Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
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- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Les Coeurs. Elle Avait Traversé La Révolution Encore Fort Jeune; Elle
Était Moins Femme De Cour. Mme D'abzac, Sa Soeur Aînée, Morte À Quarante
Ans Dans Notre Petit Saint-Yrieix, Vers L'époque, Je Crois, Du Consulat,
Était D'une Si Prodigieuse Beauté, Que Bien Peu De Temps Avant Sa Mort,
Alors Qu'elle Était Hydropique, On S'arrêtait Pour L'admirer Lorsqu'on
Pouvait L'apercevoir. Je N'ai Vu D'elle Que Ses Portraits: C'est L'idéal
De La Beauté.» Voilà Une Partie Des Réparations Que Je Devais À La
Vérité; J'en Ai D'autres À Faire Encore Au Sujet Du Portrait Et Des
Sentiments. «Jamais, Me Dit Le Même Témoin Si Bien Informé, Jamais La
Famille De Bonneval N'a Renié Mlle Aïssé... En Recueillant Mes
Souvenirs D'enfance, Je Reste Persuadée Que Sa Mémoire Était Chère À
Sa Petite-Fille. Ce Fut Elle Qui Prêta Ses Lettres À Mon Père, Et Son
Portrait, Bien Loin D'être Relégué Au _Grenier_, Resta Dans Le Salon Ou
La Galerie De Bonneval, Jusqu'au Moment Où Cette Belle Terre Fut Vendue
À Un Parent D'une Autre Branche. Celui-Ci Se Réserva Les Portraits Des
Ancêtres, Et Les Plus Notables De La Branche Aînée; Il Eut Celui Du
Pacha, Celui Même De Marguerite De Foix, Grande Alliance Royale Des
Bonneval Au Xve Siècle, Tandis Que La Belle Aïssé, Moins Historique,
Suivit Son Arrière-Petit-Fils À Guéret Où Elle Était, Je Pense, Bien
Affligée De Se Trouver.» Si De Guéret Le Portrait Passa Depuis À La
Campagne, Ce Fut Pour Être Placé, Non Dans Un Salon, Il Est Vrai, Mais
Dans Une Chambre À Coucher Avec D'autres Tableaux Précieux. Je Pourrais
Ajouter Plus D'une Particularité Encore, Toujours Dans Le Même Sens,
Notamment Le Témoignage Que Je Reçois De M. Tenant De Latour, Père De
Notre Ami Le Poète Antoine De Latour: Jeune, À L'occasion Du Portrait,
Il Eut Une Longue Conversation Sur Mlle Aïssé Avec Mme De Calignon, Qui
S'y Prêta D'elle-Même. Enfin Les Lettres De La Marquise De Créquy Que
Nous Donnons Au Public Pour La Première Fois, Et Dont Nous Devons
Communication À La Parfaite Obligeance De La Famille De Bonneval,
Prouvent Assez Que Mme De Nanthia Ne Répugnait Point Au Souvenir De Sa
Mère, Et Que Son Coeur S'ouvrait Sans Effort Pour S'entretenir D'elle
Avec Les Personnes Qui L'avaient Connue.
Cela Dit, Et Cette Justice Rendue À Une Noble Et Gracieuse Descendance
Au Profit De Laquelle Nous Sommes Heureux De Nous Trouver En Partie
Déshérités, On Nous Accordera Pourtant D'oser Maintenir Et De Répéter
Ici Notre Conclusion Première; Car, Comme L'a Dit Dès Longtemps Le
Poète, À Quoi Bon Tant Questionner Sur La Race? «Telle Est La Génération
Des Feuilles Dans Les Forêts, Telle Aussi Celle Des Mortels. Parmi Les
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 95Feuilles, Le Vent Verse Les Unes À Terre, Et La Forêt Verdoyante Fait
Pousser Les Autres Sitôt Que Revient La Saison Du Printemps: C'est Ainsi
Que Les Races Des Hommes Tantôt Fleurissent, Et Tantôt Finissent [102].»
Tenons-Nous À Ce Qui Ne Meurt Pas.
[Note 102: _Iliade_, Liv. Vi, 146. Ces Admirables Paroles D'homère
Devraient S'inscrire Comme Devise En Tête De Toutes Les Généalogies.]
Il En Est Des Amants Comme Des Poëtes, Ils Ont Surtout Une Famille, Tous
Ceux Qui, Venus Après Eux, Les Sentent, Tous Ceux Qui, Ne Les Jugeant
Qu'à Leurs Flammes, Les Envient. Le Jeune Homme À Qui Ses Passions Font
Trêve Et Donnent Le Goût De S'éprendre Des Douces Histoires D'autrefois,
La Jeune Femme Dont Ces Fantômes Adorés Caressent Les Rêves, Le Sage
Dont Ils Reviennent Charmer Ou Troubler Les Regrets, Le Studieux
Peut-Être Et Le Curieux Que Sa Sensibilité Aussi Dirige, Eux Tous, Sans
Oublier L'éditeur Modeste, Attentif À Recueillir Les Vestiges Et À
Réparer Les Moindres Débris, Voilà Encore Le Cortège Le Plus Véritable,
Voilà La Postérité La Plus Assurée Et Non Certes La Moins Légitime Des
Poétiques Amants. Elle N'a Point Manqué Jusqu'ici À L'ombre Aimable
D'aïssé, Et Chaque Jour Elle Se Perpétue En Silence. Son Petit Volume
Est Un De Ceux Qui Ont Leurs Fidèles Et Qu'on Relit De Temps En Temps,
Même Avant De L'avoir Oublié. C'est Une De Ces Lectures Que Volontiers
On Conseille Et L'on Procure Aux Personnes Qu'on Aime, À Tout Ce Qui Est
Digne D'apprécier Ce Touchant Mélange D'abandon Et De Pureté Dans La
Tendresse, Et De Sentir Le Besoin D'une Règle Jusqu'au Sein Du Bonheur.
Notes
[Note A: Dans Une Lettre À M. Du Lignon, Datée De Soleure, Octobre
1712, Jean-Baptiste S'était Justifié De L'imputation En Ces Termes: «...
Pour L'ode Qu'on A Eu La Méchanceté D'appliquer À Mme De Ferriol, Pour
Me Brouiller Avec La Meilleure Amie Et La Plus Vertueuse Femme En Tout
Sens Que Je Connoisse Dans Le Monde, Vous Savez Ce Que J'ai Eu L'honneur
De Vous Écrire. Toutes Les Calomnies Dont Mes Ennemis M'ont Chargé Ne
M'ont Point Touché En Comparaison De Celle-Là. Cette Dame, À Qui J'ai
Des Obligations Infinies, Sait Heureusement La Vérité, Et Je N'ai Rien
Perdu Dans Son Estime. Quand Je Fis Cette Ode, Je Ne La Connoissois Pas,
Et Elle Ne Connoissoit Pas Le Maréchal D'uxelles. Cette Petite Pièce A
Couru Le Monde Plus De Dix Ans Avant Qu'on S'avisât D'en Faire Aucune
Application. C'est Une Galanterie Imitée D'horace, Qui Avoit Rapport
À Une Aventure Où J'étois Intéressé; Et Les Personnages Dont Il Y Est
Question Ne Sont Guère Plus Connus Dans Le Monde Que La Lydie Et Le
Télèphe De L'original. Je L'avois Fait Imprimer, Et J'en Ai Encore
Chez Moi Les Feuilles, Que Je N'ai Supprimées Que Depuis Que J'ai Su
L'outrage Qu'on Faisoit, À L'occasion De Cet Ouvrage, Aux Deux Personnes
Du Monde Que J'honore Le Plus. Il Y A Deux Mille Femmes Dans Paris À Qui
Elle Pourroit Être Justement Appliquée, Et L'imposture A Choisi Celle Du
Monde À Qui Elle Convient Le Moins.»--Pour Peu Que Ce Qui Concerne Le
Sens De L'ode Soit Aussi Exact Et Aussi Vrai Que Ce Qu'il Dit De La
_Vertu_ De Mme De Ferriol, On Sera Tenté De Rabattre Des Assertions
De Rousseau; Mais Peu Nous Importe! Nous Ne Voulions Que Rappeler Les
Bruits Malins.]
[Note B: Voici L'extrait De Baptême, Tel Qu'il Se Trouve Aux
Archives De L'hôtel De Ville De Paris:
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 96
Saint-Eustache.
(_Baptesmes._)
Du Mardi 21e Décembre 1700.
«Fut Baptisé Charles-Augustin, Né D'hier, Fils De Messire Augustin De
_Ferriol_, Escuyer, Baron D'argental, Conseiller Du Roy Au Parlement De
Metz, Trésorier Receveur Général Des Finances Du Dauphiné, Et De
Dame Marie-Angélique De _Tencin_, Son Espouse, Demeurant Rue Des
Fossez-Montmartre. Le Parrain, Messire Charles De _Ferriol_, Chevalier,
Conseiller Du Roy En Ses Conseils, Ambassadeur De Sa Majesté À La
Porte Ottomane, Représenté Par Antoine De Ferriol[103], Frère Du Présent
Baptisé: La Marraine, Dame Louise De _Buffevant_, Femme De Messire
Antoine De _Tencin_, Chevalier, Conseiller Du Roy En Ses Conseils,
Président À Mortier Au Parlement De Grenoble, Cy-Devant Premier
Président Du Sénat De Chambéry, Représentée Par Damoiselle Charlotte
_Haidée_[104], Lesquels Ont Déclaré Ne Sçavoir Signer. «_Signé_: Ferriol,
J. Vallin De Sérignan.»]
[Note 103: C'est Pont-De-Veyle.]
[Note 104: Mlle Aïssé.]
[Note C: Nous Avons Beaucoup Interrogé Les Savants Sur L'origine
De Ce Nom. D'après Le Dernier Et Le Plus Précis Renseignement Que Nous
Devons À M. Maury, De La Bibliothèque De L'institut, _Haidé_ Est Un Nom
Circassien Que Portent Souvent Les Femmes Qui Viennent De Ce Pays, Et
Qu'on Leur Conserve En Les Vendant. C'est Ainsi Qu'il Se Trouve Répandu
En Turquie, Sans Être Pour Cela Ni Turc Ni Arabe; Car Il Ne Doit Point
Se Confondre Avec Le Nom De Femme _Aïsché_, Dont La Prononciation Arabe
Est _Aïscha_ (_Ayescha_). De Ce Nom Circassien D'_Haidé_, Dénaturé Et
Adouci Selon La Prononciation Parisienne, On Aura Fait _Aïssé.]
[Note D: Le Nom De Grèce Se Mariait Volontiers À Celui D'aïssé Dans
L'esprit Des Contemporains. Lorsque L'abbé Prevost Publia L'_Histoire
D'une Grecque Moderne_, Assez Agréable Roman Où L'on Voit Une Jeune
Grecque, D'abord Vouée Au Sérail, Puis Rachetée Par Un Seigneur Français
Qui En Veut Faire Sa Maîtresse, Résister À L'amour De Son Libérateur,
Et N'être Peut-Être Pas Aussi Insensible Pour Un Autre Que Lui, On Crut
Qu'il Avait Songé À Notre Héroïne. Mme De Staal (De Launay) Écrivait À
M. D'héricourt: «J'ai Commencé La Grecque À Cause De Ce Que Vous M'en
Dites: On Croit En Effet Que Mlle Aïssé En A Donné L'idée; Mais Cela Est
Bien Brodé, Car Elle N'avait Que Trois Ou Quatre Ans Quand On L'amena En
France.»
Enfin, Voici Des Vers Du Temps _Sur Mademoiselle Aïssé_, À Ce Même Titre
De Grecque:
Aïssé De La Grèce Épuisa La Beauté:
Elle A De La France Emprunté
Les Charmes De L'esprit, De L'air Et Du Langage.
Pour Le Coeur Je N'y Comprends Rien:
Dans Quel Lieu S'est-Elle Adressée?
Il N'en Est Plus Comme Le Sien
Depuis L'age D'or Ou L'astrée.
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 97
Ces Vers Sont Placés À La Fin Des _Lettres_ De Mlle Aïssé, Dans La
Première Édition De 1787. On Les Retrouve En Deux Endroits De La
_Nouvelle Édition Corrigée Et Augmentée Du Portrait De L'auteur_
(Lausanne, J. Mourer; Et Paris, La Grange, 1788): D'abord Au Bas Du
Portrait, Puis À La Fin Du Volume. Ici L'intitulé Est:
_Envoi À Mademoiselle Aïssé, Par M. Le Professeur Vernet, De Genève._]
[Note E: «Haut Et Puissant Seigneur, Messire Charles De Ferriol,
Baron D'argental, Conseiller Du Roi En Tous Ses Conseils, Ci-Devant
Ambassadeur Extraordinaire À La Porte Ottomane, Âgé D'environ 75 Ans,
Décédé Hier En Son Hôtel, Rue Neuve-Saint-Augustin, En Cette Paroisse,
A Été Inhumé En La Cave De La Chapelle De Sa Famille, En Cette Église,
Présens Antoine De Ferriol De Pont-De-Veyle, Écuyer, Conseiller, Lecteur
De La Chambre Du Roi, Et Charles-Augustin De Ferriol D'argental, Écuyer,
Conseiller Du Roi En Son Parlement De Paris, Ses Deux Neveux, Demeurants
Dit Hôtel, Rue Neuve-Saint-Augustin, En Cette Paroisse.
_Signé_: De Ferriol De Pont-De-Veyle, De Ferriol D'argental, Blondel De
Gagny» (Extrait Des Archives De L'état Civil.)
L'acte Est Du 27 Octobre 1722.]
[Note F: Voulant De Plus En Plus M'assurer De Cette Absence
Essentielle De M. De Ferriol Durant Onze Années Consécutives, J'ai Prié
M. Mignet De Vouloir Bien La Faire Vérifier Encore D'après Les Dépêches,
Et J'ai Reçu La Réponse Suivante, Qui Confirme Pleinement Nos
Premières Conjectures Et Y Apporte L'appui De Plusieurs Circonstances
Très-Importantes. On Nous Excusera De Donner _In Extenso_ Ces Pièces
Tout À Fait Décisives.
«Il Est Certain Que M. De Ferriol Ne Fit Aucun Voyage En France De 1699
À 1711, Car Sa Correspondance Avec La Cour Est Régulière. Pourtant Elle
Présente Deux Interruptions; Mais, Loin Qu'on Puisse Les Attribuer À
L'éloignement De L'ambassadeur, Elles Ne Font Au Contraire Que Confirmer
Sa
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