Portraits Littéraires, Tome Iii Volume 1 by C.-A. Sainte-Beuve (best novels of all time txt) 📕
Longue Période De Gloire, Semble La Clore Avec Théocrite; Elle Se Trouve
Ainsi Comme Encadrée Entre La Grandeur Et La Grâce, Et Celle-Ci, Pour En
Être À Faire Les Honneurs De La Sortie, N'a Rien Perdu De Son Entière Et
Suprême Fraîcheur. Elle N'a Jamais Paru Plus Jeune, Et A Rassemblé Une
Dernière Fois Tous Ses Dons. Après Théocrite, Il Y Aura Encore En Grèce
D'agréables Poëtes; Il N'y En Aura Plus De Grands. «La Lie Même De La
Littérature Des Grecs Dans Sa Vieillesse Offre Un Résidu Délicat;» C'est
Ce Qu'on Peut Dire Avec M. Joubert Des Poëtes D'anthologie Qui Suivent.
Mais Théocrite Appartient Encore À La Grande Famille; Il En Est Par
Son Originalité, Par Son Éclat, Par La Douceur Et La Largeur De Ses
Pinceaux. Les Suffrages De La Postérité L'ont Constamment Maintenu À Son
Rang, Et Rien Ne L'en A Pu Faire Descendre. A Un Certain Moment, Les
Mêmes Gens D'esprit Qui S'attaquaient À Homère Se Sont Attaqués À
Théocrite. Tandis Que Perrault Prenait À Partie L'_Iliade_, Fontenelle
Faisait Le Procès Aux _Idylles_; Il N'y A Pas Mieux Réussi.
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- Author: C.-A. Sainte-Beuve
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Vivre), Mais Vous Seriez Moins Aimable Aux Yeux Des Autres, Et Ce Seroit
Dommage. Laissez Au Monde L'exemple D'une Personne Qui Sait Aimer Avec
Fidélité Et Se Faire Toujours Aimer Sans Aucun Art, Mais Peut-Être Plus
Aimable Que Qui Que Ce Soit.
«Que Vous Ai-Je Fait, Ma Reine? Dites-Le, Si Vous Pouvez. Rien, En
Vérité. Je Jure Que Je N'ai Pas Cessé Un Moment De Vous Être Uniquement
Attaché: Vous N'avez Pas À La Tête Un Cheveu Qui Ne M'inspire Plus De
Goût Et De Sentiment Que Toutes Les Femmes Du Monde Ensemble, Et Je Vous
Permets De Le Dire Et De Le Lire À Qui Vous Voudrez.»
(1746.)
«C'est Aujourd'hui Le Sept D'octobre, Et, Selon Ce Que Vous Me Mandez,
Ma Chère Aïssé, Vous Devez Être À Sens. J'y Transporte Toutes Mes Idées,
Mon Coeur Ne S'entretient Plus Que De Sens: C'est Là Que Sont Maintenant
Réunis Les Deux Objets De Toute Ma Tendresse. Ne M'écrivez-Vous Pas De
Longues Lettres? Mandez-Moi Tout, Ma Reine: La Peinture La Plus Naïve Et
La Plus Circonstanciée Sera Celle Qui Me Plaira Davantage. Faites-La-Moi
Voir D'ici Tout Entière, S'il Est Possible: Je Ne Veux Point
D'échantillon. Une Réponse, Un Bon Mot, Qui Doit Souvent Toute Sa Grâce
À Celui Qui L'interprète, N'est Point Ce Qu'il Me Faut: Je Veux Le
Portrait De Tout Le Caractère, De Toute La Personne Ensemble, De La
Figure, De L'esprit Et Surtout Du Coeur. C'est Le Coeur Qui Nous
Conduit: L'instinct D'un Coeur Droit Est Mille Fois Plus Sûr Que Toutes
Les Réflexions D'un Bel Esprit: C'est Du Coeur Que Partent Tous Les
Premiers Mouvements: C'est Au Coeur Que Nous Obéissons Sans Cesse.
«Mais Revenons. Pardonnez-Moi Les Digressions, Ma Reine: Je Ne M'en
Contrains Pas; Elles Ne M'éloignent Jamais De Vous. Je Ne Parle
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 105Longtemps De La Même Chose Que Lorsque Je La Considère En Vous. Alors
Je M'y Arrête, Je La Tourne De Tous Les Sens: J'oublie Tout Le Reste,
J'oublie Que C'est Une Lettre Que J'écris Et Qu'il Est Impertinent De
Faire Des Amplifications À Tout Propos. Mais Voici Qui Est Encore Long;
Mon Papier Se Remplira, Et Je Ne Vous Ai Point Dit Encore Que Je Vous
Aime. C'est Pourtant Ce Que Je Veux Vous Dire Et Vous Redire Mille Fois:
Je Ne Puis Assez Vous Le Persuader. J'espère Que Vous Penserez Un Peu À
Moi Pendant Votre Séjour À Sens. Baisez-La Souvent, Et Quelquefois Pour
Moi. La Pauvre Petite! Que Je Voudrois Qu'elle Fût Heureuse! Elle Le
Sera Si Elle Vous Ressemble: C'est De Notre Humeur Que Dépend Notre
Bonheur. N'oubliez Pas Qu'il Faut Qu'elle Sache La Musique: C'est Un
Talent Agréable Pour Soi Et Pour Les Autres. On Ne Sauroit Commencer
Trop Tôt: On Ne La Possède Bien Que Quand On L'apprend Dans La Première
Enfance.
«Vous M'avez Fait Grand Plaisir De M'écrire Vos Amusements D'ablon: Mais
Je Ne Trouve Pas Trop À Propos Que Vous Alliez À La Chasse Au Soleil,
Surtout Si Les Chaleurs Sont Aussi Grandes Où Vous Êtes Qu'ici. Vos
Coiffes Garantissent Mal La Tête, Et Les Coups De Soleil Sont Dangereux
Et Très-Fréquents Dans Cette Saison. La Brutalité Du Garde Qui Trouve
Mauvais Que Vous Tiriez, Et La Politesse Du Chien Qui Rapporte Votre
Gibier, Prouvent Clairement Que Les Hommes Ont Souvent Moins De
Discernement Que Les Bêtes. Si La Métempsychose Avoit Lieu, Je
Consentirois Sans Répugnance À Devenir Comme Le Chien Qui Vous A
Caressée, Qui Vous A Rendu Service; Mais Je Serois Au Désespoir S'il Me
Falloit Quelque Jour Ressembler À Cet Homme Farouche Qui Se Formalise
Si Durement Et Si Mal À Propos. Je Me Sens Aujourd'hui Plus De Goût
Que Jamais Pour Les Chiens. J'ai Beaucoup Caressé Tous Les Miens: Je
Voudrois Témoigner À Toute L'espèce La Reconnoissance Que J'ai De
L'honnêteté De Leur Confrère À Votre Égard.
«Je Vous Embrasse, Ma Très-Aimable Aïssé. Vous Êtes Pour Toujours La
Reine De Mon Coeur.»
Benjamin Constant
Et
Madame De Charrière[107]
Rien De Plus Intéressant Que De Pouvoir Saisir Les Personnages Célèbres
Avant Leur Gloire, Au Moment Où Ils Se Forment, Où Ils Sont Déjà Formés
Et Où Ils N'ont Point Éclaté Encore; Rien De Plus Instructif Que De
Contempler À Nu L'homme Avant Le Personnage, De Découvrir Les Fibres
Secrètes Et Premières, De Les Voir S'essayer Sans But Et D'instinct,
D'étudier Le Caractère Même Dans Sa Nature, À La Veille Du Rôle. C'est
Un Plaisir Et Un Intérêt De Ce Genre Qu'on A Pu Se Procurer En Assistant
Aux Premiers Débuts Ignorés De Joseph De Maistre; C'est Une Ouverture
Pareille Que Nous Venons Pratiquer Aujourd'hui Sur Un Homme Du Camp
Opposé À De Maistre, Sur Un Étranger De Naissance Comme Lui, Parti De
L'autre Rive Du Léman, Mais Nationalisé De Bonne Heure Chez Nous Par Les
Sympathies Et Les Services, Sur Benjamin Constant.
[Note 107: Ce Morceau A Paru Pour La Première Fois Dans La _Revue Des
Deux Mondes_ Du 15 Avril 1844, Et Il A Été Joint Depuis À Une Édition
De _Caliste, Ou Lettres Écrites De Lausanne_, Roman De Mme De Charrière
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 106(Paris, 1845).]
Il En A Déjà Été Parlé Plus D'une Fois Et Avec Développement Dans Cette
_Revue_. Un Écrivain Bien Spirituel, Dont La Littérature Regrette
L'absence, M. Loève-Veimars, A Donné Sur L'illustre Publiciste[108] Une
De Ces Piquantes Lettres Politiques Qu'on N'a Pas Oubliée. Un Autre
Écrivain, Un Critique Dont Le Silence S'est Fait Également Sentir, M.
Gustave Planche, A Publié Sur _Adolphe_[109] Quelques Pages D'une Analyse
Attristée Et Sévère. Plus D'une Fois Benjamin Constant A Été Touché
Indirectement Et D'assez Près, À L'occasion De Notices, Soit Sur Mme De
Staël, Soit Sur Mmes De Krüdner Ou De Charrière; Mais Aujourd'hui C'est
Mieux, Et Nous Allons L'entendre Lui-Même S'épanchant Et Se Livrant
Sans Détour, Lui Le Plus Précoce Des Hommes, Aux Années De Sa Première
Jeunesse.
[Note 108: _Revue Des Deux Mondes_, 1er Février 1833.]
[Note 109: _Revue Des Deux Mondes_, 1er Août 1834.]
Dans L'article Que Cette _Revue_ A Publié, Si L'on S'en Souvient, Sur
Mme De Charrière[110], Sur Cette Hollandaise Si Originale Et Si Libre De
Pensée, Qui A Passé Sa Vie En Suisse Et A Écrit Une Foule D'ouvrages
D'un Français Excellent, Il A Été Dit Qu'elle Connut Benjamin Constant
Sortant De L'enfance, Qu'elle Fut La Première _Marraine_ De Ce Chérubin
Déjà Quelque Peu Émancipé, Qu'elle Contribua Plus Que Personne À
Aiguiser Ce Jeune Esprit Naturellement Si Enhardi, Que Tous Deux
S'écrivaient Beaucoup, Même Quand Il Habitait Chez Elle À Colombier,
Et Que Les Messages Ne Cessaient Pas D'une Chambre À L'autre; Mais Ce
N'était Là Qu'un Aperçu, Et Le Degré D'influence De Mme De Charrière Sur
Benjamin Constant, La Confiance Que Celui-Ci Mettait En Elle Durant
Ces Années Préparatoires, Ne Sauraient Se Soupçonner En Vérité, Si Les
Preuves N'en Étaient Là Devant Nos Yeux, Amoncelées, Authentiques, Et
Toutes Prêtes À Convaincre Les Plus Incrédules.
[Note 110: 15 Mars 1839; Et Dans Mes _Portraits De Femmes_.]
Un Homme Éclairé, Sincèrement Ami Des Lettres, Comme La Suisse En
Nourrit Un Si Grand Nombre, M. Le Professeur Gaullieur, De Lausanne,
Se Trouve Possesseur, Par Héritage, De Tous Les Papiers De Mme De
Charrière. En Même Temps Qu'il Sent Le Prix De Tous Ces Trésors,
Résultats Accumulés D'un Commerce Épistolaire Qui A Duré Un Demi-Siècle,
M. Gaullieur Ne Comprend Pas Moins Les Devoirs Rigoureux De Discrétion
Que Cette Possession Délicate Impose. En Préparant L'intéressant Travail
Dont Il Nous Permet De Donner Un Avant-Goût Aujourd'hui, Il A Dû Choisir
Et Se Borner: «Il Est, Dit-Il, Dans Les Papiers Dont Nous Sommes
Dépositaires, Des Choses Qui Ne Verront Jamais Le Jour; Il Existe Tel
Secret Que Nous Entendons Respecter. Il Est D'autres Pièces Au Contraire
Qui Sont Acquises À L'histoire, À La Langue Française, Comme Aussi À
La Philosophie Du Coeur Humain. Si La Postérité N'a Que Faire Des
Faiblesses De Quelques Grands Noms, Elle A Droit De Revendiquer Les
Documents Qui La Conduiront Sur La Trace De Certaines Carrières
Étonnantes, Qui Lui Dévoileront Les Vrais Éléments Dont S'est Formé À La
Longue Tel Caractère Historique Controversé.»
Au Nombre De Ces Pièces Que La Curiosité Publique Est En Droit De
Réclamer, On Peut Placer Sans Inconvénient (Et Sauf Quelques Endroits
Sujets À Suppression) La Correspondance De Benjamin Constant Avec Mme De
Charrière. Elle Comprend Un Espace De Sept Années, 1787-1795; Benjamin A
Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 107Vingt Ans Au Début, Il Est Dans Sa Période De Werther Et D'adolphe: S'il
Est Vrai Qu'il N'en Sortit Jamais Complètement, On Accordera Qu'à Vingt
Ans Il Y Était Un Peu Plus Naturellement Que Dans La Suite. Pour
Qui Veut L'étudier Sous Cet Aspect, L'occasion Est Belle, Elle Est
Transparente; On A Là L'épreuve _Avant La Lettre_, Pour Ainsi Dire.
Tout D'abord On Voit Le Jeune Benjamin Fuyant La Maison Paternelle, Ou
Plutôt S'échappant De Paris, Où Il Passait L'été De 1787, Pour Courir
Seul, À Pied, À Cheval, N'importe Comment, Les Comtés De L'angleterre.
Il Est Parti, Pourquoi? Il Ne S'en Rend Pas Lui-Même Très-Bien Compte,
Il Est Parti Par Ennui, Par Amour, Par Coup De Tête, Comme Il Partira
Bien Des Fois Dans La Suite Et Dans Des Situations Plus Décisives. Des
Pensées De Suicide L'assiégent, Et Il Ne Se Tuera Pas; Des Projets
D'émigration En Amérique Le Tentent, Et Il N'émigrera Pas. Tout Cela
Vient Aboutir À De Jolies Lettres À Mme De Charrière, À Des Lettres
Pleines Déjà De Saillies, De Persifflage, De Moquerie De Soi-Même Et
Des Autres. Puis, Au Retour En Suisse, Pauvre Pigeon Blessé Et Traînant
L'aile, Assez Mal Reçu De Sa Famille Pour Son Équipée, Il Va Se Refaire
Chez Son Indulgente Amie À Colombier Près De Neuchâtel; Il Passe Là Six
Semaines Ou Deux Mois De Repos, De Gaieté, De Félicité Presque; Il S'en
Souviendra Longtemps, Il En Parlera Avec Reconnaissance, Avec Une
Sorte De Tendresse Qui Ne Lui Est Pas Familière. Voilà Le Premier Acte
Terminé.
Le Second S'ouvre À Brunswick, À Cette Petite Cour Où Sa Famille
L'a Fait Placer En Qualité De Gentilhomme Ordinaire Ou Plutôt Fort
Extraordinaire, Nous Dit-Il; Il Y Arrive En Mars 1788, Il Y Réside
Durant Ces Premières Années De La Révolution; Il S'y Ennuie, Il S'y
Marie, Il Travaille À Son Divorce, Qu'il Finit Par Obtenir (Mars 1793);
Il S'est Livré Dans L'intervalle À Toutes Sortes De Distractions Et À
Un Imbroglio D'intrigues Galantes Pour Se Dédommager De Son Inaction
Politique, Qui Commence À Lui Peser En Face De Si Grands Événements.
Placé Au Foyer De L'émigration Et De La Coalition, Il Est Réputé Quelque
Peu Aristocrate Par Ses Amis De France Qui L'ont Perdu De Vue,
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