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Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 4

De Théocrite, Qui Avaient Couru De Son Vivant, Furent Réunies Pour

La Première Fois, Quelque Temps Après Lui, Par Un Grammairien Du Nom

D'artémidore, Qui Lui Rendit, Toute Proportion Gardée, Le Même Service

Qu'aristarque Rendit À Homère. Cet Artémidore Mit En Tête De Son

Édition Un Distique Qui Disait: «Les Muses Bucoliques Étaient Autrefois

Errantes; Les Voilà Maintenant Toutes Ensemble D'une Même Étable, D'un

Même Troupeau.» On Est Tenté De Se Demander Déjà, D'après L'inscription,

Si Cette Première Édition Était Tout Authentique, Et Sans Mélange De

Pièces Étrangères À Théocrite. Quand On Fait Rentrer Ainsi À L'étable

Génisses Ou Chèvres Depuis Longtemps Éparses À La Ronde, On Court Risque

D'en Prendre Par Mégarde Quelques-Unes Au Voisin. Et Depuis Lors Le

Troupeau Ne S'est-Il Pas Grossi Encore, Selon L'habitude Facile De

Prêter Au Riche Et De Gratifier Le Puissant? Ce Qui Frappe À Une Simple

Lecture Dans Le Recueil Des Trente Pièces Attribuées À Théocrite (Je Ne

Parle Pas Des Petites Épigrammes De La Fin), C'est Qu'il N'y A Guère

Que La Première Moitié Qui Appartienne Au Genre Bucolique Pur, Et Qui

Justifie Entièrement L'idée D'originalité Attachée Au Nom Du Poëte.

On Ne Peut S'empêcher Non Plus De Remarquer Que Les Scholies Ou

Commentaires Qu'on Possède, Et Qui Ont Été Compilés D'après Les Plus

Anciens Grammairiens, Nous Abandonnent Et, En Quelque Sorte, Expirent

Vers Le Milieu Du Recueil, Comme Si Ces Anciens Commentateurs N'avaient

Cru Marcher Avec Le Vrai Théocrite Que Jusque-Là. On A Soulevé Et

Discuté Toutes Ces Questions, On A Trouvé Des Réponses. Mais, Dans

L'état Actuel De La Critique, Et À Moins De Découverte De Quelque

Manuscrit Qui Soit, Par Rapport À Théocrite, Ce Que Le Manuscrit

Découvert Par Villoison A Été Pour Homère, Il N'y A Guère Moyen De

Résoudre Ces Doutes Inévitables. Ce Qui Demeure Certain, C'est Que

Jusque Dans Les Dernières Pièces Du Recueil, Il Y En A Au Moins

Quelques-Unes Encore Du Poëte, Et Que La Plupart Ne Sont Pas Indignes De

Lui. Jouissons Donc, Sans Tant De Retard, De L'oeuvre Elle-Même. Pour

Plus De Netteté, Nous Diviserons Notre Examen En Trois Parts: 1° Nous

Parcourrons Les Pièces Purement Pastorales, Celles Qui Nous Manifestent

Théocrite Comme Le Maître Incomparable Du Genre; 2° Nous Insisterons

Sur Quelques Morceaux Plus Élégiaques Qu'idylliques, Mais D'une Extrême

Beauté, Tels Que _La Magicienne, Le Cyclope_, Et Dans Lesquels Théocrite

S'est Placé Au Premier Rang Parmi Les Peintres De La Passion; 3° Enfin,

Si Nous Voulions Être Complet, Nous Aurions À Dire Quelque Chose

Des Pièces De Divers Genres, Héroïques, Épiques, Satiriques, Dont

Quelques-Unes (Comme _Les Syracusaines_), Moins Originales Peut-Être Au

Temps De Théocrite, Sont Pour Nous Des Plus Neuves Et Nous Rendent Des

Tableaux De Moeurs Au Naturel. Voilà Un Bien Grand Cadre Que Nous Nous

Traçons. Les Premières Parties, Faut-Il L'avouer? Sont Celles Qui Nous

Attirent Le Plus Et Les Seules Qui Nous Semblent Peut-Être À Notre

Portée: C'est Par Là Que Nous Commencerons, Dussions-Nous Faire Comme

Les Anciens Scholiastes Eux-Mêmes Et Nous Arrêter À Moitié Chemin.

 

Les Pièces Pastorales, Qui Se Présentent Les Premières Et Les Plus

Originales Du Recueil De Théocrite, Sont À La Fois D'une Variété Qui Ne

Laisse Rien À Désirer. On Peut Dire À La Lettre De La Flûte Du Poëte,

Comme Il Le Dit Volontiers Du Syrinx De Ses Bergers, Que C'est Une Flûte

_À Neuf Voix_; Tous Les Tons S'y Trouvent[2]. La Première Idylle, Par

Exemple, Est Du Ton Plein Et Moyen De La Poésie Bucolique. D'autres

Idylles Montent Ou Descendent: La Quatrième, Par Exemple, Entre Battus

Et Corydon, N'est Réellement Pas Un Chant, Et N'offre Qu'une Causerie

Fredonnée À Peine, Un Peu Maigre Et Agreste De Propos, Et Très-Voisine

De La Prose. Tout À Côté, La Dispute Du Chevrier Et Du Berger, Comatas

Et Lacon, A Comme Trait Dominant La Note Aigre, Stridente, Que

Racheté Aussitôt Après La Charmante Mélodie Des Deux Jeunes Bouviers

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 5

Adolescents, Damoetas Et Daphnis, Qui Semblent Chanter À L'unisson. Mais

Ce Qu'il Y A De Plus Pur, De Plus Chaste Et De Plus Suave Dans Cette

Flûte Aux _Neuf Voix_, Me Paraît Sans Contredit L'adorable Idylle Entre

Les Deux Enfants, Daphnis Et Ménalcas, De Même Que Le Morceau Où Ce Ton

Monte, Éclate Et Se Déploie Avec Le Plus De Plénitude Et De Richesse,

Est L'admirable Chant Des _Thalysies_ Ou _Fêtes De Cérès_, Et La

Description Qui Le Couronne. Nous Ne Saurions Tout Parcourir En Détail

De Ces Divers Tons; Nous En Toucherons Pourtant Quelques-Uns.

 

[Note 2: Voir, Dans Le Joli Roman De _Daphnis Et Chloé_ (Liv. Ii),

L'endroit Où Le Bon Philétas Montre Aux Beaux Enfants Tout L'artifice Du

Syrinx.]

 

L'idylle Première Pose Tout D'abord La Scène, Et Retrace, Vivement Aux

Yeux L'ensemble Du Paysage Qui Va Être Le Théâtre Habituel De Ces Luttes

Pastorales. Dès Le Premier Vers, On Entend Le Bruissement Du Pin _Qui

Chante Près Des Sources_: Le Berger Thyrsis, S'adressant À Un Chevrier

Dont On Ne Dit Pas Le Nom, L'engage Aussi À Chanter. On Est Au Milieu

Du Jour; Thyrsis Lui Montre Un Tertre Abrité, En Le Lui Décrivant, Et

L'invite À S'y Asseoir, Tandis Que Lui Il Aura Soin Du Troupeau. Mais Le

Chevrier Lui Explique (Ce Que Le Pasteur De Brebis Ne Sait Pas) Qu'il

Craindrait De Réveiller Le Dieu Pan, Qui A Coutume De Dormir À Cette

Heure Du Jour; Il Lui Indique De Préférence Un Autre Lieu Ombragé,

Où Président Des Dieux Plus Indulgents, Priape Et Les Nymphes Des

Fontaines; Et À Son Tour Il Le Prie De Chanter. Ces Images De Lieux Sont

À La Fois Grandes Et Distinctes. On Sent, Même Avec Une Oreille À Demi

Profane, Combien Dans Ce Dialecte Dorien L'ouverture Des Sons Se Prête

À Peindre Largement Les Perspectives De La Nature. Ce Dialecte Est

Grandiose Et Sonore; Il Est Plein; Il Réfléchit La Verdure, Le Calme,

La Fraîcheur, Le Vaste De L'étendue, L'éclat De La Lumière. «Je Ne

Comprends Pas De Peinture, A Dit Un Grand Écrivain Qui Est Peintre

Lui-Même, S'il N'y A De La Lumière Et Du Soleil.» Le Dialecte Dorien

Chez Théocrite, Et Dès La Première Idylle, Répond À Ce Soleil, À Cette

Lumière. Si Je Voulais Donner Idée De L'impression Que J'en Reçois, Je

N'aurais Qu'à Rappeler Ce Vers De Virgile:

 

  _Pascitur In Magna Silva Formosa Juvenca_;

 

Et Cet Autre Vers De Lucrèce:

 

  _Per Loca Pastorum Deserta Atque Otia Dia_.

 

La Première Partie De Cette Idylle Est Donc Toute Calme Et Riante: Pour

Mieux Décider Thyrsis À Chanter Les Couplets Qu'il Lui Demande,

Le Chevrier Lui Offre Une Coupe Dont Il Lui Fait Une Ravissante

Description, Et Il Y Complète Par Les Paroles L'intention Des Ciselures;

Puis Il Finit Par Cette Réflexion Mélancolique, Qui Sert Comme De

Transition Au Chant Funèbre De La Seconde Partie: «Allons, Chante, Ô Mon

Bon! Car Ton Chant, Tu Ne L'emporteras Pas Dans L'érèbe, Qui Fait Tout

Oublier.» Suivent Les Couplets Où Thyrsis Déplore La Mort De Daphnis, De

Ce Premier Chantre Pastoral Qui Mourut Victime, Comme Hippolyte, De La

Vengeance De Vénus. On Retrouve Là Tant D'images Prodiguées Et Usées

Depuis, Mais Qui S'y Rencontrent Toutes Fraîches Et À Leur Source. Les

Imprécations Du Mourant Contre Vénus, Qui Est Accourue En Personne Pour

Jouir De Son Agonie, Exhalent L'énergique Passion. De Même Qu'hippolyte

Expirant N'a Recours Qu'à Diane, C'est Vers Pan Que Daphnis Se Tourne À

Sa Dernière Heure, Et Il Ne Veut Remettre Sa Flûte À_ L'haleine De Miel_

À Personne Autre Qu'à Lui.

Volume 1 Title 1 (Portraits Littéraires, Tome 3) pg 6

 

Hommes Et Poëtes, Ne Sommes-Nous Pas Tous Plus Ou Moins Comme Le Daphnis

De L'idylle, Qui, En Mourant, Ne Veut Rendre Sa Flûte Qu'au Dieu, Et

Qui Crie Aux Ronces De Donner Des Violettes, Au Genévrier De Porter Le

Narcisse, Et Au Monde Entier D'aller Sens Dessus Dessous, Parce Que

Lui-Même Il S'en Va? Après Moi Le Déluge! Les Grecs Disaient: Après Moi

L'incendie! Et Si Nous N'y Prenons Garde, Non-Seulement Nous Sommes

Tentés De Le Souhaiter, Mais Nous Finissons Presque Par Le Croire: Le

Monde Saurait-Il Aller Sans Nous? Plus On Porte Vivant Au Dedans De Soi

Le Sentiment De Poétique Immortalité, Plus On Est Prêt À Se Révolter

Contre Cette Insensibilité De La Nature, Et Contre Cette Immortalité

Suprême Qui La Laisse Indifférente À Notre Départ, Et Aussi Belle, Aussi

Jeune Après Nous Que Devant. Bien Des Poëtes Modernes Ont Rendu Ce

Déchirant Contraste: Les Anciens, Sous D'autres Formes, Arrivaient Aux

Mêmes Pensées.

 

La Première Idylle, On L'entrevoit Par Le Peu Que Nous Avons Dit, À La

Fois Douce Et Grave, Et Composée Avec Art, Mérite Le Rang Qu'elle Occupe

En Tête Du Recueil; Un Ancien A Eu Raison De Dire Qu'elle Justifie Ce

Mot De Pindare: «A L'entrée De Chaque Oeuvre, Il Faut Placer Une Figure

Qui Brille De Loin.»

 

Si Je Pouvais Me Donner Toute Carrière[3], J'aurais Peine À Ne Pas Aller

Droit, Comme La Chèvre, Aux Parties Scabreuses Et, Pour Ainsi Dire, Aux

Endroits Escarpes De Théocrite, À Cette Idylle Quatrième, Par Exemple,

Qui Semblait Si Peu En Être Une Aux Yeux De Fontenelle, Et Dont Le Trait

Le Plus Saillant Vers La Fin Est Une Épine Que L'un Des Interlocuteurs

S'enfonce Dans Le Pied, Et Que L'autre Lui Retire. J'en Donnerais La

Traduction Mot À Mot, En Tâchant D'en Faire Saisir Le Parfum Champêtre

Et Comme L'odeur De Bruyère Qui Court À Travers Ces Propos Familiers

Et Simples. Puis Je Traduirais En Regard (Car Ces Premières Idylles De

Théocrite Se Correspondent, Se Corrigent Et Se Rejoignent Exactement

L'une L'autre Comme Les Tuyaux Du Syrinx, Et C'est Déjà Être Infidèle

Que D'en Détacher Une Ou Deux Isolément), Je Traduirais, Dis-Je, En

Entier L'idylle Sixième, Toute Poétique, Et Dans Laquelle Les Deux

Bouviers Adolescents Ou Pubères À Peine, Damoetas Et Daphnis, Se Mettent

À Chanter Les Agaceries De La Nymphe Galatée, Qui Jette Des Pommes Au

Troupeau Et Au Chien De Polyphème, Et Les Coquetteries Du Cyclope, Qui

Fait Semblant À Son Tour De Ne La Point Voir. Ici Ce N'est Pas Derrière

Les Saules Que Fuit Galatée, Comme Chez Virgile, C'est Dans La Mer

Qu'elle Se Replonge, En Nymphe Qu'elle Est; Et La Belle Vague, Apaisant

Son Bouillonnement, La Laisse Voir À La Nage Sur La Grève: Le Chien Est

Là Qui Regarde Vers La Mer En Aboyant. Après L'idylle Quatrième, Qui

Était Un Peu Maigre, Après L'idylle Cinquième, Qui Était Surtout

Piquante Et Querelleuse, Rien Ne Repose Et N'enchante Comme Cette

Manière De Symphonie Aimable Entre Les Deux Chanteurs Unis, Dont Aucun

N'est Vainqueur, Dont Aucun N'est Vaincu.

 

[Note 3: C'était Pour Le _Journal Des Débats_ Que J'écrivais Ces

Articles, Et Je M'y Sentais Un Peu À L'étroit.]

 

J'allais Dire Que Rien N'égale Cette Grâce De La Sixième Idylle, Mais

Théocrite Lui-Même L'a Surpassée. La Huitième Idylle, Entre Les Deux

Enfants, Daphnis Et Ménalcas, Est Peut-Être La Plus Caractéristique Du

Genre Pastoral Pur, La Plus Véritablement Charmante, La Plus Simple

Et La Plus Innocente Aussi, Placée Aux Limites De L'enfance Et De

L'adolescence. Nulle Églogue Ne Respire Davantage La Félicité De La

Campagne, L'abandon Et La Joie Facile; Il S'y Mêle La Plus Naïve Rougeur

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