le Recorder Donne Commodité
D'aulcun Repoz, Comptant À Ses Amys
Le Desplaisir En Quoy L'on Est Soubmys.
On Ne Lui Reprochera Point D'ailleurs De Surfaire Le Mérite De Son
Oeuvre; Dans Cette Même Épître, Il Commence En Parlant Bien Modestement
De Son _Escript_ Et De Cette Idée Qu'il A Eue De
Cuider Coucher En Finy Vers Et Mectre
Ung Infiny Vouloir Soubz Maulvais Mettre.
L'aveu Modeste N'est Ici Que L'expression D'une Rigoureuse Vérité: Il
Serait Difficile, En Effet, De _Coucher_ Ses Pensées En Plus _Mauvais
Mètre_. L'épître Se Peut Dire Une Gazette En Vers De La Force De Tant De
Chroniques Rimées Qui Avaient Cours Alors, Et Dont, Au Siècle Suivant,
La _Muse Historique_ De Loret A Été La Dernière. A Titre De Témoignage
Officiel, Elle A Du Prix. M. A. Champollion, Dans Le Volume Qu'il A
Publié Sur La _Captivité De François Ier_[7], S'en Est Utilement Servi
Pour Rétablir Le Vrai Sur Quelques Particularités Contestées; Mais, Au
Point De Vue Littéraire, Que Pourrait-On Dire En Présence D'une Enfilade
De Vers Comme Ceux-Ci:
De Toutes Pars Lors Despouillé Je Fuz,
Mays Deffendre N'y Servit Ne Reffuz;
Et La Manche De Moy Tant Estimée
Par Lourde Main Fut Toute Despecée.
Las! Quel Regret En Mon Cueur Fut Bouté!
On Se Rappelle Involontairement La Belle Lettre, De Dix Ans Antérieure,
Que Le Roi Écrivait À Sa Mère Au Lendemain De Marignan, Et Dans
Laquelle Respire L'ardeur De La Mêlée. La Teneur En Est Simple Et Toute
Militaire; Les Traits Mâles, Énergiques, Rapides, Y Naissent Du Récit:
«Et Tout Bien Débattu, Depuis Deux Mille Ans En Ça N'a Point, Été
Vue Une Si Fière Ni Si Cruelle Bataille, Ainsi Que Disent Ceux De
Ravennes, Que Ce Ne Fut Au Prix Qu'un Tiercelet. Madame, Le Sénéchal
D'armagnac Avec Son Artillerie Ose Bien Dire Qu'il A Été Cause
En Partie Du Gain De La Bataille, Car Jamais Homme N'en Servit
Mieux.... Le Prince De Talmond Est Fort Blessé, Et Vous Veux Encore
Assurer Que Mon Frère Le Connétable Et M. De Saint-Pol Ont Aussi
Bien Rompu Bois Que Gentilshommes De La Compagnie, Quels Qu'ils
Soient; Et De Ce J'en Parle Comme Celui Qui L'a Vu, Car Ils Ne
S'épargnoient Non Plus Que Sangliers Échauffés.»
Marignan Était Plus Fait, Sans Doute, Pour Inspirer La Verve Que Pavie
Avec Ses Fers. Mais, Dans Le Dernier Cas, L'extrême Infériorité Du Ton
Tient Surtout À Une Autre Espèce D'entraves. Toujours, Comme On Sait,
La Prose Française Eut Le Pas Sur Les Vers, Et Il Y A Entre Les Deux
Épîtres De François Ier Précisément La Même Distance Qu'entre Une Page
De Villehardouin Et N'importe Quelle Chronique Rimée Du Même Temps.
[Note 7: Collection Des Documents Historiques.]
Il Ne Suffirait Pas De Se Rejeter Sur L'état De La Poésie Française, À
Cette Date Du Règne De François Ier, Pour Expliquer Uniquement Par Cette
Imperfection Générale Les Singulières Faiblesses Et Le Rocailleux Plus
Qu'ordinaire De La Veine Royale. Sans Doute, La Poésie Alors Était Fort
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 34Mêlée, Et Confuse; Pourtant, Dès Qu'un Vrai Talent Se Rencontre, Il Sait
Se Faire Sentir, Et Lorsqu'à Travers Les Pièces De François Ier Il S'en
Glisse Quelqu'une De Marot, De Mellin De Saint-Gelais, Ou Même De La
Reine Marguerite, Le Ton Change Notablement, Le Courant Vous Porte, Et
L'on Est À L'instant Averti. Une Grande Part Du Mauvais Appartient Donc
Bien En Propre À La Facture Du Maître, Lequel N'était Ici Qu'un Écolier.
Ce Ne Serait Certes Pas Sa Soeur Marguerite Qui, Au Milieu D'une Prière
En Vers Adressée Au Crucifix, S'aviserait De Dire:
O Seur! Oyez Que Respond Ce Pendu!
Le Xvie Siècle, Même Chez Les Poëles En Renom, Est Trop Habituellement
Sujet À Ces Accidents Fâcheux Qui Gâtent Et, Pour Ainsi Dire, Salissent
Les Intentions Les Meilleures; Mais Là Encore Il Y A Des Degrés, Et Les
Vers De François Restent Trop Souvent Hors De Toutes Limites. Si On
N'avait De Ce Prince Que Les Longues Épîtres Et Les Pièces De Quelque
Étendue Ou Même Les Rondeaux, On Serait Forcé, Sur Ce Point, De Donner
Raison Contre Lui À Roederer, Qui S'est Attaché À Le Dénigrer En Tout.
Hâtons-Nous De Reconnaître Qu'il Y A Dans Le _Recueil_ Quelques
Agréables Exceptions; Il Y En A Même D'assez Heureuses Pour Faire Naître
Une Idée Qu'on Ne Saurait Tout À Fait Dissimuler. Quand On Lit De
Suite Et Tout D'une Haleine Cette Série D'épîtres Plates, De Rondeaux
Alambiqués Et Amphigouriques, Et Qu'on Tombe Sur Quelque Dizain Vif
Et Bien Tourné, On Est Surpris, On Est Réjoui; Mais Il Arrive Le Plus
Souvent Que L'éditeur Est Oblige De Nous Avertir Qu'il Se Rencontre
Quelque Chose De Pareil Dans Les Oeuvres De Marot Ou De Saint-Gelais. On
Est Induit Alors, Même Quand Le Dizain En Question Ne Se Retrouve Pas
Chez Ces Poëtes, À Soupçonner Que Ceux-Ci Pourraient Bien N'y Pas Être
Étrangers. En Un Mot, On Est Tenté De Mettre Le Petit Nombre De Bons
Vers Du Roi Sur Le Compte Du Valet De Chambre Favori, Ou Plutôt Encore
Sur La Conscience De L'aumônier-Bibliothécaire (Saint-Gelais), Qui S'y
Trouve Mêlé Si Fréquemment.
Il M'a Toujours Semblé Que Ce Serait Le Sujet Intéressant D'un Petit
Mémoire Que D'examiner À Part Le Groupe Des _Poëtes Rois_ Et _Princes
Au Xvie Siècle_: François Ier Et Sa Soeur Marguerite, Les Deux Autres
Marguerite, Jeanne D'albret, Marie Stuart, Charles Ix, Henri Iv Enfin;
Car Tous Ont Fait Des Vers, Au Moins Des Chansons. Mais Il Y Aurait À
Discuter De Près, À Démêler Le Degré D'authenticité De Certaines Pièces
Qui Ont Couru Sous Leur Nom. Brantôme, Qui Parle Avec De Grands Éloges
Du Talent Poétique De La Reine D'écosse, Nous Apprend Qu'on Lui
Attribuait Déjà, Dans Le Temps, Des Vers Qui Ne Ressemblaient Nullement
À Ceux De L'aimable Auteur, Et Qui, Selon Lui, Ne Les Valaient Pas. «Ils
Sont Trop Grossiers Et Mal Polis, Disait-Il, Pour Estre Sortis De Sa
Belle Boutique.» Depuis Lors On A Paré À Ce Genre D'objection, Et C'est
Plutôt Le Trop De Poli Qui Rend Aujourd'hui Suspecte La Prétendue
Relique D'autrefois. Au Xviiie Siècle, Il Se Glissa Plus D'un Pastiche
Dans Ces Recueils Et _Annales Poétiques_ Dont Les Rédacteurs Étaient
Eux-Mêmes Faiseurs Et Peu Scrupuleux. M. De Querlon Assurait L'abbé De
Saint-Léger Que La Chanson De Marie Stuart À Bord Du Vaisseau (_Adieu,
Plaisant Pays De France_) Était De Lui. Les Beaux Vers De Charles Ix
À Ronsard Qui Sont Partout (_L'art De Faire Des Vers, Dût-On S'en
Indigner_...), Où Se Trouvent-Ils Cités Pour La Première Fois? Où
Voit-On Apparaître D'abord Les Couplets D'henri Iv Sur _Gabrielle_ Et Sa
Chanson À _L'aurore_[8] On A Là Toute Une Série De Petites Questions En
Perspective. Les Autographes Imprévus Et Tardifs (Ils Semblent Sortir De
Dessous Terre Aujourd'hui), S'il S'eu Produisait À L'appui Des Imprimés,
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 35Devraient Être Eux-Mêmes Soumis À Examen. Puis, Quand La Source
Originale Serait Sûrement Atteinte, On Aurait À Discuter Encore Le Degré
De Confiance Qu'on Peut Accorder En Pareil Cas Aux Royales Signatures;
Car Ces Princes Et Princesses Avaient Tout Le Long Du Jour À Leur Côté;
Entendant À Demi-Mot, Valets De Chambre, Aumôniers Et Secrétaires, Tous
Gens D'esprit Et Du Métier. Les Bonaventure Des Periers, Les Marot, Les
Saint-Gelais, Les Amyot, Étaient En Mesure De Prêter Plus D'un Trait À
Un Canevas Auguste, Et De Mettre La Main À La Demande En Même Temps Qu'à
La Réponse. Je Ne Sais Plus Quelle Dame De La Cour D'henri Iii Disait
À Des Portes, En Lui Demandant De La Faire Parler En Vers, _Qu'elle
Envoyait Ses Pensées Au Rimeur_. On Sait Positivement Que C'était Là
L'usage De La Spirituelle Marguerite, Femme D'henri Iv. Son Secrétaire
Maynard La Faisait Parler En Vers Tendres Et Passionnés, Et Lui-Même,
Dans Sa Vieillesse, A Trahi Le Secret Lorsqu'il A Dit:
L'âge Affoiblit Mon Discours,
Et Cette Fougue Me Quitte,
Dont Je Chantois Les Amours
De La Reine Marguerite.
[Note 8: Dans Une _Notice Sur Un Recueil_ Manuscrit _D'anciennes
Chansons Françaises_, M. Willems De Gand Indique Qu'il Y A Trouvé Le
Fameux Couplet:
Cruelle Départie,
Malheureux Jour! Etc., Etc.
Il En Conclut Que Henri Iv Avait Pris Ce Refrain À Quelque Chanson Déjà
En Vogue (Voir Le Tome Xi, No 6, Des Bulletins De L'académie Royale De
Bruxelles).]
Au Xviiie Siècle, N'est-Ce Pas Ainsi Encore Qu'on Voit La Duchesse
Du Maine, Dans Ses Joutes De Bel Esprit Avec La Motte, Lui Lancer
À L'occasion Quelque Madrigal Qu'elle S'était Fait Rimer Par
Sainte-Aulaire, Par Mlle De Launay Ou Tel Autre Poëte Ordinaire De Sa
Petite Cour? On Conçoit Donc Qu'il Y Aurait Dans Ce Sujet Matière À Une
Discussion Délicate, Et Qu'on En Pourrait Faire Un Piquant Chapitre Qui
Traverserait L'histoire Littéraire Du Xvie Siècle. Mais, Dans Aucun Cas,
Il N'y Aurait À En Tirer De Conclusion Sévère Et Maussade Contre Les
Charmants Esprits De Ces Rois Et Reines, Amateurs Des Muses. L'honneur
De Leur Suzeraineté, De Leur Coopération Intelligente Et Gracieuse,
Resterait Hors De Cause; Seulement La Part Du Métier Reviendrait À Qui
De Droit.
Tant Que François Ier Fut Prisonnier En Espagne, Il Composa
Incontestablement Sans Secours Et Sans Aide De Longues Épîtres Non Moins
Ennuyeuses Qu'ennuyées; À Sa Rentrée En France, Ses Vers Prirent Plus De
Vivacité, Et La Joie Du Retour, Sans Doute Aussi Le Voisinage Des Bons
Poëtes, L'inspira Mieux. Gaillard, Qui Avait Feuilleté En Manuscrit
Les _Poésies_ Du Prince, A Noté Avec Sens Les Meilleurs Vers Qu'on Y
Distingue. Je Ne Rappellerai Que Ce Couplet D'une Ballade, Qui Gagne À
Être Isolé Des Couplets Suivants; Pris À Part, C'est Un Dizain Des Plus
Frais Et Des Plus Vifs; On Dirait Que Le Rayon Matinal Y A Touché:
Estant Seullet Auprès D'une Fenestre
Par Ung Matin, Comme Le Jour Poignoit,
Je Regarday Aurore, À Main Senestre,
Qui À Phebus Le Chemyn Enseignoit.
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 36Son Chef Doré, Et Viz Sez Luysans Yeulx,
Dont Me Gecta Ung Traict Si Gracieulx,
Qu'à Haulte Voix Je Fuz Contrainct De Dire:
Dieux Immortelz! Rentrez Dedans Vos Cieulx,
Car La Beaulté De Ceste Vous Empire.
Je Retourne Le Feuillet, Et Je Lis À La Page Suivante Cet Autre Dizain,
Non Moins Égayé, Mais Qui Est De Marot:
May Bien Vestu D'habit Reverdissant,
Semé De Fleurs, Ung Jour Se Mist En Place,
Et Quant M'amye Il Vit Tant Florissant,
De Grand Despit Rougist Sa Verte Face,
Comments (0)