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De Sa Mère, Qui Captivait Au Premier Instant Et Gagnait Aussitôt

Les Coeurs. Elle Avait Traversé La Révolution Encore Fort Jeune; Elle

Était Moins Femme De Cour. Mme D'abzac, Sa Soeur Aînée, Morte À Quarante

Ans Dans Notre Petit Saint-Yrieix, Vers L'époque, Je Crois, Du Consulat,

Était D'une Si Prodigieuse Beauté, Que Bien Peu De Temps Avant Sa Mort,

Alors Qu'elle Était Hydropique, On S'arrêtait Pour L'admirer Lorsqu'on

Pouvait L'apercevoir. Je N'ai Vu D'elle Que Ses Portraits: C'est L'idéal

De La Beauté.» Voilà Une Partie Des Réparations Que Je Devais À La

Vérité; J'en Ai D'autres À Faire Encore Au Sujet Du Portrait Et Des

Sentiments. «Jamais, Me Dit Le Même Témoin Si Bien Informé, Jamais La

Famille De Bonneval N'a Renié Mlle Aïssé... En Recueillant Mes

Souvenirs D'enfance, Je Reste Persuadée Que Sa Mémoire Était Chère À

Sa Petite-Fille. Ce Fut Elle Qui Prêta Ses Lettres À Mon Père, Et Son

Portrait, Bien Loin D'être Relégué Au _Grenier_, Resta Dans Le Salon Ou

La Galerie De Bonneval, Jusqu'au Moment Où Cette Belle Terre Fut Vendue

À Un Parent D'une Autre Branche. Celui-Ci Se Réserva Les Portraits Des

Ancêtres, Et Les Plus Notables De La Branche Aînée; Il Eut Celui Du

Pacha, Celui Même De Marguerite De Foix, Grande Alliance Royale Des

Bonneval Au Xve Siècle, Tandis Que La Belle Aïssé, Moins Historique,

Suivit Son Arrière-Petit-Fils À Guéret Où Elle Était, Je Pense, Bien

Affligée De Se Trouver.» Si De Guéret Le Portrait Passa Depuis À La

Campagne, Ce Fut Pour Être Placé, Non Dans Un Salon, Il Est Vrai, Mais

Dans Une Chambre À Coucher Avec D'autres Tableaux Précieux. Je Pourrais

Ajouter Plus D'une Particularité Encore, Toujours Dans Le Même Sens,

Notamment Le Témoignage Que Je Reçois De M. Tenant De Latour, Père De

Notre Ami Le Poète Antoine De Latour: Jeune, À L'occasion Du Portrait,

Il Eut Une Longue Conversation Sur Mlle Aïssé Avec Mme De Calignon, Qui

S'y Prêta D'elle-Même. Enfin Les Lettres De La Marquise De Créquy Que

Nous Donnons Au Public Pour La Première Fois, Et Dont Nous Devons

Communication À La Parfaite Obligeance De La Famille De Bonneval,

Prouvent Assez Que Mme De Nanthia Ne Répugnait Point Au Souvenir De Sa

Mère, Et Que Son Coeur S'ouvrait Sans Effort Pour S'entretenir D'elle

Avec Les Personnes Qui L'avaient Connue.

 

Cela Dit, Et Cette Justice Rendue À Une Noble Et Gracieuse Descendance

Au Profit De Laquelle Nous Sommes Heureux De Nous Trouver En Partie

Déshérités, On Nous Accordera Pourtant D'oser Maintenir Et De Répéter

Ici Notre Conclusion Première; Car, Comme L'a Dit Dès Longtemps Le

Poète, À Quoi Bon Tant Questionner Sur La Race? «Telle Est La Génération

Des Feuilles Dans Les Forêts, Telle Aussi Celle Des Mortels. Parmi Les

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 95

Feuilles, Le Vent Verse Les Unes À Terre, Et La Forêt Verdoyante Fait

Pousser Les Autres Sitôt Que Revient La Saison Du Printemps: C'est Ainsi

Que Les Races Des Hommes Tantôt Fleurissent, Et Tantôt Finissent [102].»

Tenons-Nous À Ce Qui Ne Meurt Pas.

 

[Note 102: _Iliade_, Liv. Vi, 146. Ces Admirables Paroles D'homère

Devraient S'inscrire Comme Devise En Tête De Toutes Les Généalogies.]

 

Il En Est Des Amants Comme Des Poëtes, Ils Ont Surtout Une Famille, Tous

Ceux Qui, Venus Après Eux, Les Sentent, Tous Ceux Qui, Ne Les Jugeant

Qu'à Leurs Flammes, Les Envient. Le Jeune Homme À Qui Ses Passions Font

Trêve Et Donnent Le Goût De S'éprendre Des Douces Histoires D'autrefois,

La Jeune Femme Dont Ces Fantômes Adorés Caressent Les Rêves, Le Sage

Dont Ils Reviennent Charmer Ou Troubler Les Regrets, Le Studieux

Peut-Être Et Le Curieux Que Sa Sensibilité Aussi Dirige, Eux Tous, Sans

Oublier L'éditeur Modeste, Attentif À Recueillir Les Vestiges Et À

Réparer Les Moindres Débris, Voilà Encore Le Cortège Le Plus Véritable,

Voilà La Postérité La Plus Assurée Et Non Certes La Moins Légitime Des

Poétiques Amants. Elle N'a Point Manqué Jusqu'ici À L'ombre Aimable

D'aïssé, Et Chaque Jour Elle Se Perpétue En Silence. Son Petit Volume

Est Un De Ceux Qui Ont Leurs Fidèles Et Qu'on Relit De Temps En Temps,

Même Avant De L'avoir Oublié. C'est Une De Ces Lectures Que Volontiers

On Conseille Et L'on Procure Aux Personnes Qu'on Aime, À Tout Ce Qui Est

Digne D'apprécier Ce Touchant Mélange D'abandon Et De Pureté Dans La

Tendresse, Et De Sentir Le Besoin D'une Règle Jusqu'au Sein Du Bonheur.

 

 

Notes

 

[Note A: Dans Une Lettre À M. Du Lignon, Datée De Soleure, Octobre

1712, Jean-Baptiste S'était Justifié De L'imputation En Ces Termes: «...

Pour L'ode Qu'on A Eu La Méchanceté D'appliquer À Mme De Ferriol, Pour

Me Brouiller Avec La Meilleure Amie Et La Plus Vertueuse Femme En Tout

Sens Que Je Connoisse Dans Le Monde, Vous Savez Ce Que J'ai Eu L'honneur

De Vous Écrire. Toutes Les Calomnies Dont Mes Ennemis M'ont Chargé Ne

M'ont Point Touché En Comparaison De Celle-Là. Cette Dame, À Qui J'ai

Des Obligations Infinies, Sait Heureusement La Vérité, Et Je N'ai Rien

Perdu Dans Son Estime. Quand Je Fis Cette Ode, Je Ne La Connoissois Pas,

Et Elle Ne Connoissoit Pas Le Maréchal D'uxelles. Cette Petite Pièce A

Couru Le Monde Plus De Dix Ans Avant Qu'on S'avisât D'en Faire Aucune

Application. C'est Une Galanterie Imitée D'horace, Qui Avoit Rapport

À Une Aventure Où J'étois Intéressé; Et Les Personnages Dont Il Y Est

Question Ne Sont Guère Plus Connus Dans Le Monde Que La Lydie Et Le

Télèphe De L'original. Je L'avois Fait Imprimer, Et J'en Ai Encore

Chez Moi Les Feuilles, Que Je N'ai Supprimées Que Depuis Que J'ai Su

L'outrage Qu'on Faisoit, À L'occasion De Cet Ouvrage, Aux Deux Personnes

Du Monde Que J'honore Le Plus. Il Y A Deux Mille Femmes Dans Paris À Qui

Elle Pourroit Être Justement Appliquée, Et L'imposture A Choisi Celle Du

Monde À Qui Elle Convient Le Moins.»--Pour Peu Que Ce Qui Concerne Le

Sens De L'ode Soit Aussi Exact Et Aussi Vrai Que Ce Qu'il Dit De La

_Vertu_ De Mme De Ferriol, On Sera Tenté De Rabattre Des Assertions

De Rousseau; Mais Peu Nous Importe! Nous Ne Voulions Que Rappeler Les

Bruits Malins.]

 

 

[Note B: Voici L'extrait De Baptême, Tel Qu'il Se Trouve Aux

Archives De L'hôtel De Ville De Paris:

 

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 96

Saint-Eustache.

 

(_Baptesmes._)

 

Du Mardi 21e Décembre 1700.

 

«Fut Baptisé Charles-Augustin, Né D'hier, Fils De Messire Augustin De

_Ferriol_, Escuyer, Baron D'argental, Conseiller Du Roy Au Parlement De

Metz, Trésorier Receveur Général Des Finances Du Dauphiné, Et De

Dame Marie-Angélique De _Tencin_, Son Espouse, Demeurant Rue Des

Fossez-Montmartre. Le Parrain, Messire Charles De _Ferriol_, Chevalier,

Conseiller Du Roy En Ses Conseils, Ambassadeur De Sa Majesté À La

Porte Ottomane, Représenté Par Antoine De Ferriol[103], Frère Du Présent

Baptisé: La Marraine, Dame Louise De _Buffevant_, Femme De Messire

Antoine De _Tencin_, Chevalier, Conseiller Du Roy En Ses Conseils,

Président À Mortier Au Parlement De Grenoble, Cy-Devant Premier

Président Du Sénat De Chambéry, Représentée Par Damoiselle Charlotte

_Haidée_[104], Lesquels Ont Déclaré Ne Sçavoir Signer. «_Signé_: Ferriol,

J. Vallin De Sérignan.»]

 

[Note 103: C'est Pont-De-Veyle.]

 

[Note 104: Mlle Aïssé.]

 

[Note C: Nous Avons Beaucoup Interrogé Les Savants Sur L'origine

De Ce Nom. D'après Le Dernier Et Le Plus Précis Renseignement Que Nous

Devons À M. Maury, De La Bibliothèque De L'institut, _Haidé_ Est Un Nom

Circassien Que Portent Souvent Les Femmes Qui Viennent De Ce Pays, Et

Qu'on Leur Conserve En Les Vendant. C'est Ainsi Qu'il Se Trouve Répandu

En Turquie, Sans Être Pour Cela Ni Turc Ni Arabe; Car Il Ne Doit Point

Se Confondre Avec Le Nom De Femme _Aïsché_, Dont La Prononciation Arabe

Est _Aïscha_ (_Ayescha_). De Ce Nom Circassien D'_Haidé_, Dénaturé Et

Adouci Selon La Prononciation Parisienne, On Aura Fait _Aïssé.]

 

 

[Note D: Le Nom De Grèce Se Mariait Volontiers À Celui D'aïssé Dans

L'esprit Des Contemporains. Lorsque L'abbé Prevost Publia L'_Histoire

D'une Grecque Moderne_, Assez Agréable Roman Où L'on Voit Une Jeune

Grecque, D'abord Vouée Au Sérail, Puis Rachetée Par Un Seigneur Français

Qui En Veut Faire Sa Maîtresse, Résister À L'amour De Son Libérateur,

Et N'être Peut-Être Pas Aussi Insensible Pour Un Autre Que Lui, On Crut

Qu'il Avait Songé À Notre Héroïne. Mme De Staal (De Launay) Écrivait À

M. D'héricourt: «J'ai Commencé La Grecque À Cause De Ce Que Vous M'en

Dites: On Croit En Effet Que Mlle Aïssé En A Donné L'idée; Mais Cela Est

Bien Brodé, Car Elle N'avait Que Trois Ou Quatre Ans Quand On L'amena En

France.»

 

Enfin, Voici Des Vers Du Temps _Sur Mademoiselle Aïssé_, À Ce Même Titre

De Grecque:

 

  Aïssé De La Grèce Épuisa La Beauté:

  Elle A De La France Emprunté

  Les Charmes De L'esprit, De L'air Et Du Langage.

  Pour Le Coeur Je N'y Comprends Rien:

  Dans Quel Lieu S'est-Elle Adressée?

  Il N'en Est Plus Comme Le Sien

  Depuis L'age D'or Ou L'astrée.

 

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 97

Ces Vers Sont Placés À La Fin Des _Lettres_ De Mlle Aïssé, Dans La

Première Édition De 1787. On Les Retrouve En Deux Endroits De La

_Nouvelle Édition Corrigée Et Augmentée Du Portrait De L'auteur_

(Lausanne, J. Mourer; Et Paris, La Grange, 1788): D'abord Au Bas Du

Portrait, Puis À La Fin Du Volume. Ici L'intitulé Est:

 

_Envoi À Mademoiselle Aïssé, Par M. Le Professeur Vernet, De Genève._]

 

 

[Note E: «Haut Et Puissant Seigneur, Messire Charles De Ferriol,

Baron D'argental, Conseiller Du Roi En Tous Ses Conseils, Ci-Devant

Ambassadeur Extraordinaire À La Porte Ottomane, Âgé D'environ 75 Ans,

Décédé Hier En Son Hôtel, Rue Neuve-Saint-Augustin, En Cette Paroisse,

A Été Inhumé En La Cave De La Chapelle De Sa Famille, En Cette Église,

Présens Antoine De Ferriol De Pont-De-Veyle, Écuyer, Conseiller, Lecteur

De La Chambre Du Roi, Et Charles-Augustin De Ferriol D'argental, Écuyer,

Conseiller Du Roi En Son Parlement De Paris, Ses Deux Neveux, Demeurants

Dit Hôtel, Rue Neuve-Saint-Augustin, En Cette Paroisse.

 

_Signé_: De Ferriol De Pont-De-Veyle, De Ferriol D'argental, Blondel De

Gagny» (Extrait Des Archives De L'état Civil.)

 

L'acte Est Du 27 Octobre 1722.]

 

 

[Note F: Voulant De Plus En Plus M'assurer De Cette Absence

Essentielle De M. De Ferriol Durant Onze Années Consécutives, J'ai Prié

M. Mignet De Vouloir Bien La Faire Vérifier Encore D'après Les Dépêches,

Et J'ai Reçu La Réponse Suivante, Qui Confirme Pleinement Nos

Premières Conjectures Et Y Apporte L'appui De Plusieurs Circonstances

Très-Importantes. On Nous Excusera De Donner _In Extenso_ Ces Pièces

Tout À Fait Décisives.

 

«Il Est Certain Que M. De Ferriol Ne Fit Aucun Voyage En France De 1699

À 1711, Car Sa Correspondance Avec La Cour Est Régulière. Pourtant Elle

Présente Deux Interruptions; Mais, Loin Qu'on Puisse Les Attribuer À

L'éloignement De L'ambassadeur, Elles Ne Font Au Contraire Que Confirmer

Sa

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