Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
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- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Sa Juste Valeur.
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 81
[Note 78: On Trouve Dans Le _Journal De Paris_, Du 28 Novembre 1787,
Une Lettre Signée _Villars_ Qui Reproche À L'éditeur D'avoir Mêlé À
Sa Publication Des Anecdotes Défavorables À La Famille Ferriol; Le
Témoignage De M. D'argental, Encore Vivant, Y Est Invoqué. Celle Lettre,
Écrite Dans Un Intérêt De Famille, Prouve Une Seule Chose, C'est Qu'on
Était Loin De Croire Alors Et Qu'on N'avait Jamais Admis Jusque-Là
Qu'aïssé Eût Été Sacrifiée À L'ambassadeur.--Voir Ci-Après La Note [G].]
[Note 79: _Année Littéraire_, 1788. Tome Vi, Page 209.]
[Note 80: _Essais De Littérature Française_, Tome 1er, Page 188 (3e
Édition).]
Le Fait Est Qu'à Dater D'un Certain Moment, Qui Pourrait Bien N'être
Autre Que Celui De La Tentative Avortée, Mlle Aïssé Eut Son Domicile
Habituel Chez Mme De Ferriol, Et Ce Ne Fut Plus Ensuite Que Dans Les
Deux Dernières Années De La Vie De L'ambassadeur Qu'elle Retourna Près
De Lui Pour Lui Rendre Les Soins De La Reconnaissance. Il Mourut Le
26 Octobre 1722, À L'âge D'environ Soixante-Quinze Ans. Est-Il Besoin
D'ajouter Que, Durant Ce Dernier Séjour[81], Elle Était Plus Que
Préservée Par Toutes Les Bonnes Raisons Et Par L'amour Même Du Chevalier
D'aydie, Qui L'aimait Dès Lors, Comme On Le Voit D'après Certains
Passages Des Lettres De Lord Bolingbroke? Je Transcrirai Ici
Quelques-Uns De Ces Endroits Qui Ont De L'intérêt À Travers Leur
Obscurité Et Malgré Le Sous-Entendu Des Allusions.
[Note 81: Mme De Ferriol, Qui Avait Habité D'abord Rue Des
Fossés-Montmartre, Logeait En Dernier Lieu Rue Neuve-Saint-Augustin,
Et L'ambassadeur Demeurait Dans Le Même Hôtel; Ainsi Ces Diverses
Installations Pour Aïssé Se Réduisaient Au Plus À Un Changement
D'appartement.]
Bolingbroke Écrivait À Mme De Ferriol, Le 17 Novembre 1721, En
L'invitant À Venir Passer Les Fêtes De Noël À Sa Campagne De _La
Source_, Près D'orléans: «Nous Avons Été Fort Agréablement Surpris
De Voir Que Mlle Aïssé Veuille Être De La Partie Et Renoncer Pendant
Quelque Temps Aux Plaisirs De Paris. Peut-Être Ne Fait-Elle Pas Mal De
Visiter Ses Amis Au Fond D'une Province, Comme D'autres Y Vont Visiter
Leurs Mères. Quel Que Soit Le Motif Qui Nous Attire Ce Plaisir, Nous Lui
En Sommes Très-Obligés...» Et Sur Une Autre Page De La Même Lettre, Dans
Une Apostille Pour M. D'argental: «N'auriez-Vous Pas Contribué À Nous
Procurer Le Plaisir D'y Voir Mlle Aïssé? Je Soupçonne Fort Que Vos
Conseils, Et Peut-Être Le Procédé D'une Autre Personne, Lui Ont Inspiré
Un Goût Pour La Campagne, Que Je Tâcherais De Cultiver, Si J'avais
Quelques Années De Moins.»--Quel Est Ce Procédé? Et De Quelle Autre
Personne S'agit-Il? Nous Chercherons Tout À L'heure.--Un Mois Après,
Bolingbroke Écrivait Encore À Mme De Ferriol (30 Décembre 1721): «Je
Compte Que Vous Viendrez; Je Me Flatte Même De L'espérance D'y Voir Mme
Du Deffand; Mais, Pour Mlle Aïssé, Je Ne L'attends Pas. Le Turc Sera Son
Excuse, Et Un Certain Chrétien De Ma Connaissance, Sa Raison.» Ainsi,
Dès Lors, Mlle Aïssé Était Aimée Du Chevalier D'aydie (Car C'est Bien
Lui Qui Se Trouve Ici Désigné); Et Si Elle Restait À Paris, Sous
Prétexte De Ne Pas Quitter M. De Ferriol, Elle Avait Sa Raison Secrète,
Plus Voisine Du Coeur.
A Une Date Antérieure, Le 4 Février 1719, Il Est Question, Dans Un Autre
Billet De Bolingbroke À D'argental, De Je Ne Sais Quel Événement Plus
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 82Ou Moins Fâcheux Survenu À L'aimable Circassienne; Je Donne Les Termes
Mêmes Sans Me Flatter De Les Pénétrer: «Je Vous Suis Très-Obligé, Mon
Cher Monsieur, De Votre Apostille; Mais La Nouvelle Que Vous M'y Envoyez
Me Fâche Extrêmement. Mademoiselle Aïssé Était Si Charmante, Que Toute
Métamorphose Lui Sera Désavantageuse. Comme Vous Êtes _De Tous Ses
Secrets Le Grand Dépositaire_[82], Je Ne Doute Point Que Vous Ne Sachiez
Ce Qui Peut Lui Avoir Attiré Ce Malheur: Est-Elle La Victime De
La Jalousie De Quelque Déesse, Ou De La Perfidie De Quelque Dieu?
Faites-Lui Mes Très-Humbles Compliments, Je Vous Supplie. J'aimerais
Mieux Avoir Trouvé Le Secret De Lui Plaire Que Celui De La Quadrature Du
Cercle Ou De Fixer La Longitude.» Comme Ce Billet À D'argental Est Écrit
En Apostille D'une Lettre À Mme De Ferriol Et À La Suite De La
Même Page, On Ne Doit Pas Y Chercher Un Bien Grand Mystère. Cette
Métamorphose, Qui Ne Saurait Être Que _Désavantageuse_, Pourrait Bien
N'avoir Été Autre Chose Que La Petite Vérole Qu'aurait Envoyée À Ce
Charmant Visage Quelque Divinité Jalouse; Dans Tous Les Cas, Il Ne
Paraît Point Qu'elle Ait Laissé Beaucoup De Traces, Et Le Don De Plaire
Fut Après Ce Qu'il Était Avant.
[Note 82:
Tu Seras De Mon Coeur L'unique Secrétaire,
Et De Tous Nos Secrets Le Grand Dépositaire.
C'est Dorante Qui Dit Cela Dans _Le Menteur_ (Acte Ii, Scène Vi).
Bolingbroke Savait Sa Littérature Française Par Le Menu.]
La Phrase Qu'on A Lue Plus Haut Sur Le _Procédé_ D'une Certaine
Personne, Lequel Était De Nature, Selon Bolingbroke, À Faire Désirer À
Mlle Aïssé Un Éloignement Momentané De Paris, Pourrait Bien S'appliquer
À Ce Qu'on Sait D'une Tentative Du Régent Auprès D'elle. Ce Prince, En
Effet, L'ayant Rencontrée Chez Mme De Parabère, La Trouva Tout Aussitôt
À Son Gré Et Ne Douta Point De Réussir; Il Chercha À Plaire De
Sa Personne, En Même Temps Qu'il Fit Faire Sous Main Des Offres
Séduisantes, Capables De Réduire La Plus Rebelle Des Danaë; Finalement
Il Mit En Jeu Mme De Ferriol Elle-Même, Peu Scrupuleuse Et Propre À
Toutes Sortes D'emplois. Rien N'y Put Faire, Et Mlle Aïssé, Décidée À Ne
Point Séparer Le Don De Son Coeur D'avec Son Estime, Déclara Que Si On
Continuait De L'obséder, Elle Se Jetterait Dans Un Couvent. Une Telle
Conduite Semble Assez Répondre De Celle Qu'elle Tint Envers M. De
Ferriol; Les Deux Sultans Eurent Le Même Sort; Seulement Elle Y Mit Avec
L'un Toute La Façon Désirable, Tout Le Dédommagement Du Respect Filial
Et De La Reconnaissance.
L'ambassadeur Mort (Octobre 1722), Mlle Aïssé Revint Loger Chez Mme De
Ferriol, Qui Manqua De Délicatesse Jusqu'à Lui Reprocher Les Bienfaits
Du Défunt. Indépendamment D'un Contrat De 4,000 Livres De Rentes
Viagères, Ce Turc, Qui Avait Du Bon, Et Dont L'affection Pour Celle
Qu'il Nommait Sa Fille Était Réelle, Bien Que Mélangée, Lui Avait Laissé
En Dernier Lieu Un Billet D'une Somme Assez Forte, Payable Par Ses
Héritiers. Cette Somme À Débourser Tenait Surtout À Coeur À Mme De
Ferriol, Et Elle Le Fit Sentir À Mlle Aïssé, Qui Se Leva, Alla Prendre
Le Billet Et Le Jeta Au Feu En Sa Présence.
Ce Dut Être En 1721 Ou 1720 Au Plus Tôt, Que Les Relations De Mlle Aïssé
Et Du Chevalier D'aydie Commencèrent: Elle Le Vit Pour La Première Fois
Chez Mme Du Deffand, Jeune Alors, Mariée Depuis 1718, Et Qui Était
Citée Pour Ses Beaux Yeux Et Sa Conduite Légère, Non Moins Que Pour Son
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 83Imagination Vive Et Féconde, Comme Elle Le Fut Plus Tard Pour Sa Cécité
Patiente, Sa Fidélité En Amitié Et Son Inexorable Justesse De Raison. Le
Chevalier Blaise-Marie D'aydie, Né Vers 1690, Fils De François D'aydie
Et De Marie De Sainte-Aulaire, Était Propre Neveu Par Sa Mère Du Marquis
De Sainte-Aulaire De L'académie Française[83]. Ses Parents Eurent Neuf
Enfants Et Peu De Biens; Trois Filles Entrèrent Au Couvent, Trois Cadets
Suivirent L'état Ecclésiastique. Blaise, Le Second Des Garçons, Qui
Avait Titre _Clerc Tonsuré Du Diocèse De Périgueuse, Chevalier Non
Profès De L'ordre De Saint-Jean De Jérusalem_, Fut Présenté À La Cour
Du Palais-Royal Par Son Cousin Le Comte De Rions, Lequel Était L'amant
Avoué Et Le Mari Secret De La Duchesse De Berry, Fille Du Régent. Rions
Avait La Haute Main Au Luxembourg; Il Introduisit Son Jeune Cousin,
Dont La Bonne Mine Réussit D'emblée Assez Bien Pour Attirer Un Caprice
Passager De Cette Princesse, Qui Ne Se Les Refusait Guère. Le Chevalier
Était Donc Dans Le Monde Sur Le Pied D'un Homme À La Mode, Lorsqu'il
Rencontra Mlle Aïssé, Et, De Ce Jour-Là, Il Ne Fut Plus Qu'un Homme
Passionné, Délicat Et Sensible. Les Premiers Temps De Leur Liaison
Paraissent Avoir Été Traversés; La Résistance De La Jeune Femme, La
Concurrence Peut-Être Du Régent, Quelques Restes De Jalousie Sans Doute
De M. De Ferriol, Compliquèrent Cette Passion Naissante. Le Chevalier
Fit Un Long Voyage, Et On Le Voit Au Bout De La Pologne, À Wilna, En
Juin 1723; Mais, À Son Retour, Mlle Aïssé Était Vaincue, Et On N'en
Pourrait Douter, Lors Même Qu'on N'en Aurait D'autre Preuve Que Ce
Passage D'une Lettre De Bolingbroke À D'argental (De Londres, 28
Décembre 1723): «Parlons, En Premier Lieu, Mon Respectable Magistrat, De
L'objet De Nos Amours. Je Viens D'en Recevoir Une Lettre: Vous Y Avez
Donné Occasion, Et Je Vous En Remercie. En Vous Voyant, Elle Se Souvient
De Moi; Et Je Meurs De Peur Qu'en Me Voyant Elle Ne Se Souvienne De
Vous. Hélas! En Voyant Le _Sarmate_, Elle Ne Songe Ni À L'un Ni À
L'autre. Devineriez-Vous Bien La Raison De Ceci? Faites-Lui Mes Tendres
Compliments. J'aurai L'honneur De Lui Répondre Au Premier Jour... Mille
Compliments À M. Votre Frère. J'adore Mon Aimable Gouvernante[84];
Mandez-Moi Des Nouvelles De Son Coeur, C'est Devant Vous Qu'il
S'épanche.»
[Note 83: J'emprunterai Beaucoup, Dans Tout Ce Que J'aurai À Dire Du
Chevalier D'aydie, À Une Notice Manuscrite Dont Je Dois Communication À
La Bienveillance De M. Le Comte De Sainte-Aulaire.]
[Note 84: Toujours Mlle Aïssé; Il La Désigne Ainsi Par Suite De
Quelque Plaisanterie De Société Et Par Allusion Probablement Au Rôle Où
Il L'avait Vue Dans Les Derniers Temps De M. De Ferriol.]
Ce Passage En Sous-Entendait Beaucoup Plus Qu'il N'en Exprimait, Et
L'année Précédente Il S'était Passé Un Événement Dont Bien Peu De
Personnes Avaient Eu Le Secret. Mlle Aïssé, Sentant Qu'elle Allait
Devenir Mère, N'avait Pu Prendre Sur Elle De Se Confier À Mme De
Ferriol, Qui Aurait Trop Triomphé De Voir Le Naufrage D'une Vertu
Naguère Si Assurée, Et Qui N'était Pas Femme À Comprendre Ce Qui Sépare
Une Tendre Faiblesse D'une Séduction Par Intérêt Ou Par Vanité. Dans Son
Anxiété Croissante, Et Les Moments Du Péril Approchant, La Jeune Femme
Recourut À Mme De Villette, Qui, Depuis Un An Ou Deux Ans, Avait Pris
Nom Lady Bolingbroke. Cette Dame Aimable Et Spirituelle Avait Épousé
En Premières Noces Le Marquis De Villette, Proche Parent De Mme De
Maintenon [85], Veuf Et Père Déjà De Plusieurs Enfants, Du Nombre
Desquels Était Cette Charmante Madame De Caylus. Mme De Villette, À Peu
Près Du Même Âge Que Sa Belle-Fille Et Sortie Également De Saint-Cyr,
Avait, Dans Son Veuvage, Contracté Une
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