Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
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- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Plus Touchant Des Éloges: «Je Vous Félicite, Madame, Du Plaisir Que Vous
Avez De Revoir M. De Formont Et M. De Montesquieu; Vous Avez Sans Doute
Beaucoup De Part À Leur Retour, Car Je Sais L'attachement Que Le Premier
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 87A Pour Vous, Et L'autre M'a Souvent Dit Avec Sa Naïveté Et Sa Sincérité
Ordinaire: «J'aime Cette Femme De Tout Mon Coeur; Elle Me Plaît, Elle Me
Divertit; Il N'est Pas Possible De S'ennuyer Un Moment Avec Elle.» S'il
Vous Aime Donc, Madame, Si Vous Le Divertissez, Il Y A Apparence Qu'il
Vous Divertit Aussi, Et Que Vous L'aimez Et Le Voyez Souvent. Eh! Qui
N'aimerait Pas Cet Homme, Ce Bon Homme, Ce Grand Homme, Original Dans
Ses Ouvrages, Dans Son Caractère, Dans Ses Manières, Et Toujours Ou
Digne D'admiration Ou Aimable!»--Sans Donc Nous Étendre Davantage Ni
Anticiper Sur Les Années Moins Brillantes, On Saisit Bien, Ce Me Semble,
La Physionomie Du Chevalier À Cet Âge Où Il Est Donné De Plaire: Brave,
Loyal, Plein D'honneur, Homme D'épée Sans Se Faire De La Gloire Une
Idole, Homme De Goût Sans Viser À L'esprit, Coeur Naturel, Il Était De
Ceux Qui Ne Sont Tout Entiers Eux-Mêmes Et Qui Ne Trouvent Toute Leur
Ambition Et Tout Leur Prix Que Dans L'amour.
[Note 91: _Oeuvres Posthumes_, An Vii, Tome Ier, Page 117]
On Ne Possède Aucune Des Lettres Qu'aïssé Lui Adressa; Nous N'avons
L'image De Cette Passion, À La Fois Violente Et Délicate, Que Réfléchie
Dans Le Sein De L'amitié Et Déjà Voilée Par Les Larmes De La Religion
Et Du Repentir. La Fille D'aïssé Et Du Chevalier Avait Deux Ans; Leur
Liaison Continuait Avec Des Redoublements De Tendresse De La Part Du
Chevalier, Qui Bien Souvent Pensait À Se Faire Relever De Ses Voeux Pour
Épouser L'amie À Laquelle Il Aurait Voulu Assurer Une Position Avouée Et
La Paix De L'âme. Il Semblait, En Effet, Qu'une Inquiétude Secrète Se
Fût Logée Au Coeur De La Tendre Aïssé, Et Qu'elle N'osât Jouir De Son
Bonheur. Les Attendrissements Mêmes Que Lui Causaient Les Témoignages Du
Chevalier Étaient Trop Vifs Pour Elle Et La Consumaient. Elle N'aurait
Rien Voulu Accepter Qui Fût Contre L'intérêt Et Contre L'honneur De
Famille De Celui Qu'elle Aimait. Une Sorte De Langueur Passionnée
La Minait En Silence. C'est Alors Que, Dans L'été De 1726, Mme De
Calandrini Vint De Genève Passer Quelques Mois À Paris, Et Se Lia
D'amitié Avec Elle. Cette Dame, Qui, Par Son Mariage, Tenait À L'une Des
Premières Familles De Genève, Était Française Et Parisienne, Fille De
M. Pellissary, Trésorier Général De La Marine; Elle Avait Eu L'honneur
D'être Célébrée, Dans Son Enfance, Par Le Poëte Galant Pavillon[92]. Une
Soeur De Mme De Calandrini Avait Épousé Le Vicomte De Saint-John, Père
De Lord Bolingbroke, Qu'il Avait Eu D'un Premier Lit: De Là L'étroite
Liaison Des Calandrin Avec Les Bolingbroke, Les Villette Et Les Ferriol.
Genève Ainsi Tenait Son Coin Chez Les Tories Et Dans La Régence. Mme De
Calandrini Était À La Fois Une Femme Aimable Et Une Personne Vertueuse;
Elle S'attacha À L'intéressante Aïssé, Gagna Sa Confiance, Reçut Son
Secret, Et Lui Donna Des Conseils Qui Peuvent Paraître Sévères, Et
Qu'aïssé Ne Trouvait Que Justes. Celle-Ci, Née Pour Les Affections, Et
Qui Les Avait Dû Refouler Jusque-Là, Orpheline Dès L'enfance, N'ayant
Pas Eu De Mère Et L'étant À Son Tour Sans Oser Le Paraître, Amante
Heureuse Mais Troublée Dans Son Aveu, Du Moment Qu'elle Rencontra Un
Coeur De Femme Digne De L'entendre; S'y Abandonna Pleinement, Elle
Éclata: «Je Vous Aime Comme Ma Mère, Ma Soeur, Ma Fille, Enfin Comme
Tout Ce Qu'on Doit Aimer.» De Vifs Regrets Aussitôt, Des Retours Presque
Douloureux S'y Mêlèrent: «Hélas! Que N'étiez-Vous Madame De Ferriol?
Vous M'auriez Appris À Connaître La Vertu!» Et Encore: «Hélas! Madame,
Je Vous Ai Vue Malheureusement Beaucoup Trop Tard. Ce Que Je Vous Ai Dit
Cent Fois, Je Vous Le Répéterai: Dès Le Moment Que Je Vous Ai Connue,
J'ai Senti Pour Vous La Confiance Et L'amitié La Plus Forte. J'ai Un
Sincère Plaisir À Vous Ouvrir Mon Coeur; Je N'ai Point Rougi De Vous
Confier Toutes Mes Faiblesses; Vous Seule Avez Développé Mon Âme; Elle
Était Née Pour Être Vertueuse. Sans Pédanterie, Connaissant Le Monde, Ne
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 88Le Haïssant Point, Et Sachant Pardonner Suivant Les Circonstances, Vous
Sûtes Mes Fautes Sans Me Mésestimer. Je Vous Parus Un Objet Qui
Méritait De La Compassion, Et Qui Était Coupable Sans Trop Le Savoir.
Heureusement C'était Aux Délicatesses Mêmes D'une Passion Que Je Devais
L'envie De Connaître La Vertu. Je Suis Remplie De Défauts, Mais
Je Respecte Et J'aime La Vertu...» Cette Idée De Vertu Entra Donc
Distinctement Pour La Première Fois Dans Ce Coeur Qui Était Fait Pour
Elle, Qui Y Aspirait D'instinct, Qui Était Malade De Son Absence, Mais
Qui N'en Avait Encore Rencontré Jusque-Là Aucun Vrai Modèle. Cette
Pensée Se Trouve Exprimée Avec Ingénuité, Avec Énergie, En Maint Endroit
Des Lettres; Elles Suivirent De Près Le Départ De Mme De Calandrini,
À Dater D'octobre 1726. Mlle Aïssé Cause Avec Son Amie De Ses Regrets
D'être Loin D'elle, Du Monde Qu'elle A Sous Les Yeux Et Qu'elle Commence
À Trouver Étrange, Et Aussi Elle Touche En Passant L'état De Ses Propres
Sentiments Et De Ceux Du Chevalier; C'est Un Courant Peu Développé Qui
Glisse D'abord Et Peu À Peu Grossit. Après Bien Des Retards, Bien Des
Projets Déjoués, Il Y A Un Voyage Qu'elle Fait À Genève; Il Y En A Un
À Sens Où Elle Voit Au Couvent Sa Fille Chérie. Sa Santé Décroît, Ses
Scrupules De Conscience Augmentent, La Passion Du Chevalier Ne Diminue
Pas; Tout Cela Mène Au Triomphe Des Conseils Austères Et À Une
Réconciliation Chrétienne En Vue De La Mort, Conclusion Douce Et Haute,
Pleine De Consolations Et De Larmes.
[Note 92: Voir Dans Les _Oeuvres_ D'etienne Pavillon (1750, Tome Ier,
Page 169) La Lettre, Moitié Vers Et Moitié Prose, Adressée À Mlle Julie
De Pellissary, Âgée De _Huit Ans_. Dans L'une Des Lettres Suivantes
(Page 175), _Sur Le Mariage De Mademoiselle De Pellissary Avec M.
Warthon_, Il Faut Lire _Saint-John_ Et Non Pas _Warthon_.]
Ce Qui Fait Le Charme De Ces Lettres, C'est Qu'elles Sont Toutes Simples
Et Naturelles, Écrites Avec Abandon Et Une Sincérité Parfaite. «Il Y
Règne Un Ton De Mollesse Et De Grâce, Et Cette Vérité De Sentiment
Si Difficile À Contrefaire[93].» Je Ne Les Conseillerais Pas À De
Beaux-Esprits Qui Ne Prisent Que Le Compliqué, Ni Aux Fastueux Qui Ne
Se Dressent Que Pour De Grandes Choses; Mais Les Bons Esprits, _Et Qui
Connaissent Les Entrailles_ (Pour Parler Comme Aïssé Elle-Même), Y
Trouveront Leur Compte, C'est-À-Dire De L'agrément Et Une Émotion Saine.
Voltaire, Qui Avait Eu Communication Du Manuscrit Pendant Son Séjour En
Suisse, Écrivait À D'argental (De Lausanne, 12 Mars 1758): «Mon Cher
Ange, Je Viens De Lire Un Volume De Lettres De Mlle Aïssé, Écrites À Une
Madame Calandrin De Genève. Cette Circassienne Était Plus Naïve Qu'une
Champenoise. Ce Qui Me Plaît De Ses Lettres, C'est Qu'elle Vous Aimait
Comme Vous Méritez D'être Aimé. Elle Parle Souvent De Vous Comme J'en
Parle Et Comme J'en Pense.» La Naïveté De Mlle Aïssé N'était Pourtant
Pas Si Champenoise Que Le Malin Veut Bien Le Dire, Ce N'était Pas La
Naïveté D'agnès; Elle Savait Le Mal, Elle Le Voyait Partout Autour
D'elle, Elle Se Reprochait D'y Avoir Trempé; Mais Du Moins Sa Nature
Généreuse Et Décente S'en Détachait Avec Aversion, Avec Ressort. Elle
Commence Par Nous Raconter Des Historiettes Assez Légères, Les Nouvelles
Des Théâtres, Les Grandes Luttes De La Pellissier Et De La Le Maure,
La Chronique De La Comédie-Italienne Et De L'opéra (Son Ami D'argental
Était Très-Initié Parmi Ces Demoiselles); Puis Viennent De Menus Tracas
De Société, Les Petits Scandales, Que La Bonne Madame De Parabère A Été
Quittée Par M. Le Premier[94], Et Qu'on Lui Donne Déjà M. D'alincourt.
C'est Une Petite Gazette Courante, Comme On En A Trop Peu En Cette
Première Partie Du Siècle. Mais Que De Certains Éclats Surviennent Et
Réveillent En Elle Une Surprise Dont Elle Ne Se Croyait Plus Capable,
Comme Le Ton S'élève Alors! Comme Un Accent Indigné Échappe! «À Propos,
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 89Il Y A Une Vilaine Affaire Qui Fait Dresser Les Cheveux À La Tête:
Elle Est Trop Infâme Pour L'écrire; Mais Tout Ce Qui Arrive Dans Cette
Monarchie Annonce Bien Sa Destruction.
[Note 93: Article Du _Mercure De France_, Août 1788, Page 181.]
[Note 94: Le Premier Écuyer, M. De Beringhen.]
Que Vous Êtes Sages, Vous Autres, De Maintenir Les Lois Et D'être
Sévères! Il S'ensuit De Là L'innocence.» N'en Déplaise À Voltaire, Cette
Petite Champenoise A Des Pronostics Perçants; Et Ceci Encore, À Propos
D'un Revers De Fortune Qu'avait Éprouvé Mme De Calandrini: «Quelque
Grands Que Soient Les Malheurs Du Hasard, Ceux Qu'on S'attire Sont Cent
Fois Plus Cruels. Trouvez-Vous Qu'une Religieuse Défroquée, Qu'un Cadet
Cardinal, Soient Heureux, Comblés De Richesses? Ils Changeraient Bien
Leur Prétendu Bonheur Contre Vos Infortunes.»
Un Trait Bien Honorable Pour Mlle Aïssé, C'est L'antipathie Violente
Et Comme Instinctive Qu'elle Inspirait À Mme De Tencin. Je Ne Veux Pas
Faire De Morale Exagérée; C'est La Mode Aujourd'hui De Parler Légèrement
Des Femmes Du Xviiième Siècle; J'en Pense Tout Bas Bien Moins De
Mal Qu'on N'en Dit. Tant Qu'elles Furent Jeunes, Je Les Livre À Vos
Anathèmes, Elles Ont Fait Assez Pour Les Mériter; Mais, Une Fois
Qu'elles Avaient Passé Quarante Ans, Ces Personnes-Là Avaient Toute Leur
Valeur D'expérience, De Raison, De Tact Social Accompli; Elles Avaient
De La Bonté Même Et Des Amitiés Solides, Bien Qu'elles Sussent À Fond
Leur La Bruyère. Mme De Parabère, Une Des Plus Compromises De Ces Femmes
De La Régence, Joue Un Rôle Charmant Dans Les Lettres D'aïssé, Et, Comme
Dit Celle-Ci, «Elle A Pour Moi Des Façons Touchantes.» C'est Elle Et Mme
Du Deffand Qui, Lorsque La Malade Désire Un Confesseur, Se Chargent De
Lui En Trouver Un; Car Il Faut Avant Tout Se Cacher De Mme De Ferriol
Qui Est Entichée De Molinisme, Et Qui Aime Mieux Qu'on Meure Sans
Confession Que De Ne Pas En Passer Par La Bulle. Mme Du Deffand Indique
Le Père Boursault, Mme De Parabère Prête Son Carrosse Pour L'envoyer
Chercher, Et Elle A Soin Pendant Ce Temps D'emmener Hors Du Logis Mme
De Ferriol. Il A Dû Être Beaucoup Pardonné À Mme De Parabère Pour
Cette Conduite Tendre; Dévouée, Compatissante, Pour Cette Oeuvre De
Samaritaine. Mais Mme De Tencin, C'est Autre Chose, Et Je Suis Un Peu
De L'avis De Cet Amant Qui
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